Jurisprudence
Brevets

Validité de la saisie-contrefaçon en l’absence de produits argués de contrefaçon sur les lieux de la saisie - Détournement de documents stratégiques par d’anciens salariés

PIBD 1161-III-3
CA Paris, 5 février 2021

Validité du brevet (oui) - Produit et dispositifs - Nouveauté - Divulgation dans un salon professionnel par le cédant du brevet - Vente des produits - Activité inventive

Validité de la saisie-contrefaçon (oui) - 1) Signification de l’ordonnance ayant autorisé la saisie-contrefaçon - Délai - 2) Mission de l'huissier - Documents saisis - Ordonnance - Pouvoirs outrepassés - 3) Personnes assistant l'huissier - Obligation d'indépendance - Qualité pour faire pratiquer une saisie-contrefaçon

Contrefaçon de brevet (non) - Contrefaçon littérale - Contrefaçon par équivalence - Absence de description du fonctionnement du produit

Concurrence déloyale et parasitaire (oui) - Détournement de documents techniques et commerciaux - Anciens salariés - Faute détachable des fonctions de dirigeants - Avantages concurrentiels - Obligation de loyauté

Texte

La demande en nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon est rejetée. Les opérations de saisie-contrefaçon ont été entreprises dans le respect du principe du contradictoire et des dispositions de l'article 495 du Code de procédure civile. L'huissier de justice a ainsi signifié à la partie saisie les requêtes et leurs pièces jointes, ainsi que les ordonnances autorisant la saisie-contrefaçon, en laissant s'écouler, avant de procéder à l'exécution des opérations, un délai raisonnable et suffisant (vingt-trois minutes) pour lui permettre de prendre connaissance utilement des documents qui lui ont été remis.

L’huissier n’a pas outrepassé les limites de sa mission, telles que définies par les dispositions des ordonnances ayant autorisé la saisie-contrefaçon. En effet, la saisie de documents se rapportant aux produits argués de contrefaçon n’est pas subordonnée, aux termes de l’article L. 615-5 du CPI, à la présence de ces produits sur les lieux de la saisie. Ainsi, il était autorisé à procéder à la saisie description et/ou à la saisie réelle de tout document se rapportant aux produits contrefaisants, et il ne résulte aucunement des ordonnances que la constatation de la présence matérielle des machines arguées de contrefaçon constituait un préalable nécessaire à la saisie.

Par ailleurs, et selon les ordonnances, l'huissier était autorisé à se faire assister d'un serrurier, de tous experts choisis en dehors du personnel de la requérante, et notamment tous conseils en propriété industrielle de son choix, un mécanicien ou un technicien. Il s'ensuit qu'il n'encourt aucune critique pour s'être fait assister des personnes précitées, y compris un intérimaire employé pour cette mission par la société de conseil en propriété industrielle, qui ne présente aucun lien de subordination avec la requérante. Enfin, il ressort clairement du procès-verbal de saisie-contrefaçon que toutes les constatations qui y sont consignées ont été effectuées par l'huissier lui-même, qui a constamment conservé la maîtrise de la conduite de ses opérations.

Un salarié peut créer une société exerçant une activité concurrente de celle de son ancien employeur, à condition que cette activité soit exercée de façon loyale. En l’espèce, les deux anciens salariés de la société demanderesse ont procédé, au bénéfice de la société concurrente qu'ils constituaient, à un détournement de tous les documents stratégiques, techniques et commerciaux de leur ancien employeur, envers lequel ils étaient tenus d'une obligation de loyauté. De tels agissements caractérisent une faute délictuelle tant à la charge des deux anciens salariés qui doivent en répondre à titre personnel, s'agissant d'une faute détachable de leur fonction de co-gérant de la société qu’ils ont créée, qu'à la charge de cette dernière qui a profité indûment des avantages concurrentiels qui lui ont été procurés à raison des agissements illicites de ses dirigeants. 

Cour d’appel de Paris, pôle 5, 2e ch., 5 février 2021, 18/19397 (B20210009)
LB Pack SARL, Alain L et Christophe B c. Construction Machines Automatiques Spéciales SARL
(CMAS)
(Confirmation partielle TGI Paris, 3e ch., 4e sect., 15 mars 2018, 14/16600)