Doctrine et analyses
Compte rendu

La Commission européenne inflige des amendes à Teva et à Cephalon

PIBD 1154-II-1

d'après l'article de Kyriakos Fountoukakos* et Peter Rowland: Fine day, in IPM, février 2021, p. 21-22

Texte

Cet article relate la décision1 de la Commission européenne de condamner Teva et Cephalon à une amende de 60,5 millions d’euros pour avoir passé un accord de report d’entrée sur le marché d’un médicament générique.

Cephalon était titulaire de brevets sur le modafinil, médicament-vedette utilisé pour le traitement de la somnolence diurne excessive, commercialisé sous la marque Provigil. Les principaux brevets de Cephalon ont expiré en 2005 mais le laboratoire détenait encore des brevets secondaires portant sur la composition du modafinil.

De son côté, Teva détenait des brevets sur les procédés de fabrication du modafinil et était prêt à lancer une version générique du médicament. Il avait d’ailleurs commencé à commercialiser sa version générique au Royaume-Uni 50% moins cher que le Provigil. Estimant que la version générique de Teva contrefaisait ses brevets secondaires, Cephalon a lancé une action en contrefaçon. Selon la Commission européenne, Teva et Cephalon étaient tous les deux conscients de la faiblesse des brevets de Cephalon.

En 2005, la Commission apprend que les deux parties ont conclu un accord selon lequel Teva s’engage à ne pas commercialiser son produit et à ne pas contester la validité des brevets de Cephalon avant octobre 2012. En échange, Teva reçoit des paiements en espèces et un ensemble « d’accords accessoires » sont conclus : un accord de distribution, l'octroi, à Cephalon, d'une licence sur certains brevets de Teva sur le modafinil (que Cephalon n’a jamais utilisés), des achats de matières premières à Teva (dont Cephalon n’avait, en réalité, pas besoin) et l'octroi, par Cephalon, d'un accès à des données cliniques très précieuses pour Teva concernant un autre médicament. 

L'accord prévoyait que Teva commence à commercialiser sa version générique à partir d’octobre 2012 sur la base d’une licence concédée par Cephalon ; en contrepartie, Teva aurait versé à Cephalon des redevance élevées. In fine, cette disposition n’a pas été appliquée du fait du rachat de Cephalon par Teva en 2011.

La Commission a considéré que cet accord éliminait Teva en tant que concurrent et qu’il enfreignait l'article 101 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) qui interdit les accords anti-concurrentiels. Si cet accord n’avait pas existé, Teva aurait commercialisé sa version générique plus tôt, ce qui aurait fait baisser le prix du modafinil. La Commission a rapporté que cette atteinte avait duré six ans, de décembre 2005 à octobre 2011, date à laquelle Teva avait fait l’acquisition de Cephalon.

Cette décision est importante en ce qu’elle confirme que la forme du « transfert de valeur » importe peu. Dans la plupart des accords de ce genre, le transfert de valeur se fait sous la forme d’un paiement en espèces ; dans le cas présent, il a pris une forme beaucoup plus sophistiquée. Ce qui importe, c’est que ce transfert de valeur ait amené le génériqueur à accepter de ne pas entrer sur le marché pendant un certain temps.

Les auteurs font remarquer que c’est la quatrième fois que la Commission européenne inflige des amendes suite à un accord de report d’entrée et que les accords de brevets sont surveillés de près par les autorités de la concurrence, qu’elles soient européennes ou nationales. Car comme l’a souligné Mme Vestager, commissaire européenne à la Concurrence, l'accord conclu entre Teva et Cephalon « a porté préjudice aux patients et aux systèmes de santé nationaux, les privant de médicaments plus abordables ».

* Herbert Smith Freehills.
1 Décision du 26 novembre 2020.