Jurisprudence
Marques

Validité de la marque verbale Tu veux frôler la perfection ? Passe à côté de moi - Caractère distinctif pour désigner des articles d'habillement et absence de dépôt frauduleux

PIBD 1177-III-6
Décision INPI, 10 décembre 2021

Demande en nullité de la marque - Compétence de l’INPI (oui) – Connexité

Validité de la marque verbale (oui) - 1) Expression - Caractère distinctif (oui) – Preuve (non) – Public pertinent – Élément décoratif – Termes ou expressions du langage courant - Fonction d'indication d'origine - 2) Dépôt frauduleux (non) – Mauvaise foi - Preuve (non) – Connaissance de l’usage antérieur - Intention du déposant

Texte
Marque verbale française n° 4 624 195 de la société KKO
Texte

Ne sont pas de nature à entraîner l’incompétence de l’INPI les démarches de « plaintes » entreprises par le titulaire d’une marque, auprès d’une plateforme en ligne de vente dépourvue de toute compétence juridictionnelle, dont l’effet est limité à des restrictions électroniques et commerciales au sein de la plateforme. En effet, si seul le tribunal judiciaire est compétent pour statuer sur les demandes formées à titre principal ou reconventionnel de façon connexe à une demande relevant de sa compétence au sens de l’article L. 716-5 II, 1°, du CPI, ces démarches de « plaintes » ne sauraient être considérées comme des demandes relevant de la compétence exclusive du tribunal judiciaire.

Le caractère distinctif d'un signe doit être examiné en prenant en considération tous les faits et circonstances pertinents, y compris l’ensemble des modes d’usage probables de la marque correspondant à ceux qui sont, au regard des habitudes du secteur économique concerné, susceptibles d’être significatifs en pratique. En l'espèce, il n'est pas démontré que l'expression constitutive de la marque contestée serait une expression humoristique populaire bien connue, dont l'utilisation à titre d'illustration sur des tee-shirts serait classique et très largement répandue. Ainsi, le demandeur n'établit pas qu'au jour de son dépôt, l'expression était couramment utilisée par une pluralité d'opérateurs économiques, en particulier sur le marché des articles d'habillement. Par ailleurs, aucun élément fourni ne permet de considérer que le consommateur pertinent aurait été habitué à appréhender des expressions telles que celle constitutive du signe contesté comme de simples éléments décoratifs pour des produits vestimentaires et non en tant que marque. Il a, en outre, été considéré comme habituel d’apposer une marque tant sur l’extérieur du produit que sur l’étiquette cousue à l’intérieur de celui-ci [1], sans pour autant que cette mention à titre décoratif pour des vêtements n'exclue sa fonction d'indicateur d'origine [2]. Enfin, l’appartenance de termes ou expressions au langage courant, de même que leur absence de nouveauté, n’empêchent pas leur appropriation à titre de marques s’ils présentent un caractère arbitraire au regard des produits et services désignés. Le motif de nullité de la marque contestée fondé sur son défaut de caractère distinctif est donc rejeté.

Aucune intention constitutive de mauvaise foi n'est caractérisée au jour du dépôt. Bien que la preuve d’une exploitation dans la vie économique d’un signe semblable à celui de la marque contestée soit rapportée par le demandeur, il n’est pas démontré que cette exploitation existait avant le dépôt de la marque contestée. La preuve d’une telle exploitation par d’éventuels concurrents n’est pas non plus rapportée. Par ailleurs, il n'est pas établi que le titulaire de la marque contestée avait connaissance, au moment du dépôt, d’une éventuelle exploitation antérieure de signes identiques ou similaires par des concurrents, en particulier le demandeur. Le fait pour le titulaire de la marque contestée d’avoir déposé plusieurs plaintes auprès de la plateforme de vente quelques mois après le dépôt et peu avant la période de noël est insuffisant en soi à démontrer que le dépôt a été effectué dans l’intention d’empêcher un concurrent d’avoir un accès normal au marché et à la plateforme de vente pendant une période commercialement prolifique. La demande en nullité est donc rejetée.

Décision INPI, 10 décembre 2021, NL 21-0059 (NL20210059)
KKO SARL c. Paul P.

[1] CJUE, 19 sept. 2019, #DARFERDAS?, C-541/18, point 29 (M20190236, PIBD 2019, 1124, III-428 ; D IP/IT, 10, oct. 2019, p. 528, N. Maximin ; Légipresse, 376, nov. 2019, p. 645-646, C. de Marassé Enouf ; Propr. industr., 12, déc. 2019, p. 33-35, A. Folliard-Monguiral, D, 8, 5 mars 2020, p. 452, J.-P. Clavier ; Propr. industr., 4, avr. 2020, chron. 3, J. Canlorbe).

[2] CA Paris, 9 mai 2012, n°10/12810 (M20120263, PIBD 2012, 964, III-422).