Demande d’homologation d’indication géographique protégeant un produit industriel ou artisanal - Cahier des charges - Délimitation de la zone géographique - Étendue des pouvoirs de l’INPI
Selon les articles L. 721-2 et L. 721-7 du CPI, pour bénéficier d'une indication géographique protégeant un produit industriel ou artisanal, les conditions de production ou de transformation de ce produit doivent respecter un cahier des charges homologué par décision du directeur général de l'INPI, qui doit préciser la délimitation de la zone géographique ou du lieu déterminé associé à l'indication géographique, à laquelle peuvent être attribuées essentiellement une qualité déterminée, une réputation ou d'autres caractéristiques de ce produit. Selon l'article L. 721-3, al. 4, du même code, lorsqu'il instruit la demande d'homologation ou de modification du cahier des charges, l'INPI s'assure notamment que le périmètre de la zone ou du lieu permet de garantir que les caractéristiques du produit peuvent effectivement être attribuées à la zone géographique associée à l’indication géographique.
La cour d’appel a rejeté le recours contre la décision de l’INPI de rejet de la demande d’homologation de l’indication géographique Savon de Marseille. Elle a d’abord énoncé que l'indication géographique constitue la dénomination d'une zone géographique ou d'un lieu déterminé servant à désigner un produit qui en est originaire et qui possède une qualité déterminée, une réputation ou d'autres caractéristiques qui peuvent être attribuées essentiellement à cette origine géographique, ce qui suppose des éléments quant à un lien entre le produit concerné et la zone géographique délimitée associée. Elle a ensuite relevé que, malgré une demande de complément d'éléments formulée par l'INPI, le cahier des charges, quoique concernant la dénomination « Savon de Marseille », qui vise manifestement une seule ville de France et associe le produit à cette commune, précise que la délimitation de la zone géographique associée sera la zone France, le produit concerné étant fabriqué sur l'ensemble du territoire national, résultant d'un savoir-faire historiquement répandu sur l'ensemble de ce territoire et d'un procédé trouvant son origine sur ce même ensemble.
C’est donc à bon droit qu’elle a retenu que le cahier des charges relatif à une demande de protection d'une indication d'origine visant l'ensemble du territoire national, sans délimiter une aire géographique ni un lieu déterminé associés au produit concerné, est incomplet et que l'INPI avait pu, sans excéder ses pouvoirs, rejeter la demande d'homologation.
Cour de cassation, ch. com., 16 mars 2022, 19-25.123[1]
Association Savon de Marseille France c. INPI
(Rejet pourvoi c. CA Paris, pôle 5, 2e ch., 22 nov. 2019, 18/15257 ; PIBD 2019, 1128, III-578)
[1] Les juridictions françaises ont déjà été saisies à plusieurs reprises de recours contre des décisions du directeur général de l’INPI relatives à des demandes d’homologation de l’indication géographique Savon de Marseille. Ainsi, un arrêt a rejeté le recours formé contre la décision de l’INPI de rejet de la demande présentée pour le compte de l’association Savon de Marseille, alors en cours de formation. Il a estimé que l’INPI ne pouvait s’assurer de la représentativité des opérateurs au sein de l’organisme de défense et de gestion (CA Paris, pôle 5, 2e ch., 15 déc. 2017, 17/03574, PIBD 2018, 1086, III-72 ; Propr. intell., 67, avr. 2018, p. 67, note de C. Le Goffic ; L'Essentiel, mars 2018, p. 7, note de S. Chatry). La demande d’homologation objet du présent litige a également été rejetée par l’INPI, en raison du caractère incomplet du cahier des charges. Dans le cadre de son recours formé contre cette décision, l’association Savon de Marseille France a demandé la transmission à la Cour de cassation de deux questions prioritaires de constitutionnalité (QPC). Elle prétendait que les dispositions du Code de la propriété intellectuelle qui régissent les indications géographiques protégeant les produits industriels et artisanaux conféreraient à l’INPI un pouvoir arbitraire lors de la procédure d’homologation, faute d’une définition suffisamment claire et précise de certaines notions et de précisions sur l’étendue des pouvoirs de l’office. Il serait ainsi porté atteinte au principe d'égalité devant la loi, garanti par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. La cour d’appel de Paris a rejeté la demande de transmission, faute de caractère sérieux des QPC (CA Paris, pôle 5, 2e ch., 21 juin 2019, 19/05364, PIBD 2019, 1120, III-352 ; Propr. intell., 73, oct. 2019, p. 67, note de C. Le Goffic). Dans un autre arrêt, elle a rejeté le recours formé contre la décision de refus d’homologation (CA Paris, pôle 5, 2e ch., 22 nov. 2019, 18/15257, PIBD 2019, 1128, III-578). Cet arrêt a fait l’objet d’un pourvoi, à l’occasion duquel des QPC ont été présentées à la Cour de cassation. Dans un arrêt du 16 septembre 2020, cette dernière (19-25.123 ; PIBD 2020, 1146, III-6) a jugé que celles-ci ne présentaient pas de caractère sérieux, au regard des exigences qui s’attachent aux principes de valeur constitutionnelle invoqués, et qu’il n’y avait pas lieu de les renvoyer au Conseil constitutionnel. L’arrêt de la Cour de cassation ci-dessus publié a pour sa part approuvé la cour d’appel en ce qu’elle avait rejeté le recours contre la décision de l’INPI.