Validité d’une saisie-contrefaçon pratiquée en cours d’instance (oui) - Preuve de la matérialité de la contrefaçon - Preuve de l’étendue de la contrefaçon et du préjudice - Principe du contradictoire - Droit de l’UE et international
Il est possible pour le titulaire des marques invoquées de faire procéder à une saisie-contrefaçon en cours d’instance dans le but de déterminer l'étendue de la contrefaçon et du préjudice.
Rien ne permet de retenir que le législateur a entendu restreindre le champ d'application de l’article L. 716-4-7 du CPI relatif à la saisie-contrefaçon à la seule preuve de la matérialité de la contrefaçon, et en exclure la recherche d'éléments concernant l'étendue de la contrefaçon et le préjudice. En effet, les dispositions de cet article et de l’article R. 716-16 du CPI autorisent sans ambiguïté la saisie de documents comptables ou commerciaux susceptibles d'établir l'étendue de la contrefaçon, et donc du préjudice subi par le titulaire des droits, sans restreindre cette possibilité au cas où la procédure judiciaire n'a pas encore été engagée. En l’espèce, la saisie-contrefaçon visait à obtenir non seulement la saisie de documents permettant de déterminer l'étendue de la contrefaçon, mais aussi un complément de preuve, concernant d'autres faits de contrefaçon, par rapport aux preuves déjà obtenues grâce à la retenue douanière. Le titulaire des marques avait en outre un intérêt à assurer la conservation des preuves déjà obtenues, dans l’hypothèse où un recours serait intenté à l'encontre des procédures douanières.
Il n’est pas davantage démontré que la possibilité pour un titulaire de droits de propriété intellectuelle de faire procéder à une saisie-contrefaçon en cours de procédure pour rechercher de tels éléments est contraire à la directive n° 2004/48/CE et aux accords ADPIC. Ainsi, l’article 7 de la directive, qui prévoit que les mesures conservatoires, telles les saisies-contrefaçons, « sont prises, le cas échéant, sans que l'autre partie soit entendue, notamment lorsque tout retard est susceptible de causer un préjudice irréparable au titulaire des droits ou lorsqu'il existe un risque démontrable de destruction des éléments de preuve », n'a pas été transposé en droit interne et n’est pas d’application directe. L'article 2 de cette directive laisse aux États membres la possibilité de prévoir des dispositions plus favorables aux titulaires de droits, ce qui est le cas de la saisie-contrefaçon non contradictoire prévue par le droit national. Par ailleurs, le deuxième paragraphe de l’article 50 des Accords ADPIC ne prévoit pas, littéralement, que les mesures provisoires non contradictoires concernées peuvent intervenir seulement dans les deux cas visés en particulier.
Cour d'appel de Paris, pôle 5, 1re ch., 29 juin 2021, 20/15507 (M20210147)
E. Rémy Martin & Cie SASU c. Bacchus Bollee SARL
(Infirmation TJ Paris, ord. réf., 3e ch., 3e sect., 16 oct. 2020, 20/07030)