CCP - Médicament - Protection du produit par le brevet de base - Définition fonctionnelle du produit - Mode concret de réalisation - Date d’appréciation
Les questions préjudicielles posées à la Cour de justice portent sur l’interprétation de l’article 3, a), du règlement (CE) n° 469/2009 concernant le CCP pour les médicaments, qui prévoit que le produit couvert par un CCP doit être protégé par le brevet de base. Elles ont pour objet d’obtenir certaines clarifications sur la portée de l’arrêt Teva1 du 25 juillet 2018.
Il convient, au préalable, de noter que la notion de « cœur de l’activité inventive » n’est pas pertinente pour déterminer l’objet de la protection conférée par un CCP.
Un principe actif répondant à une définition fonctionnelle générale figurant dans les revendications du brevet de base peut être considéré comme étant protégé par ce brevet, à la condition qu’il soit possible de conclure que ces revendications, interprétées à la lumière de la description, visaient, implicitement mais nécessairement, le principe actif en cause, et ce de manière spécifique. Deux conditions cumulatives doivent être remplies. D'une part, le produit doit nécessairement relever, pour l’homme du métier, de l’invention couverte par ce brevet à la lumière de la description et des dessins. D'autre part, l’homme du métier doit être en mesure d’identifier ce produit de façon spécifique, au vu de l’ensemble des éléments divulgués par le brevet et sur la base de l’état de la technique à la date de dépôt ou de priorité.
Dans l’affaire au principal, si le principe actif n’est pas explicitement mentionné dans les revendications du brevet de base, il répond à la définition fonctionnelle employée par l’une des revendications. Il relève donc en principe de l’invention couverte par le brevet et remplit ainsi la première condition fixée dans l’arrêt Teva. En revanche, des doutes subsistent sur le point de savoir si ce principe actif, qui n’est pas identifié individuellement dans le fascicule du brevet de base, remplit la seconde condition. Il revient à la juridiction de renvoi de vérifier si l’objet du CCP est compris dans les limites de ce que l’homme du métier est objectivement en mesure, à la date du dépôt ou de priorité du brevet de base, de déduire directement et sans équivoque du fascicule de ce brevet tel qu’il a été déposé, en se fondant sur ses connaissances générales dans le domaine considéré et à la lumière de l’état de la technique. Il s’ensuit que, même lorsque le produit faisant l’objet d’un CCP n’est pas individualisé en tant que mode concret de réalisation à tirer de l’enseignement du brevet de base, l’octroi d’un CCP n’est pas, en principe, exclu.
En revanche, un produit n’est pas protégé par le brevet de base lorsque, bien que relevant de la définition fonctionnelle contenue dans les revendications, il a été développé après la date de dépôt ou de priorité du brevet, au terme d’une activité inventive autonome. En effet, s’il pouvait être tenu compte de résultats issus de recherches intervenues après cette date, un CCP pourrait permettre à son titulaire de bénéficier indûment d’une protection pour ces résultats, alors même que ceux-ci n’étaient pas connus à cette date. Or, le CCP n’a pas pour vocation d’étendre le champ de la protection conférée par le brevet de base au-delà de l’invention couverte par ce brevet.
Cour de justice de l'Union européenne, 4e ch., 30 avril 2020, C-650/17 (B20200016)
Royalty Pharma Collection Trust c. Deutsches Patent- und Markenamt
(Décision préjudicielle)
1 CJUE, gr. ch., 25 juill. 2018, Teva UK Ltd et al., c. Gilead Sciences Inc., C‑121/17 (B20180064, PIBD 2018, 1100, III-528 ; L'Essentiel, 9, oct. 2018, p. 5, note de P. Langlais ; Europe, oct. 2018, p. 54, note de L. Idot ; Propr. industr., nov. 2018, p. 23, note de F. Macrez et E. Py ; D IP/IT, janv. 2019, p. 47, note d'É. Enderlin ; Propr. industr., 3 mars 2019, p. 55, note de M. Gabriel ; Propr. industr., juill.-août 2019, p. 22, note d'H. Gaumont-Prat.