Action en contrefaçon d’un modèle communautaire non enregistré - Partie d’un produit ou pièce d’un produit complexe - Conditions de protection - Divulgation au public - Caractère individuel - Apparence d’une partie du produit - Caractère visible - Caractéristiques propres - Impression globale
La demande de question préjudicielle a été présentée dans le cadre d’un litige opposant le constructeur automobile Ferrari à une entreprise de personnalisation de voitures et son gérant. Cette entreprise produit et commercialise des ensembles d’accessoires de personnalisation (dits « kits de tuning ») destinés à rapprocher l’apparence d’un modèle Ferrari d’un autre modèle plus prestigieux du constructeur (FXX K) en reproduisant notamment l’élément en forme de « V » se trouvant sur le capot de ce dernier modèle. Un véhicule ayant subi cette transformation a été présenté lors d’un salon international. La société Ferrari a introduit une action en contrefaçon en alléguant la copie de plusieurs modèles communautaires non enregistrés portant sur une partie du modèle FXX K. Elle soutient qu’en ayant divulgué l’ensemble de son véhicule en 2014, elle pouvait ainsi prétendre à la protection d’une partie de celui-ci. Ces prétentions ont été rejetées en première et deuxième instance. La Cour fédérale de justice allemande interroge la CJUE sur l’interprétation du règlement no 6/2002 sur les dessins ou modèles communautaires.
La juridiction de renvoi s’interroge, tout d’abord, sur le point de savoir si la divulgation au public au sens de l’article 11, § 2 du règlement de l’image d’un produit dans son ensemble vaut également divulgation d’un dessin ou modèle sur une partie ou une pièce de ce produit.
Selon cet article, le dessin ou modèle communautaire non enregistré naît à compter de la date à laquelle il est divulgué au public pour la première fois au sein de l’Union, c’est-à-dire lorsqu’il est rendu public de telle sorte que, dans la pratique normale des affaires, ces faits pouvaient raisonnablement être connus des milieux spécialisés du secteur concerné. L’article 11, § 2 doit être interprétée en ce sens qu’il n’impose pas aux créateurs une obligation de divulgation distincte de chacune des parties de leurs produits pour lesquelles ils souhaitent bénéficier d’une protection. Une telle obligation serait contraire à l’objectif de simplicité et de rapidité qui a justifié l’instauration du dessin ou modèle communautaire non enregistré. Toutefois, pour que la divulgation au public d’images d’un produit pris dans son ensemble (telle que la publication de photographies d’une voiture) entraîne la divulgation d’un dessin ou modèle sur une partie de ce produit ou sur une pièce dudit produit, en tant que produit complexe, il est indispensable que l’apparence de cette partie ou pièce soit clairement identifiable, afin que les milieux spécialisés puissent raisonnablement en prendre connaissance lors de cette divulgation. Lorsque, comme en l’espèce, l’acte de divulgation consiste en la publication d’images d’un produit, les caractéristiques de la partie ou de la pièce de ce produit pour laquelle le dessin ou modèle est revendiqué doivent, dès lors, être clairement visibles.
La juridiction de renvoi s’interroge également, sur la question de savoir si l’apparence d’une partie de produit ou d’une pièce d’un produit complexe doit présenter une certaine autonomie par rapport au produit dans son ensemble afin qu’il puisse être examiné si cette apparence a un caractère individuel, au sens de l’article 6, § 1, du règlement.
La notion de « caractère individuel » au sens de l’article précité régit, non pas les rapports entre le dessin ou modèle d’un produit et les dessins ou modèles des parties qui le composent, mais le rapport entre ces dessins ou modèles et d’autres dessins ou modèles antérieurs.
Aux fins d’apprécier le caractère individuel d’une partie de produit ou d’une pièce d’un produit complexe, il y a lieu de se fonder sur la définition même de la notion de « dessin ou modèle », telle que prévue à l’article 3, a) du règlement. Il est nécessaire que la partie ou pièce en cause constitue une section visible du produit ou du produit complexe bien délimitée par des caractéristiques qui constituent son apparence particulière, à savoir par des lignes, des contours, des couleurs, des formes ou encore une texture particulière. Cela suppose que l’apparence de cette partie de produit ou de cette pièce de produit complexe soit capable, par elle-même, de produire une impression globale et ne puisse pas se fondre complètement dans le produit d’ensemble.
Cour de justice de l'Union européenne, 5e ch., 28 octobre 2021, C-123/20 (D20210062)
Ferrari SpA c. Mansory Design & Holding GmbH et WH
(Décision préjudicielle)