Jurisprudence
Dessins et modèles

Protection d’une jupe à titre de DMCNE - Appréciation du caractère individuel au vu de l'impression globale produite par chacun des modèles antérieurs

PIBD 1184-III-7
CA Paris, 25 février 2022

Protection du modèle communautaire non enregistré (oui) - Point de départ de la protection - Date certaine de divulgation - Connaissance par les milieux spécialisés de la CE - Nouveauté - Caractère individuel - Impression globale - Tendance de la mode - Prise en compte des modèles antérieurs - Différences de détail

Contrefaçon du modèle communautaire non enregistré (non) - Impression globale différente - Matière

Texte

Le modèle de jupe revendiqué à titre de modèle communautaire non enregistré apparaît pour la première fois sur une facture de vente d’articles d’habillement. C’est cette date qui doit être retenue comme celle de la première divulgation au public du modèle dans la Communauté européenne, à partir de laquelle les conditions de nouveauté et de caractère individuel doivent être appréciées.

L'examen du caractère individuel d'un dessin ou modèle communautaire ne saurait être effectué au regard d'éléments isolés tirés de différents dessins ou modèles antérieurs mais en considération de l'impression globale produite par chacun de ces dessins ou modèles antérieurs, pris individuellement, qu'il convient de comparer avec l'impression globale que produit le dessin ou modèle communautaire sur l'utilisateur averti.

En l’espèce, le fait de s'inscrire dans la tendance « rock & chic » ou « glam rock », en vogue depuis 2010, ne suffit pas à en détruire la nouveauté ou le caractère individuel. Les pièces versées au débat montrent qu'à la date de la première divulgation au public de ce modèle dans la Communauté, les mini-jupes doublées en cuir noir matelassé ou nervuré étaient communes à plusieurs créateurs. Aucun de ces modèles n'est toutefois identique au modèle invoqué. Ainsi, l'impression globale qu’il produit, comparée avec l'impression globale produite par chacun des modèles antérieurs invoqués, est différente aux yeux de l'utilisateur averti. La jupe se distingue eu égard, notamment, à la disposition des dessins géométriques formés par les surpiqûres et les alternances de cuir lisse et de cuir surpiqué, qui ne sont pas que des éléments de détail.

Si la jupe arguée de contrefaçon reprend les bandes de matière lisse sur les côtés du modèle invoqué, les motifs géométriques créés par les alternances de surpiqûres, comme les formes de M inversé, produisent un aspect « patchwork », qui est inexistant dans le modèle de jupe antérieur, d'aspect plus uniforme. Aussi, la jupe commercialisée par les sociétés défenderesses produit sur l'utilisateur averti une impression visuelle globale distincte de celle qui se dégage du modèle invoqué, cette différence n’étant pas uniquement due à la matière synthétique utilisée par ces sociétés pour fabriquer leur modèle, qui n’est donc pas contrefaisant.

Cour d’appel de Paris, pôle 5, 2e ch., 25 février 2022, 20/18134 (D20220019 ; Les MÀJ IRPI, 36, mars 2022, p. 16, note de C. Grudler)
Iro SAS c. Mango France SARL, Mango Haussmann SASU, Punto FA SL et al.

(Confirmation TGI Paris, 3e ch., 4e sect., 7 juill. 2016, 15/04334, D20160211 ; sur renvoi après cassation partielle CA Paris, pôle 5, 2e ch., 30 juin 2017, 16/15538, D20170081 ; Cass. com., 14 oct. 2020, 18-16.426, D20200022, PIBD 2020, 1151, III-5)