Validité du CCP (non) - Médicament - Combinaison de principes actifs - Protection du produit par le brevet de base - Définition fonctionnelle
Au regard de l’arrêt Teva de la Cour de justice de l'Union européenne relatif à l'interprétation de l'article 3 a) du règlement (CE) n°469/2009, un produit composé de plusieurs principes actifs ayant un effet combiné peut être considéré comme protégé par le brevet de base, même s'il n'est pas explicitement mentionné dans les revendications, si du point de vue de l'homme du métier et sur la base de l'état de la technique à la date de dépôt ou de priorité, la combinaison de ces principes actifs relève nécessairement de l'invention couverte par ce brevet, à la lumière de la description et des dessins, et que chacun des principes actifs soit spécifiquement identifiable, à la lumière de l'ensemble des éléments divulgués par le brevet.
Ainsi, le produit peut être considéré comme étant protégé par le brevet de base, même s'il n'est pas explicitement mentionné dans les revendications du brevet, dès lors qu'il répond à une définition fonctionnelle1 figurant dans l'une des revendications, permettant à l'homme du métier de conclure qu'il est nécessairement et spécifiquement visé par ladite revendication fonctionnelle.
En l’espèce, le CCP porte sur une combinaison de ténofovir disoproxil avec d'autres composés thérapeutiques, tels que l'emtricitabine. Le brevet de base divulgue le ténofovir disoproxil seul ou, selon la revendication 27, dans une « composition pharmaceutique comprenant un composé conforme à l'une des revendications 1 à 25, conjointement avec un véhicule admissible en pharmacie, et le cas échéant, d'autres ingrédients thérapeutiques ».
Si le ténofovir disoproxil est expressément visé par les revendications du brevet et en constitue l'invention, sa combinaison avec l’emtricitabine n'est pas présentée dans la description du brevet, ni énoncée dans l'une de ses revendications. L’emtricitabine n'y est pas nommément mentionnée et la mention de la revendication 27 est susceptible de couvrir une pluralité indéterminée de substances non identifiées spécifiquement. Si l'homme du métier savait qu’une thérapie par combinaison de principes actifs était plus efficace qu'une mono-thérapie pour le traitement notamment du VIH, rien ne permet de justifier qu'il aurait, à la date de priorité du brevet de base, en l'état général de ses connaissances, nécessairement et spécifiquement pensé à l'emtricitabine pour le combiner avec le ténofovir disoproxil à la lecture de la revendication 27 rédigée en termes très généraux. Dès lors qu’aucune formule fonctionnelle ne visait nécessairement et de manière spécifique l'emtricitabine dans le brevet de base, la combinaison des deux principes actifs ne pouvait faire l'objet d'un CCP.
Cour d’appel de Paris, pôle 5, 2e ch., 19 juin 2020, 2018/15906 (B20200020)2
Gilead Sciences Inc., Gilead Biopharmaceutics Ireland UC et Gilead Sciences SAS c. Mylan SASU
(Confirmation TGI Paris, 3e ch. 2e sect., 25 mai 2018, 2016/14214, B20180097 ; PIBD 2018, 1106, III-762)
1 Sur la protection par le brevet de base d’un principe actif défini de manière fonctionnelle, à rapprocher de : CJUE, 4e ch., 30 avr. 2020, Royalty Pharma Collection Trust c. Deutsches Patent- und Markenamt, C-650/17, B20200016, PIBD 1140-III-1 (décision préjudicielle)
2 Le CCP n° 05C0032, objet du présent litige, a également été opposé par les sociétés Gilead à la société Biogaran dans une affaire similaire rendue le même jour (CA Paris, pôle 5, 2e ch., 19 juin 2020, 2018/15928, B20200021 ; confirmation TGI Paris, 3e ch., 2e sect., 25 mai 2018, 2017/09565 ; B20180127.