Jurisprudence
Marques

Demande d’enregistrement de marque - Caractère trompeur du signe Delikatessen KAVIARI PARIS pour désigner les œufs de poissons préparés ou non

PIBD 1165-III-6
CA Paris, 11 juin 2021

Demande d’enregistrement de marque - Caractère trompeur (oui) - Nature du produit - Droit de l’UE - Fonction d’indication d’origine

Texte
Demande d’enregistrement de marque n° 4 500 628 de la société Kaviari
Texte

C’est à juste titre que l’INPI a rejeté la demande d’enregistrement de la dénomination Delikatessen KAVIARI PARIS, au motif qu’elle est trompeuse pour désigner les « oeufs de poisson préparés » et les « oeufs de poissons ».

Selon l’arrêt Elizabeth Emanuel de la CJCE[1], le motif d’ordre public de protection du consommateur qui justifie l’interdiction édictée par l’article 3, §1, g), de la directive n° 89/104 doit conduire à rechercher si la marque est de nature à tromper le consommateur moyen, normalement informé, attentif et avisé des produits qu'elle est destinée à distinguer. Il suffit qu’un risque de tromperie soit établi pour que la marque soit refusée à l'enregistrement car, de ce seul fait, elle s'écarte de sa fonction, qui est de garantir l'origine des produits marqués, et cesse d'être utile au consommateur pour lui être, à l'inverse, préjudiciable. De plus, il résulte de l’article L. 711-3 du CPI, dans sa version alors applicable, que le risque de tromperie doit être apprécié au regard du signe lui-même, pris dans son ensemble ou dans un de ses éléments.

En l'espèce, la séquence d'attaque de l'élément « Kaviari » est visuellement très proche et phonétiquement identique au mot « caviar », qui désigne un produit alimentaire très recherché, préparé à partir d’œufs d’esturgeons mis en saumure. Le consommateur moyen sera immédiatement enclin à appréhender le terme « Kaviari » comme faisant référence au « caviar » et légitimement fondé à croire que les produits présentés à la vente sous cette désignation sont du caviar. Un risque d'induire en erreur le consommateur sur la nature du produit est ainsi établi pour les « œufs de poisson préparés » et « oeufs de poissons » qui ne seraient pas du caviar. Un tel risque est d'autant plus fort qu’il s’agit d’un produit connu pour incarner le luxe, la rareté et la cherté, ce qui le rend très attractif pour le consommateur moyen, qui n'a pas l'habitude d'y être confronté. Enfin, le fait que l’élément « Kaviari » soit positionné au sein de l’ensemble verbal sous le mot « Delikatessen », en petits caractères, est susceptible de conduire le consommateur à le regarder comme une mention informative sur la nature du produit.

Cour d’appel de Paris, pôle 5, 2e ch., 11 juin 2021, 2020/12605 (M20210141)[2]
Kaviari SAS c. INPI
(Rejet recours c. décision INPI, 3 août 2020)

[1] CJCE, 3e ch., 30 mars 2006, C-259/04, M20060181, PIBD 2006, 830, III-356, D., Cah. dr. des aff., 30, 7 sept. 2006, p. 2109, note de D Poracchia et de C-A Maetz ; Comm. com. électr., juill.-août 2006, p. 29, note de C Caron ; D., Cah. dr. des aff., 21, 1er juin 2006, p. 1455, note de J Daleau ; Propr. industr., avr. 2020, chron. 3, note de J Canlorbe.

[2] Voir également, une décision rendue le même jour entre les mêmes parties par la cour d’appel de Paris, rejetant le recours formé contre la décision du directeur du directeur de l’INPI en date du 18 août 2020 qui avait rejeté l’enregistrement du signe KAVIARI pour désigner également des œufs de poissons et œufs de poissons préparés (2020/12927, M20210140).