Jurisprudence
Marques

Recevabilité de la demande en déchéance de la marque Baron de Poyferré formée pour la première fois en appel - Déchéance partielle

PIBD 1182-III-2
Cass. com., 16 février 2022

Recevabilité de la demande en déchéance partielle - 1°) Produits et services des classes 31, 32 et 40 - Intérêt à agir - 2°) Produits, autres que l'armagnac, en classe 33 - Demande nouvelle en appel - Demande tendant aux mêmes fins que la demande initiale en nullité - Entrave à l'activité d'autrui

Déchéance partielle de la marque - Usage sérieux - Preuve - Exploitation limitée

Texte
Marque n° 3 100 980 de la société civile du Domaine de Jouanda
Marque n° 1 233 641 appartenant au groupement foncier des Domaines de Saint-Julien Médoc

 

Texte

L'arrêt de la cour d’appel est légalement justifié en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande en déchéance pour non-exploitation de la marque Baron de Poyferré pour les produits et services qu’elle désigne en classes 31, 32 et 40. En effet, la marque Château Léoville Poyferré dont se prévalent les demandeurs en déchéance ne désigne que les « vins et eaux-de-vie d'appellation d'origine contrôlée provenant de l'exploitation exactement dénommée Château Léoville Poyferré ». Ils ne justifient donc pas d'un intérêt à demander la déchéance des droits sur la marque Baron de Poyferré pour les produits et services précités.

C’est à tort que la cour d’appel a déclaré irrecevable la demande en déchéance pour non-exploitation de cette marque pour les produits, autres que l'armagnac, en classe 33, en retenant que cette prétention constituait une demande nouvelle en appel. Selon l'article 565 du Code de procédure civile, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent. Lorsqu'une partie a formé, en première instance, une demande d'annulation d'une marque, elle est recevable à demander, pour la première fois en appel, que soit prononcée la déchéance des droits sur cette marque. En effet, une demande de déchéance vise à faire disparaître, à l'expiration d'un délai ininterrompu de cinq ans sans usage sérieux de la marque, l'obstacle que celle-ci représente pour l'activité du demandeur. Ce résultat étant entièrement inclus dans celui poursuivi par la demande d'annulation d’une marque, la demande de déchéance tend aux mêmes fins que celle-ci. En statuant comme elle l'a fait, alors que les demandeurs avaient demandé, en première instance, l'annulation de la marque, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

La demande en déchéance des droits sur la marque Baron de Poyferré est rejetée en tant que celle-ci a été enregistrée, en classe 33, pour le produit « Floc de Gascogne ». L'usage même minime d'une marque peut être suffisant pour être qualifié de sérieux, à condition qu'il soit considéré comme justifié, dans le secteur économique concerné, pour maintenir ou créer des parts de marché pour les produits ou services protégés par la marque. En l’espèce, bien que le nombre de bouteilles vendues, dont il est justifié, soit peu élevé, les pièces versées (photographie d’étiquettes, factures) suffisent à établir la réalité d'une production de ce produit et de sa commercialisation sous la marque Baron de Poyferré et, par conséquent, le caractère sérieux de l'usage qui est fait de cette marque pour ce produit.

Cour de cassation, ch. com., 16 février 2022, 19-20.562 (M20220069)
Société Fermière du Château Léoville Poyferré et Groupement Foncier des domaines de Saint-Julien Médoc GFA c. M. [L] [G] [E], M. [V] [G] [E], M. [K] [G] [E] et al.
(Cassation partielle sans renvoi CA Paris, pôle 5, 1re ch., 7 mai 2019, 17/09860, M20190122, PIBD 2019, 1121, III-369 ; sur renvoi après cassation partielle CA Paris, pôle 5, 2e ch., 6 févr. 2015, 13/24343, M20150035, PIBD 2015, 1024, III-241 ; Cass. com., 15 mars 2017, 15-19.513, M20170145, PIBD 2017, 1070, III-284, D IP/IT, juill.-août 2017, p. 403, note de Y. Basire, Propr. industr., sept. 2017, p. 25, note de J. Cayron, Légipresse, 354, nov. 2017, p. 575, note de Y. Basire, Propr. intell., 66, janv. 2018, p. 70, note de J. Canlorbe)