Doctrine et analyses
Compte rendu

Licences FRAND : un arrêt de la Cour suprême néerlandaise conforte les titulaires de BEN mais des questions demeurent en suspens

PIBD 1181-II-1

d’après l’article d’Adam Houldsworth : Dutch Supreme Court bolsters SEP owners, but FRAND dance questions remain unanswered, in IAM, 22 mars 2022

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Dans un litige opposant Philips au fabricant de téléphones mobiles Wiko, la Cour suprême néerlandaise a récemment rendu deux arrêts concernant la validité et la contrefaçon de brevets essentiels à une norme (BEN) détenus par Philips, et la négociation d’une licence FRAND.

La Cour suprême a confirmé des arrêts dans lesquels la cour d’appel de La Haye : avait jugé les brevets en cause valables et contrefaits ; avait rejeté l’argument de Wiko selon lequel la manière dont Philips avait cherché à négocier une licence avant d’engager son action relevait de l’abus de position dominante ; avait conclu à la réticence de Wiko à prendre une licence.

Statuant sur des négociations en vue d’une licence FRAND pour la première fois depuis l’arrêt de la CJUE dans l’affaire Huawei c. ZTE (
C-170/13), la cour d’appel avait pris position sur deux points importants.

Primo, réfutant l’argument de Wiko à cet égard, elle avait estimé que l’arrêt de la CJUE ne créait pour les titulaires de BEN aucune obligation d’expliquer en quoi leur offre répond aux conditions FRAND : ils doivent préciser le montant de la redevance et son mode de calcul mais ne sont aucunement tenus de donner accès aux contrats de licence – généralement confidentiels – déjà conclus.

Secundo, la cour d’appel avait estimé que la contre-proposition de Wiko à Philips ne suffisait pas à établir qu’il était disposé à négocier une licence – cette contre-proposition n’ayant été transmise qu’après l’introduction de l’action en contrefaçon par Philips – et elle avait écarté le grief d’abus de position dominante invoqué par Wiko.

D’aucuns regrettent que la Cour suprême ait confirmé les arrêts d’appel sans aller plus loin et n’ait pas saisi la CJUE à titre préjudiciel.

Parmi les interrogations qui demeurent sans réponse dans le contexte des licences de BEN, certains experts évoquent la suivante : le preneur de licence est-il obligé d’accepter une licence mondiale lorsque l’enjeu est limité à la contrefaçon d’un brevet national ? Ils notent que même si la cour d’appel n’avait pas abordé ce point directement, l’affaire Philips c. Wiko pourrait donner à penser qu’elle n’y verrait pas nécessairement une obligation déraisonnable.

Par ailleurs, la question de savoir si le titulaire a l’obligation de donner des informations sur les licences existantes n’est pas totalement résolue. Il ne saurait certes être question de divulguer la teneur de contrats confidentiels mais peut-être serait-il envisageable que les contrats du titulaire soient systématiquement passés en revue, par l’intermédiaire d’un tiers de confiance.

L’issue de l’affaire Philips c. Wiko confirme la position globalement favorable aux brevetés de la justice néerlandaise, s’agissant des problématiques liées aux BEN et aux conditions FRAND. Voilà qui, pour l’auteur, mérite d’être souligné compte tenu de l’importance stratégique des Pays-Bas dans le cadre du contentieux transfrontière en Europe.

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