Jurisprudence
Marques

Revendication de la propriété d’une marque déceptive

PIBD 1151-III-2
Cass. com., 4 novembre 2020

Revendication de la propriété des marques - Dépôt frauduleux - Signe de nature à tromper le public

Préjudice - Absence de droit exclusif sur la dénomination - Entrave à l’exploitation du signe d’autrui

Texte
Marque n° 3 432 222 BEBE LILLY déposée par la société Heben Music
Texte

Selon les articles L. 711-3 c) dans sa version antérieure à celle issue de l’ordonnance du 13 novembre 2019 et L. 714-3 du CPI, une marque constituée d’un signe de nature à tromper le public doit en principe être annulée. Une telle marque peut néanmoins, en application de l’article L. 712-6 al. 1er du CPI, donner lieu à revendication dans l’hypothèse où le transfert de sa propriété ferait disparaître son caractère déceptif.

En l’espèce, l’auteur des paroles de deux chansons mettant en scène une enfant prénommée Lili pour l’une et un personnage dénommé « Bébé Lilly » pour l’autre, a formulé une demande en revendication de la propriété des marques française et internationale BEBE LILLY pour dépôt frauduleux par la société ayant commercialisé un disque comprenant ces deux titres. La cour d’appel a relevé qu’il soutenait que le dépôt de ces marques avait pour but de tromper le public sur la provenance des enregistrements et de faire croire qu’il n’existait pas d’artiste réel ayant interprété ses œuvres. Elle a alors rejeté sa demande, au motif qu’il ne pouvait revendiquer à son profit des marques dont il alléguait le caractère trompeur.

En statuant ainsi, sans vérifier si le transfert des marques litigieuses au demandeur, qui ne concluait à leur caractère trompeur que dans la seule mesure où elles avaient été déposées par l'éditeur du disque, ne ferait pas disparaître leur éventuel caractère déceptif, la cour d’appel a privé sa décision de base légale.

La cour d’appel a rejeté la demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait du dépôt des marques. Elle a estimé que le demandeur n’avait aucune exclusivité sur la dénomination « Bébé Lilly », de sorte que des écrits autres que les siens pouvaient être produits sous cette dénomination, et qu’il ne caractérisait donc pas le préjudice qu’il aurait subi du fait de l’utilisation des marques litigieuses par le déposant.

En statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté que le déposant avait, en toute connaissance de cause et de façon déloyale, privé le demandeur de la possibilité d’exploiter paisiblement la dénomination « Bébé Lilly », la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l’article 1240 du Code civil.

Cour de cassation, ch. com., 4 novembre 2020, H/2018/18455 (M20200229)
Abdelkader D c. Bertand J (mand. à la liquidation judiciaire de la Sté Heben Music)
(Cassation partielle CA Paris, pôle 5, 2e ch., 30 mars 2018 rectifié le 29 juin 2018, 2017/04929, M20180137 ; rendu sur renvoi après cassation CA Paris, pôle 5, 1re ch.,
27 janv. 2015, 2012/15801, M20150075 ; Cass. com., 11 janv. 2017, E/2015/15750, M20170009, PIBD 2017, 1067, III-180, RLDI, 134, févr. 2017, p. 19, note de L. Costes, RJDA, avr. 2017, p. 340, Propr. industr., mars 2017, p. 36, note de P. Trefigny, Légipresse, 346, févr. 2017, p. 67, D. IP/IT, févr. 2017, p. 68, RTD com, 1, janv.-mars 2017, p. 76, note de F. Pollaud-Dulian, D IP/IT, mai 2017, p. 280, note de J. Daleau).