Recevabilité à agir en contrefaçon au titre du droit d’auteur (oui) - Titularité des droits sur le bijou et ses déclinaisons (oui) - Qualité de cessionnaire - Cessions successives - Création du bijou par un salarié - Cession implicite à l’employeur - Preuve - Loi applicable
Protection au titre du droit d’auteur (oui) - Originalité (oui) - Élément du domaine public - Transposition dans un autre domaine - Choix créatif - Combinaison - Dimensions - Matière - Nécessité technique - Impression d’ensemble - Physionomie propre - Recherche esthétique
Validité d'un modèle communautaire (oui) - Nouveauté - Caractère propre
Contrefaçon au titre du droit d’auteur et contrefaçon de modèles communautaires (oui) - Reproduction des caractéristiques originales - Reproduction servile - Différences mineures - Impression d’ensemble
Concurrence déloyale et parasitaire (oui) - Effet de gamme - Copie d’un produit phare - Volonté de profiter des investissements d’autrui
Préjudice - Masse contrefaisante - Vente sur Internet par des détaillants du grossiste poursuivi - Vente à prix inférieur - Banalisation des bijoux - Atteinte à leur valeur patrimoniale
La société demanderesse est titulaire des droits patrimoniaux sur le bracelet « chaîne d’ancre » invoqué, ainsi que sur ses déclinaisons constituées de boutons de manchette, de bracelets, de bagues, d’un collier et de boucles d’oreilles. Les éléments de preuve versés aux débats (croquis du créateur, dépôt du bijou à la Spadem au nom de l’employeur…) montrent que ce bijou a été créé en 1938 par le salarié d’une société, qui en était le directeur artistique, puis le directeur général adjoint et enfin le président. La société a exploité le bracelet sous son nom pendant quarante ans sans revendication de la part du créateur. Il en résulte l’existence d’une cession implicite des droits d’auteur au profit de cette société, transmis ensuite à la société demanderesse en conséquence d’une chaîne de droits dont il est justifié (apport d’actifs et transfert de fonds de commerce). Le droit en vigueur avant la loi du 11 mars 1957 n’imposait pas un écrit pour la cession des droits d’auteur. En tout état de cause, l’exigence d’un écrit, posée pour défendre les intérêts des auteurs, n’est qu’une règle de preuve, et non de forme.
Le bijou « chaîne d’ancre », dans sa forme bracelet et collier, est original et donc protégeable au titre du droit d’auteur. Les choix personnels du créateur sont clairement explicités sur la photographie annexée au dépôt Spadem. Les chaînes utilisées pour les navires, dont s’inspire le bijou et qui sont constituées de formes approchantes, avaient des dimensions et des fonctions complètement différentes. L’auteur a fait œuvre de création en modifiant de façon substantielle tant la taille et la matière que les caractéristiques même de la tige interne, perpendiculaire dans le bijou, et non évasée de chaque côté. Il a transformé, pour la première fois, les chaînes marines en bijou en les combinant avec un fermoir en forme de T qui ne répond pas seulement à une nécessité technique et fonctionnelle, mais résulte d’un choix créatif. Les autres bijoux invoqués de la collection « chaîne d’ancre » présentent une physionomie propre traduisant un parti pris esthétique et sont donc aussi originaux. Aucun des bijoux opposés par la partie adverse ne comprend la combinaison des choix revendiqués pour chacun d’eux.
Cour d'appel de Paris, pôle 5, 1re ch., 11 janvier 2022, 20/15934 (D20220005)
Créations Guiot de Bourg SARL c. Hermès Sellier SAS
(Confirmation TGI Paris, 3e ch., 4e sect., 30 mars 2017, 15/07853 ; D20170037)