Doctrine et analyses
Comptes rendus

Une intelligence artificielle peut être un « inventeur », juge une cour australienne

PIBD 1165-II-1

d’après l’article : AI can be an "inventor", rules Australian court, in IPM, 4 août 2021

Texte

Dans l’affaire Thaler c. Commissioner of Patents, la Cour fédérale australienne a admis qu'une intelligence artificielle puisse être désignée en tant qu’inventeur.

L’Office australien a rejeté une demande de brevet au motif qu’un système d’intelligence artificielle ne pouvait être désigné comme inventeur. DABUS1, le système en question, a été développé par Stephen Thaler, PDG de la société Imagination Engines, qui a déposé une demande PCT désignant l’Australie. Les inventions mises au point par DABUS sont un système de flash lumineux pour les situations d’urgence et un récipient alimentaire aux propriétés d'adhérence et de transfert de chaleur améliorées.

Cette décision a été infirmée par la Cour fédérale australienne qui a considéré que l’inventeur pouvait être non-humain. En effet, la loi sur les brevets ne contient aucune disposition niant expressément la possibilité pour un système d’intelligence artificielle d’être l’inventeur. Le juge précise que rien en droit des brevets ne conduit à interpréter la loi comme excluant les inventeurs non-humains, à l’inverse du droit d’auteur qui requiert qu’un auteur soit une personne. Le terme « inventeur » n’est pas défini dans la loi, ni dans le règlement ; il doit donc être interprété dans son sens courant.

Néanmoins, le juge a précisé que cet inventeur non-humain ne pouvait être ni le déposant de la demande, ni le titulaire du brevet.

La position de la Cour australienne est contraire à celles de l’Office européen des brevets (voir PIBD 2020, 1142, III-2) et de l’Office américain qui exigent que l’inventeur soit une personne physique. Au Royaume-Uni, la High Court (England & Wales) a confirmé la décision de l’Office de propriété intellectuelle selon laquelle en vertu de la loi sur les brevets et quelle que soit la définition du terme « inventeur », un brevet ne pouvait être délivré qu’à une personne.

L’arrêt australien intervient alors que l’Office sud-africain vient d’accepter qu'une intelligence artificielle soit désignée comme inventeur. Selon des experts, les décisions australienne et sud-africaine ont l’avantage de relancer le débat autour de la capacité du droit des brevets à s’adapter à l’innovation en matière d’intelligence artificielle. Le législateur pourrait être tenté d’envisager un nouveau type de PI, qui viendrait en complément du système des brevets, et qui rendrait plus facile le développement de l’IA. En attendant, et en l’absence d’harmonisation internationale, les inventeurs peuvent avoir recours à la protection par le secret d’affaires.

1Device for the autonomous bootstrapping of unified sentience : dispositif pour l’amorçage autonome d’une connaissance unifiée.