Doctrine et analyses
Comptes rendus

Question préjudicielle posée par un tribunal allemand à la CJUE dans l’affaire Nokia c. Daimler

PIBD 1150-II-1

d’après les articles de Charlotte Kilpatrick : German court refers Nokia v. Daimler to CJEU et Daimler hinges hopes on CJEU reference in Nokia war, in MIP, 24 et 26 novembre 2020

Texte

Le Landgericht de Düsseldorf a saisi la CJUE dans le litige qui oppose le constructeur automobile Daimler à Nokia, titulaire de brevets essentiels sur la technologie permettant la connectivité des automobiles.

La Cour européenne devra décider si Nokia abuse de sa position dominante en refusant de concéder une licence aux sous-traitants de Daimler qui fournissent l’équipement connecté et en voulant octroyer cette licence à l’utilisateur final, en l’occurrence Daimler.

La question est également de savoir si les titulaires de brevets essentiels ont le droit de choisir la partie, dans la chaîne d’approvisionnement, contre laquelle ils demandent une injonction pour contrefaçon de brevets.

Ce litige a fait également l’objet de procédures devant les tribunaux de Munich1 et de Mannheim2. L’été dernier, l’Office allemand des cartels avait recommandé au tribunal de Mannheim de surseoir à statuer et de saisir la CJUE. Le tribunal n’avait pas suivi son avis et avait octroyé une injonction contre Daimler du fait de son absence de volonté de prendre une licence.

Avant que ne soit connue la décision du Landgericht de Düsseldorf, les observateurs estimaient qu’un sursis à statuer était la seule chance qu’avait Daimler de l’emporter. D’aucuns se demandaient néanmoins combien de temps le constructeur automobile allait pouvoir tenir sans prendre la licence proposée par Nokia. Selon un expert, sa seule planche de salut est de négocier des taux bas et de profiter du sursis à statuer, en espérant que Nokia préfèrera un taux réduit plutôt que d’attendre l’issue de la procédure européenne. Il estime pour sa part que le droit européen est suffisamment clair sur la question de savoir qui doit prendre la licence FRAND, considérant
que ce serait le chaos si la CJUE donnait raison à Daimler sur ce point.

À propos de la décision du tribunal de Munich, Nokia soutenait que la prétendue pression exercée par Daimler pour que Nokia octroie une licence à ses fournisseurs n'est en fait qu’un moyen de retarder le moment où Daimler prendra lui-même une licence.

Un autre expert fait remarquer que beaucoup de sous-traitants européens n’auront pas les moyens de prendre une licence et qu’ils pourraient mettre la clé sous la porte si leurs marges se réduisaient. Il ne resterait alors sur le marché que trois ou quatre sous-traitants asiatiques. Si les constructeurs ne peuvent s’entendre avec leurs sous-traitants sur un partage du coût de la technologie, ils courent le risque de ne plus avoir le choix des sous-traitants.