Jurisprudence
Brevets

Recours en restauration des droits à présenter une requête en poursuite de procédure - Point de départ du délai d’un an

PIBD 1175-III-1
Cass. com., 1er décembre 2021, avec une note de Florence Brège

Rejet de la demande de brevet - Recours en restauration - Recevabilité (oui) - Point de départ du délai de recours - Requête en poursuite de la procédure - Référence à la jurisprudence et à la pratique de l’OEB

Texte

Il résulte des articles L. 612-16, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2020-116 du 12 février 2020 [1] et R. 612-52 du CPI, que le demandeur d'un brevet qui n'a pas présenté, dans un délai de deux mois à compter de la notification du rejet de sa demande de brevet pour non-accomplissement d'un acte, une requête en poursuite de la procédure, peut introduire un recours en vue d'être restauré dans ses droits à présenter cette requête. Aux termes de l’article L. 612-16, ce recours n'est recevable que dans un délai d'un an à compter de l'expiration du délai non observé.

Dans un arrêt du 15 avril 1986, la Cour de cassation[2] a dit que le recours en restauration, quel que soit son fondement, n'était recevable que dans un délai d'un an à compter de la date limite à laquelle l'acte initialement omis devait être accompli.

Il y a toutefois lieu de reconsidérer cette interprétation. Lorsque le demandeur introduit un recours en restauration de ses droits à présenter une requête en poursuite de la procédure, le délai non observé, prévu à l’article L. 612-16 précité, est le délai de deux mois à compter de la notification de la décision de rejet imparti par l'article R. 612-52 pour présenter cette requête. La sécurité juridique des tiers serait également assurée si le point de départ du délai d’un an n'était pas l'expiration du délai imparti pour accomplir l'acte initialement omis, mais l'expiration du délai de deux mois imparti pour présenter une requête en poursuite de la procédure. Enfin, il apparaît souhaitable que le délai d'un an soit calculé de la même façon selon que la demande tendant à être rétabli dans ses droits est présentée à l'INPI par le demandeur d'un brevet français ou à l'OEB par le demandeur d'un brevet européen désignant la France. Or, la Chambre de recours juridique de l'OEB[3] a considéré que le délai d'un an pour introduire la requête en restitutio in integrum commençait à courir à compter de l'expiration du délai dont le demandeur disposait pour présenter la requête en poursuite de la procédure. Cette jurisprudence a été reprise dans les directives relatives à l’examen pratiqué à l'OEB.

Dès lors, il apparaît nécessaire d'interpréter désormais les articles L. 612-16 et R. 612-52 du CPI en ce sens que le délai d'un an imparti, à peine d'irrecevabilité, au demandeur d’un brevet pour introduire un recours en restauration des droits à présenter une requête en poursuite de la procédure, commence à courir à l'expiration du délai de deux mois à compter de la notification du rejet de sa demande de brevet pour non accomplissement d'un acte, tel que prévu par l’article R. 612-52 du CPI.

En conséquence, l’arrêt de la cour d’appel ayant rejeté le recours de la société demanderesse contre la décision du directeur général de l'INPI aux motifs que le recours en restauration n'était recevable, quel que soit son fondement, que dans le délai d'un an à compter de la date limite à laquelle l'acte initialement omis devait être accompli doit être cassé et la décision du directeur général de l’INPI déclarant le recours irrecevable, annulée.

Cour de cassation, ch. com., 1er décembre 2021, 20-10.875 (B20210089 ; JCP E, 2, 13 janv. 2022, p. 44)
B.
Braun Médical SAS et CNCPI (intervenante) c. INPI

(Cassation CA Paris, pôle 5, 1re ch., 5 nov. 2019, 18/20057 ; B20190072 ; PIBD 2020, 1131, III-79, annulation décision INPI, 17 juill. 2018, 15.02348)

Titre
NOTE :
Texte

La Cour de cassation rend ici une décision qui vient mettre fin à une pratique appliquée de manière constante depuis 1986 par le pôle des procédures gracieuses de l’INPI en charge de l’examen des recours en restauration.

Cette pratique s’appuyait sur le principe qu’elle avait clairement énoncé dans son arrêt du 15 avril 1986 selon lequel le recours n’était « …recevable que dans un délai d’un an à compter de la date limite à laquelle l’acte initialement omis devait être accompli » par application des dispositions de l’article 20 bis de la loi du 2 janvier 1968 et de l’article 124 du décret n° 79-822 du 19 septembre 1979, dont les dispositions ont été codifiées, respectivement, à l’article L. 612-16 et à l’article R. 612-52 du CPI. Selon la Cour, les dispositions de l’article 124 du décret précité ne pouvaient avoir pour effet de prolonger le délai d’un an prévu au deuxième alinéa de l’article 20 bis de la loi susvisée.

En l’espèce, le déposant avait reçu une notification d’irrégularité notifiée le 16 août 2016, lui impartissant un délai de deux mois expirant le 17 octobre 2016 pour fournir les documents attendus. N’ayant pas répondu dans le délai, l’Institut lui a notifié le 10 novembre 2016, une décision de rejet de sa demande de brevet. Le demandeur disposait alors d’un délai de deux mois pour déposer une requête en poursuite de procédure, conformément à l’article R. 612-52 du CPI, soit jusqu’au 10 janvier 2017. Selon la jurisprudence de la Cour de cassation, la fin du délai d’un an pour introduire son recours expirait le 17 octobre 2017. Le recours du 8 janvier 2018 était donc hors du délai d’un an, calculé à partir du délai non observé qui expirait le 17 octobre 2016.

Dans l’arrêt ici commenté, la Cour instaure un nouveau principe selon lequel le point de départ de ce délai d’un an sera dorénavant constitué par l’expiration du délai de deux mois pour présenter une requête en poursuite de la procédure. Elle marque ainsi sa volonté d’harmonisation des procédures de restitutio in integrum devant l’INPI et l’OEB précisant, selon elle, que la sécurité des tiers ne sera pas remise en cause par cet allongement du délai de recours.

La portée de l’arrêt apparaît toutefois quantitativement limitée. Ne sont en effet concernés que les seuls recours relatifs à des procédures dans lesquelles une requête en poursuite de procédure est possible (délai imparti par l’INPI pour répondre à une notification, à une mise en demeure ou procéder au paiement de la redevance de délivrance et d’impression du fascicule). Dans les faits, peu de recours en restauration sont donc concernés par l’application de cette nouvelle jurisprudence. En effet, sur les 451 recours en restauration déposés en 2021, seuls 43 s’inscrivaient dans ce cadre, les déchéances pour défaut de paiement des annuités demeurant le principal motif des procédures de restitutio in integrum.

Notons que la Cour énonce que ce nouveau principe est d’application immédiate. Le service des procédures gracieuses de l’INPI va donc appliquer cette jurisprudence aux recours pendants, ce qui pourrait amener à reconsidérer certaines procédures en cours.

schéma de la procédure de recours en restauration

Florence Brège
Responsable du pôle procédures gracieuses du service contentieux de l’INPI

[1] Les modifications apportées à l’article L. 612-16 du CPI par l’ordonnance n° 2020-116 du 12 février 2020 n’ont pas d’incidence sur la solution dégagée ici par la Cour de cassation, qui s’applique également aux affaires soumises à cet article dans sa rédaction postérieure au 1er avril 2020, date d’entrée en vigueur de l’ordonnance.

[2] Cass. com., 15 avr. 1986, Searle Medical Products USA c. INPI, 84-12.527 (B19860125 ; PIBD 1986, 397, III-306). Voir également : Cass. com., 15 avr. 1986, Outboard Marine Corporation c. INPI, 84-12.528 (B19860126)

[3] OEB, décision du 30 avr. 1993, aff. J 12/92