Contrefaçon des marques française et de l’UE - Site internet - Atteinte à la fonction d’indication d’origine - Droit de l’UE - 1) Réservation d'un mot-clé - Reproduction - Publicité pour des produits et services identiques - 2) Utilisation dans un code source - Usage pour des produits ou services
Dans l’arrêt Google[1], la Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit que les articles 5, § 1, a), de la directive 89/104/CEE et 9, § 1, a), du règlement (CE) n° 40/94, doivent être interprétés en ce sens que le titulaire d'une marque est habilité à interdire à un annonceur de faire, à partir d'un mot-clé identique à ladite marque que cet annonceur a sans le consentement dudit titulaire sélectionné dans le cadre d'un service de référencement sur Internet, de la publicité pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels ladite marque est enregistrée, lorsque ladite publicité ne permet pas ou permet seulement difficilement à l'internaute moyen de savoir si les produits ou les services visés par l'annonce proviennent du titulaire de la marque ou d'une entreprise économiquement liée à celui-ci ou, au contraire, d'un tiers.
La Cour de justice a précisé à cet effet qu'il incombait à la juridiction nationale d'apprécier, au cas par cas, s’il y avait atteinte à la fonction d'indication d'origine de la marque, c'est-à-dire de déterminer si l'annonce ne permettait pas ou permettait seulement difficilement à l'internaute normalement informé et raisonnablement attentif de savoir si les produits ou les services visés par l'annonce provenaient du titulaire de la marque ou d'une entreprise économiquement liée à celui-ci ou, au contraire, d'un tiers.
En l’espèce, la société demanderesse, qui a pour activité la vente de fleurs et la décoration florale, est titulaire des marques française et de l’Union européenne AQUARELLE. Elle a assigné en contrefaçon la société poursuivie, qui exerce la même activité sur son site internet, au motif que la réservation du mot-clé « Aquarelle » sur la plateforme Google Adwords et le référencement naturel de son site créaient un risque de confusion avec les marques. La cour d’appel a rejeté ces demandes.
Elle a d’abord relevé que si l'annonce litigieuse, qui s'affichait après une recherche avec le mot-clé « Aquarelle » sur le moteur de recherche Google, apparaissait en premier résultat, celle-ci était immédiatement suivie de l'annonce du site « Aquarelle.com ». Elle a ensuite retenu qu'il n'était fait aucun usage du signe « aquarelle », ni dans l'annonce elle-même, ni dans le lien, ni dans l'adresse URL et que l'annonce en cause utilisait des termes courants pour décrire l'activité de livraison de fleurs commandées en ligne et affichait expressément le nom du site de la société défenderesse. Elle a ajouté que ces précisions permettaient à l'internaute moyen d'être éclairé sur l'identité de ce site et de savoir que cette annonce correspondait à celui-ci et non au site « Aquarelle ».
La cour d'appel, qui ne s'est pas bornée à relever l'absence d'usage du signe « Aquarelle » dans l'annonce et a procédé à la recherche prétendument omise, en faisant ressortir l'absence de tout risque de confusion du fait de l'usage du signe « Aquarelle », par la société poursuivie, comme mot-clé dans le système de référencement Adwords, pour faire de la publicité de produits et services identiques à ceux pour lesquels les marques AQUARELLE étaient enregistrées, a légalement justifié sa décision.
Par ailleurs, le titulaire de la marque peut interdire l'utilisation d'un signe par un tiers dans le code source de son site internet, même s'il n'est pas visible aux yeux du public, dès lors qu'il propose comme résultat à la recherche d'un internaute une alternative par rapport aux produits ou services du titulaire de la marque et qu'il ne permet pas ou permet seulement difficilement à l'internaute moyen de savoir si les produits ou les services visés par le référencement naturel proviennent du titulaire de la marque ou d'une entreprise économiquement liée à celui-ci ou, au contraire, d'un tiers.
La cour d’appel, après avoir constaté que le signe utilisé dans le code source n'était pas visible du public, en a déduit à tort qu'il ne désignait pas des produits ou services, de sorte que l'utilisation de ce signe ne pouvait être considérée comme contrefaisant les marques AQUARELLE.
L'arrêt n'encourt cependant pas la censure, dès lors qu'il retient que l'internaute moyen était éclairé sur la provenance du site dont le résultat s'affichait parmi les référencements naturels, faisant ainsi ressortir l'absence de tout risque de confusion sur l'origine des produits et services proposés.
Cour de cassation, ch. com., 18 octobre 2023, 20-20.055 (M20230196)
Aquarelle.com SAS c. Société Commerciale et Touristique (SCT) SARL
(Rejet pourvois c. CA Paris, pôle 5, 1re ch., 3 mars 2020, 18/09051 ; M20200060 ; PIBD 2020, 1139, III-4)
[1] CJUE, gde ch., 23 mars 2010, Google France SARL et al. c. Louis Vuitton Malletier SA, C-236/08 à C-238/08, M20100169 ; PIBD 2010, 918, III-296 avec une note ; Comm. com. électr., sept. 2010, p. 40, P. Stoffel-Munck ; Légipresse, 274, juill.-août 2010, p. 158, C. Maréchal ; Comm. com. électr., juill.-août 2010, p. 23, C. Caron ; Propr. industr., juin 2010, p. 43, J. Larrieu ; Propr. industr., juin 2010, p. 28, A. Folliard-Monguiral ; Contrats, conc. consom., mai 2010, p. 27, M. Malaurie-Vignal ; Europe, mai 2010, p. 37, L. Idot ; Gaz Pal, 113-114, 23-24 avr. 2010, p. 14 et 45, V. Brunot ; Propr. industr., mai 2010, p. 58, P. Tréfigny-Goy ; D., 15, 15 avr. 2010, p. 885, C. Manara ; JCP E, 13-14, 1er avr. 2010, p. 3, M. Schaffner et L. Sautter ; Propr. industr., nov. 2020, chron. 10, C. Le Goffic.