Jurisprudence
Brevets

Rétractation de l’ordonnance de saisie-contrefaçon - Présentation déloyale des faits fondant la requête

PIBD 1151-III-1
CA Paris, 6 novembre 2020

Rétractation de l’ordonnance de saisie-contrefaçon (oui) - Pièces fondant la requête - Traduction erronée - Principe de loyauté

Texte

La saisie-contrefaçon est valablement autorisée dès lors que celui qui en fait la demande apporte au juge des requêtes des éléments d’appréciation suffisants pour le conduire à estimer vraisemblable l’existence d’une atteinte à son droit. Le caractère exorbitant de cette mesure, obtenue de manière non contradictoire, impose au requérant d’agir avec loyauté et de faire au juge une présentation fidèle des faits motivant sa requête, afin que celui-ci se trouve en mesure d’exercer un contrôle de proportionnalité en considération des intérêts en présence.

Le brevet invoqué au titre de la saisie-contrefaçon concerne un calibrateur sous forme liquide pour la détermination de la procalcitonine (PCT) qui est un biomarqueur utilisé pour des tests de diagnostics. Selon la requérante, il ressortirait notamment du site internet de la société poursuivie et de la brochure test du kit de calibration litigieux, tous deux rédigés en anglais avec les mentions «42 days calibration stability» surlignées en jaune, que les calibrateurs utilisés auraient une stabilité de quarante-deux jours. Selon elle, cette stabilité résulterait vraisemblablement d’inhibiteurs de protéases conformément à la revendication 1 de son brevet.

Or, les débats contradictoires ont permis de constater que les termes anglais de «calibration stability» ne signifient pas, comme le laissait entendre la requérante, «stabilité du calibrateur» mais «stabilité de l’étalonnage». Cette indication signifie seulement que l’étalonnage de la machine pourra réaliser des tests valables durant quarante-deux jours et qu’il faut au-delà nécessairement procéder à un nouvel étalonnage. Ainsi, cette durée mise en avant pour justifier les opérations de saisie-contrefaçon ne correspond pas à celle de la stabilité de la solution d’étalonnage et ne peut permettre de supposer l’utilisation d’inhibiteurs de protéases.

Par conséquent, cette présentation des faits litigieux, qui insiste sur une durée de stabilité des calibrateurs et met en avant des documents non traduits mais surlignant des termes dont il est à tout le moins suggéré une traduction erronée, constitue une présentation trompeuse voire déloyale. L’ordonnance de rétractation de l'ordonnance ayant autorisé la saisie-contrefaçon est donc confirmée.

Cour d’appel de Paris, pôle 5, 2e ch., 6 novembre 2020, 2020/01647 (B20200053)
Brahms GmbH c. Beckman Coulter France SASU et Immunotech SAS
(Confirmation TJ Paris, ord. réf., 3e ch., 3e sect., 10 janv. 2020, 2019/12218)