Jurisprudence
Dessins et modèles

Projet architectural portant sur un village de vacances : dénigrement de l’agence titulaire des droits d’auteur sur l'œuvre collective par un architecte ayant contribué à sa réalisation

PIBD 1192-III-7
CA Paris, 21 septembre 2022

Titularité des droits d’auteur - Commande - Qualification de l’œuvre - Œuvre collective

Concurrence déloyale (oui) - Dénigrement - Envoi d’un courrier

Texte

Dans le cadre d’un appel à projet de la commune de Bourg-Saint-Maurice, la société Club Med a commandé à une agence d’architecture la conception et la réalisation d’un projet architectural portant sur un village de vacances. Un architecte et sa société, qui ont travaillé sur le projet, ayant envoyé un courrier de mise en demeure à la société Club Med ainsi qu’au maire de la commune, l’agence d’architecture a agi en concurrence déloyale pour dénigrement.

L’agence demanderesse a assumé la direction, l’édition, la publication et la divulgation sous son nom du projet. La mention sur certains documents de travail ou techniques, aux côtés de son nom, de ceux de deux architectes n’exclut pas la qualification d’œuvre collective.

Par ailleurs, ce projet est le résultat de la contribution de différents auteurs, dont l’architecte poursuivi. Ces contributions personnelles se fondent dans l’ensemble en vue duquel elles ont été conçues, sans qu’il soit possible d’attribuer à chacun un droit indivis sur l’ensemble ainsi réalisé. À cet égard, il est établi que l’architecte poursuivi a participé à la conception du projet, s’agissant notamment du « design extérieur ». Mais ce processus de création a été contrôlé par l’agence demanderesse, agissant elle-même en concertation avec la société Club Med. L’agence a ainsi harmonisé le travail de chacun des autres contributeurs, architecte, informaticien ou dessinateur.

À l’initiative du projet et seule mandatée par la société Club Med, elle a donc assuré la fédération de ses différentes contributions, le projet étant au demeurant présenté sous son seul nom. En conséquence, propriétaire de cette œuvre collective en vertu de l’article L. 113-5 du CPI, elle est seule investie des droits d’auteur.

Dès lors, les propos tenus dans le courrier sont fautifs. L’agence demanderesse y est présentée comme s’étant abusivement appropriée les plans du village de vacances, fruit du travail de l’architecte et de sa société, ces derniers se revendiquant également comme « concepteur exclusif du projet architectural ». En outre, les termes employés ne sont ni purement informatifs ni mesurés, mais au contraire très menaçants. Ces propos ne peuvent qu’avoir été à l’origine d’un trouble dans les relations commerciales de l’agence demanderesse avec la société Club Med, qui est l’un de ses plus grands clients.

Cour d’appel de Paris, pôle 5, 1re ch., 21 septembre 2022, 20/13834 (D20220050)
M. M et BTSG SCP c. Atelier Cap Architecture SAS
(Confirmation partielle TGI Paris, 3e ch., 1re sect., ord. juge de la mise en état, 8 mars 2018 et TGI Paris, 3e ch., 1re sect., 8 nov. 2018, 17/04649)