Recevabilité de la demande en nullité de la marque (oui) - 1) Forclusion par tolérance (non) - Connaissance de l’usage - Usage effectif de la marque contestée - 2) Usage sérieux de la marque antérieure - Preuve - Exploitation sous une forme modifiée - Altération du caractère distinctif - Exploitation pour une catégorie de produits - 3) Caractère distinctif de la marque antérieure
Validité de la marque (non) - Nullité partielle - Droit antérieur - Marque verbale - Faible similarité des produits - Similitudes visuelles, phonétiques et intellectuelles - Éléments verbaux communs - Éléments distinctifs et dominants - Différence inopérante - Appréciation globale du risque de confusion
Les conditions faisant courir le délai de forclusion par tolérance prévu à l’article L. 716-2-8 du CPI sont notamment l’enregistrement de la marque postérieure, l’usage de la marque postérieure par son titulaire et la connaissance par le titulaire de la marque antérieure à la fois de l’enregistrement et de l’usage de la marque postérieure[1]. La demande en nullité de la marque MULTITRAPRESS sur la base de la marque antérieure MULTIPRESS n’encourt pas la forclusion par tolérance. En effet, les éléments fournis par le titulaire de la marque contestée (brochures, avis technique, copie d’écran) sont insuffisants pour démontrer la réalité d’une exploitation de la marque contestée tournée vers le public permettant de déduire la connaissance de cet usage par le demandeur.
Pour examiner le caractère sérieux de l’usage de la marque antérieure invoquée MULTIPRESS, il convient de procéder à une appréciation globale tenant compte de tous les facteurs pertinents (période, lieu, importance et nature de l’usage qui a été fait de la marque en relation avec les produits et services pertinents). L’ensemble des éléments de preuve fournis par le demandeur (factures, certificat, catalogues, brochures, étiquette, documents) permettent de démontrer l’usage sérieux du signe « multipress » à titre de marque pour désigner des raccords de tuyaux métalliques et non métalliques. En revanche, cet usage ne vaut pas pour l’ensemble des catégories dans lesquelles ces produits sont susceptibles d’entrer, dès lors qu’aucun élément ne permet de démontrer un usage de la marque antérieure invoquée pour d’autres produits de plomberie.
Si le terme « multi » apparait évocateur, son association avec la séquence « press » présente un caractère distinctif dans son ensemble au regard des produits en cause. Dès lors que la marque antérieure n’aurait pas été susceptible d’être annulée sur le fondement de l’article L.711-2 2°, 3° et 4°CPI, il n’est pas nécessaire de rechercher si elle avait acquis un caractère distinctif.
La marque contestée MULTITRAPRESS est partiellement annulée pour les « installations sanitaires » en ce qu’elle porte atteinte à la marque antérieure MULTIPRESS. Les « installations sanitaires » de la marque contestée sont faiblement similaires aux raccords de tuyaux métalliques et non métalliques désignés par la marque antérieure à l’égard desquels l’usage sérieux a été établi. En effet, bien que ces produits ne présentent pas un lien étroit et obligatoire, ils sont toutefois susceptibles d’être utilisés dans le cadre des « installations sanitaires » de la marque contestée. Les signes en présence présentent de fortes similitudes visuelles, phonétiques et intellectuelles en raison de l’association des séquences « multi » et « press » en début et en fin des signes. Ainsi, en raison de la faible similarité entre les produits visés, compensée par les grandes ressemblances d’ensemble entre les signes, et du caractère intrinsèquement distinctif de la marque antérieure, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public.
Décision INPI, 23 juillet 2021, NL 20-0074 (NL20200074)
Ivar SpA c. Tuyauterie et Raccords Avances SARL
[1] CJUE, 1re ch., 22 sept. 2011, Budějovický Budvar, národní podnik c. Anheuser-Busch Inc., C-482/09 (M20110539) ; Cass. Com., 28 mars 2006, Hachette Filipacchi Presse SA et al. c. Espace Group SA et al., 05-11.686 (M20060230 ; PIBD 2006, 833, III-472 ; Comm. com. électr., 6, juin 2006, p. 25, note de C. Caron)