d’après l’article de Marco Stief* : Proportionality defence v. compulsory licence: the decision of the Düsseldorf court, in MIP, 296, Winter 2022, p. 30-32
Une décision1 du Landgericht de Düsseldorf apporte quelques éclaircissements sur l’interprétation de l’article 139, paragraphe 1, phrase 3 de la loi sur les brevets concernant la possibilité d’invoquer le principe de proportionnalité contre l’octroi de mesures d’interdiction dans une action en contrefaçon de brevet. Ce principe a été introduit par la deuxième loi sur la simplification et la modernisation du droit des brevets. Il s’applique depuis août 2021.
La société biotechnologique britannique NuCana a engagé une action en contrefaçon de brevet contre le laboratoire américain Gilead dont les médicaments contre l’hépatite C contiennent le principe actif sofosbuvir, protégé par un brevet européen détenu par NuCana. Dans le cadre de sa défense, Gilead a invoqué le principe de proportionnalité dans l’intérêt des patients. La validité du brevet avait été confirmée suite au rejet de l’opposition formée par Gilead.
Le Landgericht de Düsseldorf a conclu à la contrefaçon du brevet. Il avait refusé de surseoir à statuer dans l’attente de l’issue du recours contre la décision d’opposition en raison, notamment, de la demande de licence obligatoire2 déposée parallèlement par Gilead.
Pour ce qui concerne la proportionnalité, le tribunal a décidé de son caractère subsidiaire par rapport à la licence obligatoire. En effet, on aurait pu raisonnablement attendre de Gilead qu’il demande une licence obligatoire, dans l’intérêt des patients, avant d’invoquer la proportionnalité.
Le tribunal veut par là empêcher le défendeur de se soustraire aux exigences de la licence obligatoire qui, de surcroît, est octroyée par le tribunal des brevets. Or, celui-ci est doté d’une compétence technique dont sont dépourvues les juridictions qui statuent sur la contrefaçon.
Par ailleurs, le tribunal a appliqué le principe de bonne foi contenu à l’article 139, paragraphe 1, phrase 3 de la loi sur les brevets. Ainsi, il ne suffit pas de prendre en compte l’intérêt des tiers, mais également le comportement du contrefacteur présumé. On attend de celui-ci qu’il fasse le maximum pour protéger l’intérêt des patients, surtout lorsque des traitements vitaux sont en jeu.
Si le tribunal a reconnu que l’intérêt des patients était affecté en l’absence de traitement alternatif, il n’a pas pour autant accepté l’argument de proportionnalité étant donné le manque d’efforts de Gilead pour obtenir une licence. En effet, celui-ci aurait dû essayer d’obtenir une licence à des conditions raisonnables avant de demander une licence obligatoire.
L’auteur émet quant à lui quelques réserves sur le raisonnement du tribunal concernant le caractère subsidiaire de l’argument de proportionnalité eu égard à l’intérêt des patients.
* Maiwald.
1 Cette décision peut être consultée dans GRUR, 22, 16 novembre 2022, p. 1665-1668.
2 Article 24 de la loi sur les brevets.