Doctrine et analyses
Compte rendu

Première mondiale : la plus haute juridiction du Royaume-Uni juge qu'une IA ne peut pas être désignée comme inventeur

PIBD 1219-II-1

d’après l’article de Rachel Mountain : Global first as apex UK court rules AI cannot be a named inventor, in IAM, 20 décembre 2023

Texte

L’article se fait l’écho d’un arrêt de la Cour suprême du Royaume-Uni du 20 décembre 2023, duquel il résulte qu’une intelligence artificielle ne peut être désignée comme inventeur dans une demande de brevet.

En 2018, Stephen Thaler a déposé deux demandes de brevet1 et a désigné le système d’intelligence artificielle DABUS comme inventeur. L’Office britannique de la propriété intellectuelle les a rejetées en l’absence de désignation d’une personne physique. Ayant saisi la justice, Stephen Thaler a été débouté par la High Court en 2020, puis par la Court of Appeal en 2021 – avec une opinion dissidente de l’un des trois juges.

Dans un arrêt rendu à l’unanimité, la Cour suprême juge que la loi sur les brevets n’autorise qu’une seule interprétation : un inventeur doit être une personne physique. Elle ajoute que DABUS n’est pas une personne, mais une machine qui a créé ou généré les avancées techniques objet des demandes, de manière autonome.

Si cet arrêt n’apparaît guère surprenant pour les observateurs du secteur, il est intéressant en ce qu’il s’agit de la toute première décision d’une juridiction suprême sur ce point et en ce qu’il évoque deux questions en suspens.

Faut-il admettre la brevetabilité des avancées techniques générées par des machines agissant de façon autonome et dotées d’une IA ? Et élargir la définition de la notion d’inventeur en y incluant les machines, dotées d’une IA, générant des produits et procédés nouveaux et non-évidents dont on peut penser qu’ils présentent des avantages par rapport à ceux déjà connus ?

La Cour fait observer qu’on touche là à des questions politiques, ayant trait à la philosophie des brevets, et qu’avec la rapidité des progrès de l’IA, elles revêtent certainement une importance plus grande aujourd’hui qu’à la date de dépôt des demandes de S. Thaler. D’aucuns notent que la Cour semble, à juste titre, suggérer de manière indirecte qu’elles relèvent du législateur.

L’auteure signale à cet égard qu’en 2022, le gouvernement britannique a publié sa
réponse à une consultation portant, entre autres, sur les inventions liées à l’IA. L’idée selon laquelle l’IA n’était pas encore capable de réelle inventivité semblait alors faire consensus, et une éventuelle réforme du système des brevets était jugée prématurée. Mais c’était avant la révolution ChatGPT, notamment.

Certains soulignent la nécessité d’inscrire toute évolution législative dans une dynamique d’harmonisation internationale, sans quoi le risque de décisions divergentes serait source d’insécurité juridique et nuirait, in fine, à l’innovation.

Sans prendre d’engagements concrets, l’Office britannique se dit, pour sa part, conscient des enjeux et mobilisé sur ce sujet.

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Les opinions exprimées dans les articles cités n’engagent que leurs auteurs et ne représentent pas la position de l’INPI.