Jurisprudence
Brevets

Première décision de l'INPI statuant sur une opposition à un brevet d'invention

PIBD 1183-III-2
Décision INPI, 23 mai 2022

Opposition au brevet d’invention - Nouveauté (oui) - Activité inventive (non) - Approche problème-solution - Définition de l’homme du métier - État de la technique - Problème technique à résoudre - Évidence - Connaissances générales de l’homme du métier

Requête subsidiaire 1 - Rejet - Revendication 8 modifiée - Extension de l’objet au-delà du contenu de la demande initiale (oui)

Requête subsidiaire 2 - Revendication 8 modifiée - Nouveauté (oui) - Activité inventive (oui) - Maintien du brevet sous une forme modifiée

Texte

L’opposition formée à l’encontre d’un brevet intitulé « Procédé de formage de récipient en matériau thermoplastique par étirage bi-axial » est reconnue justifiée et le brevet est maintenu sous une forme modifiée[1].

Pour être comprise dans l’état de la technique et être privée de nouveauté, l’invention doit s’y trouver tout entière dans une seule antériorité au caractère certain, avec les éléments qui la constituent dans la même forme, le même agencement, le même fonctionnement en vue du même résultat technique[2]. En l’espèce, aucun des documents présentés par l’opposant ne divulgue, directement et sans ambigüité, l’ensemble des caractéristiques techniques des revendications indépendantes n° 1 et 8 du brevet contesté. Le motif d’opposition selon lequel les revendications n° 1 et 8, ainsi que les revendications dépendantes n° 2 à 7, 9 et 10, manquent de nouveauté n’est donc pas fondé.

Pour apprécier l’activité inventive, l’approche problème-solution est privilégiée. L’homme du métier est défini comme un ingénieur qualifié, tel qu’un ingénieur en mécanique, qui a plusieurs années d’expérience dans l’industrie du formage de bouteille par étirage-soufflage. Le document D1 (une demande de brevet européen portant sur un procédé et un dispositif de soufflage avec refroidissement intérieur) produit par l’opposant est considéré comme l’état de la technique le plus proche, dès lors que ce document, qui relève du même domaine technique, vise à atteindre le même objectif que l’objet du brevet contesté.

Au regard des éléments présentés, l’objet de la revendication indépendante n° 1 et des revendications dépendantes n° 2 à 7 du brevet contesté implique une activité inventive vis-à-vis de l’état de la technique cité à son encontre par l’opposant.

En revanche, l’objet de la revendication indépendante n° 8 découle de manière évidente de l’état de la technique cité, en ce que l’homme du métier, afin de résoudre le problème technique objectif, sera amené à combiner les enseignements du document D1 et ses connaissances générales. Le motif d’opposition selon lequel l’objet de la revendication n° 8 manque d’activité inventive est donc fondé et le brevet ne peut pas être maintenu tel que délivré.

Au cours de la procédure d’opposition, le titulaire peut modifier les revendications du brevet sous réserve que le nouveau jeu de revendications soit conforme à l’article L. 613-23-3 du CPI. La requête subsidiaire 1 n’est pas conforme à l’article L. 613-23-3 2° dès lors que les modifications apportées étendent l’objet du brevet au-delà du contenu de la demande telle que déposée.

En revanche, la proposition de brevet modifié selon la requête subsidiaire 2, qui conserve les revendications n° 1 à 7 telles que délivrées et dont les nouvelles revendications n° 8 et 9, correspondant aux revendications n° 10 et 11 telles que délivrées, impliquent une activité inventive vis-à-vis de l’état de la technique cité, est conforme à l’article L. 613-23-3. Le brevet est donc maintenu sous une forme modifiée selon la requête subsidiaire 2.   

Décision INPI, 23 mai 2022, OPP 20-0004 (OB20200004)
Krones AG  c. Sidel Participations

[1] Il s’agit de la première décision rendue par le directeur général de l’INPI statuant sur une opposition à un brevet d’invention. Cette procédure créée par la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 (loi PACTE) et encadrée par l’ordonnance n° 2020-116 du 12 février 2020 et le décret n° 2020-225 du 6 mars 2020 permet à tout tiers de demander la révocation totale ou partielle d’un brevet français délivré, sur le fondement d’un ou plusieurs motifs énumérés à l’article L. 613-23-1 du CPI. Le directeur général de l’INPI statue sur l’opposition au terme d’une procédure contradictoire comprenant une phase d’instruction (art. L. 613-23-2 CPI). Pour plus d’information, voir l’article « S’opposer à un brevet délivré à compter du 1er avril 2020 » sur le site internet de l’INPI.

[2] CA Paris, pôle 5, 1re ch., 19 déc. 2017, Albert P. et Thierry C c. Van Robaeys Frères SA,16/00871 ; B20170190.