Demande de mesures provisoires - Caractère sérieux des contestations concernant la validité des marques invoquées au titre de l’action en référé - Compétence du juge des référés (oui)
Interdiction provisoire (oui) - Provision (oui) - 1) Contestation sérieuse - Déchéance de la marque française - Usage sérieux - Droit de l'UE - Usage pour des pièces détachées et des services de maintenance se rapportant aux produits visés - Usage à titre de marque - Validité de la marque de l'UE - Dépôt frauduleux - Mauvaise foi - Volonté de conforter des droits - 2) Caractère vraisemblable des actes de contrefaçon - Reproduction - Apposition - Produits destinés à l’exportation - Usage à titre de marque - Usage dans la vie des affaires - Imitation - Similarité des produits ou services - Destination - Complémentarité - Risque de confusion - Exception de référence nécessaire - Fonction d'indication d'origine - Adjonction inopérante d’un logo - Usage à titre de dénomination sociale - Portée territoriale et durée de l’interdiction - 3) Préjudice - Manque à gagner - Bénéfices tirés des actes incriminés - Notoriété des produits - Banalisation - Baisse des ventes
Provision (oui) - Caractère vraisemblable des actes de concurrence déloyale - Dénigrement - Mise en garde de clients - Préjudice
Il est fait droit à la demande de mesures provisoires présentée par la société titulaire des marques française et de l’UE SCHABAVER.
La déchéance des droits sur la marque française n’est pas encourue avec l’évidence requise au stade du référé. La société titulaire a progressivement et significativement limité, suite à l'arrêt de sa production sur le territoire français, sa communication autour de cette marque au profit du signe WARMAN, correspondant à une nouvelle gamme de produits. Toutefois, la marque SCHABAVER a continué à être utilisée, dans la vie des affaires, dans le cadre de services de maintenance et de fourniture de pièces ou d'équipements associés, lesquels sont identifiés par le public comme émanant de la même entreprise. Au regard du secteur économique en cause, soit le marché restreint et spécifique des pompes industrielles hydrauliques désignées par la marque SCHABAVER, qui ne sont pas des biens de consommation courante, les preuves apportées (ex. offres de prix, devis, suivis de commandes, factures) caractérisent bien un usage justifié pour maintenir des parts de marché pour les produits protégés par la marque, et non un usage symbolique, conformément à l'arrêt Ansul de la Cour de justice[1].
La nullité de la marque de l’UE, pour dépôt frauduleux, ne peut davantage être encourue avec l’évidence requise à ce stade. Cette marque désigne des pompes et pièces de rechange pour ces produits. À la date de son dépôt, la déposante était déjà titulaire de la marque française SCHABAVER, déposée en 1985 et régulièrement renouvelée, pour protéger notamment les pompes. Elle a justifié de l’usage de cette marque notamment en démontrant avoir commercialisé des pièces de rechange destinées à l'entretien de celles-ci. La mauvaise foi n'apparaît nullement caractérisée dès lors, en outre, que la marque de l'UE a une portée différente de celle de la marque française, la déposante ayant ainsi pu vouloir conforter ses droits sur une dénomination régulièrement et continuellement exploitée. Ainsi, le dépôt de la marque de l’UE n'a pas été effectué uniquement pour échapper à la déchéance de la marque française, la mauvaise foi ne pouvant être déduite de la seule proximité entre la date du dépôt de la marque de l’UE et celle de la présentation de la requête en saisie-contrefaçon.
La société poursuivie a commis des actes vraisemblables de contrefaçon de la marque française en faisant fabriquer des plaques estampillées « Schabaver » apposées sur des pompes qu’elle a commercialisées, aux côtés de sa plaque d’identification en tant que fournisseur. Le fait que certains des produits en cause ont été commercialisés à l'étranger vers des pays de l'UE ou hors UE est sans influence sur leur qualification, la loi incriminant également les actes d'exportation de produits portant la marque contrefaite. Elle a également utilisé cette dénomination sur des documents (factures, mailing) qu’elle a communiqués à ses clients pour désigner des produits similaires et reproduit la marque pour désigner des pièces détachées qu’elle a offertes à la vente dans le cadre de son service de maintenance et de SAV. L’exception de référence nécessaire opposée est inapplicable lorsque la marque est apposée sans autre mention sur les pompes elles-mêmes. Par ailleurs, la société poursuivie n'a pas fait, notamment dans un mailing adressé à plusieurs sociétés tierces concernant l’offre à la vente de pièces de rechange, un usage de ce signe comme référence nécessaire à la destination des produits en cause, mais bien comme une indication d'origine des produits vendus de nature à créer la confusion chez la clientèle, les factures étant établies pour « des pièces pour pompes SCHABAVER » sans aucune mention de leur seule nature compatible ou adaptable.
Cour d’appel de Paris, pôle 5, 1re ch., 8 juin 2022, 21/13053 (M20220184)
Weir Minerals SAS c. IPS Industries Pompes Services SARL
(Confirmation partielle TJ Paris, ord. réf., 25 juin 2021, 21/54018)
[1] CJCE, 11 mars 2003, Ansul BV, C-40/01 (M20030458 ; D, Cahier droit des affaires, 39, 6 nov. 2003, p. 2691, note de S. Durrande ; Propr. intell., 9, oct. 2003, p. 429, note de G. Bonet).