Doctrine et analyses
Compte rendu

Vers la pénalisation de l’appropriation illicite des secrets d’affaires au Royaume-Uni

PIBD 1218-II-1

d’après l’article de Maia Biermann : New criminal offence for trade secret misappropriation on the horizon in UK, in IAM, 13 octobre 2023

Texte

La loi de 2023 sur la sécurité nationale (National Security Act 2023) crée une nouvelle infraction pénale en cas d’appropriation illicite d’un secret d’affaires. Si une telle infraction existe dans d’autres pays, il s’agit d’une première au Royaume-Uni.

Selon l’article 2 de la loi, constitue une infraction pénale le fait pour une personne d’obtenir, de copier, d’enregistrer ou de garder un secret d’affaires, de le divulguer ou d’y donner accès, lorsque la personne en question sait qu’elle n’y est pas autorisée et qu’un lien avec une puissance étrangère est établi. L’infraction peut être commise au Royaume-Uni ou à l’étranger. Si l’atteinte a lieu à l’étranger, elle ne constitue une infraction que si le secret d’affaires est détenu par une « personne du Royaume-Uni ».

Cette loi renforce la protection des entreprises britanniques contre l’appropriation illicite de secrets d’affaires émanant de l’étranger. Elle est la conséquence directe des inquiétudes du Gouvernement vis-à-vis des menaces d’activités hostiles de la part de pays ayant pour cible « la démocratie, l’économie et les valeurs du Royaume-Uni ».

La loi met à jour diverses dispositions pénales de la loi de 1911 sur les secrets officiels (Official Secrets Act 1911) qui a introduit une infraction constituée par l’espionnage, le sabotage et les infractions qui y sont liées. La loi de 1989 sur les secrets officiels (Official Secrets Act 1989) a créé une infraction constituée par la divulgation illicite d’informations officielles par des agents de l’État. La nouveauté de la loi de 2023, pointée par un expert, est que la nouvelle infraction, sous réserve que le lien avec une puissance étrangère soit établi, couvre tous les secrets d’affaires de l’industrie et non plus seulement les secrets détenus par l’État. Si l’expert en question se félicite de cet élargissement, il émet toutefois une réserve : la majorité des litiges relatifs aux secrets d’affaires ne relevant pas de l’espionnage étranger, l’impact de la nouvelle loi pourrait être limité.

L’auteure estime quant à elle que même si la nouvelle infraction concerne un nombre limité de cas, elle s’appliquera aux innovations britanniques les plus sensibles. C’est pour cette raison que d’autres pays ont introduit ce type d’infraction dans leur législation et ce, depuis un certain temps. Selon un expert, cette harmonisation législative n’est pas étrangère au Brexit et à la volonté des Britanniques de conclure désormais des accords commerciaux bilatéraux, avec les États-Unis en particulier. Or, on sait que la signature de tels accords est souvent conditionnée à un alignement de la législation du pays signataire avec la législation américaine. C’est ainsi que le Canada, la Chine et le Mexique ont tous renforcé leur législation sur les secrets d’affaires avant de signer des accords commerciaux avec les États-Unis.

La protection des secrets d’affaires par la voie civile est assurée par le règlement n°597 de 2018 sur les secrets d’affaires qui a transposé la directive (UE) 2016/943. Comparant les dispositions de ce règlement avec celles de la nouvelle loi sur la sécurité nationale, une experte souligne que la définition du secret d’affaires est plus large dans la loi que dans le règlement.

La loi définit un secret d’affaires comme « toute information, document ou autre article » dont « on peut raisonnablement attendre qu’il soit soumis à des mesures visant à l'empêcher d’être généralement connu par de telles personnes ou d’être accessible à ces personnes ». Le règlement quant à lui limite le secret d’affaires aux informations qui « ont fait l'objet, de la part de la personne qui en a le contrôle de façon licite, de dispositions raisonnables, compte tenu des circonstances, destinées à les garder secrètes ».


Autre différence soulevée par un expert : alors que le règlement définit le secret d’affaires comme « une information » qui a « une valeur commerciale parce qu’elle est secrète », la loi le définit plus largement comme étant « toute information [...] qui a une valeur industrielle, économique ou commerciale réelle ou potentielle ».

La loi ne fait pas mention de « dispositions raisonnables » pour garder l’information secrète. Le critère pour qu’une information soit considérée comme un secret d’affaires est donc moins strict dans la loi alors que les sanctions pénales sont plus lourdes que les sanctions civiles : la loi prévoit une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à 14 ans. Le législateur a voulu privilégier avant tout la défense des droits.

Texte

Les opinions exprimées dans les articles cités n’engagent que leurs auteurs et ne représentent pas la position de l’INPI.