Recevabilité de la demande en nullité du brevet (oui) - Revendications opposées - Intérêt à agir - Entrave à l'activité économique
Validité du brevet (non) - Produit - Procédé - 1) Description suffisante (oui) - Exécution par l'homme du métier - Connaissances professionnelles normales - Simples opérations d'exécution - Essais - 2) Nouveauté (oui) - Antériorité de toutes pièces - Divulgation par le déposant - Document interne - Accessibilité au public - 3) Activité inventive (non) - Valeur - Effet technique
Recevabilité de l’action en parasitisme (oui) - Prescription (non)
Parasitisme (non) - Volonté de s’inscrire dans le sillage d’autrui et de profiter de ses investissements - Imitation du conditionnement et de la communication
Concurrence déloyale (non) - 1) Mention trompeuse dans la communication - 2) Dénigrement - Envoi de courrier - Mise en connaissance de cause
Le brevet intitulé « savon noir à l’huile de grignons d’olive », qui porte sur des savons mou et liquide et leurs procédés de fabrication, est annulé.
L’invention est suffisamment décrite. Sa réalisation n’est pas compromise par l’imprécision des données contenues dans le brevet dès lors que le maître savonnier – qui dispose de compétences en chimie et en cosmétique – est capable, à l’aide de ses connaissances générales, de procéder à des essais de routine de différents dosages selon les paramètres définis par les revendications, qui ne peuvent être qualifiés de « véritable programme de recherche » au regard du domaine technique considéré. Il ne peut davantage être soutenu que le brevet présenterait un caractère spéculatif quant à ses effets techniques, faute de contenir des résultats expérimentaux démontrant que le savon noir breveté offre effectivement « des propriétés hydratantes inattendues et un pouvoir lavant intéressant ». Il s’agit en effet d’un critère retenu dans le domaine des brevets de médicaments de seconde application thérapeutique. En tout état de cause, le brevet contient l’indication du résultat recherché.
La preuve du défaut de nouveauté du brevet n’est pas rapportée. Si les antériorités témoignent incontestablement de ce que l’huile de grignons d’olive est traditionnellement utilisée en savonnerie depuis une période bien antérieure à celle du dépôt de la demande du brevet en cause, aucun de ces documents ne divulgue, à lui seul, ni dans quelle proportion elle est employée, ni si elle entre dans la composition des savons mous, sauf de manière incidente et très peu explicite. Ils ne révèlent pas davantage l’objectif proposé par l’invention – meilleur pouvoir lavant associé à des propriétés hydratantes –, ni le procédé de fabrication revendiqué. Notamment, les actes d’auto-divulgation invoqués ne ressortent pas des éléments fournis (extraits du site internet du titulaire, articles de presse, brochure de présentation), ceux-ci ne permettant nullement à l’homme du métier, même à l’aide de ses connaissances, de reproduire l’invention revendiquée.
En revanche, le brevet est dénué d’activité inventive. À la date de dépôt de la demande du brevet, l’huile de grignons d'olive était traditionnellement utilisée en savonnerie, sans que son usage puisse être exclu pour la fabrication de savons mous, aucun des documents antérieurs n’excluant un tel usage ou dissuadant particulièrement l’homme du métier d’y recourir, un des documents mentionnant au contraire un tel usage. Les éléments de l’art antérieur attestent suffisamment que l’homme du métier, au vu du problème que l’invention prétendait résoudre, aurait obtenu la solution technique revendiquée par le brevet en utilisant ses connaissances professionnelles et en effectuant de simples opérations notamment pour déterminer la quantité nécessaire d’huile de grignons d’olive dans la composition du savon mou. Par ailleurs, les propriétés particulières lavantes et hydratantes de l'huile de grignons d'olive ne sont nullement explicitées ni illustrées par des essais dont les résultats viendraient conforter l’affirmation du titulaire selon laquelle la revendication 1 du brevet ferait preuve d’inventivité et marquerait une rupture par rapport à l’état de l’art antérieur. En outre, si la revendication 5 qui relate un procédé de fabrication de savon mou mentionne une plage de valeurs, elle n’y associe aucun effet technique. Les composants et dosages qui y sont suggérés sont connus du maître savonnier ou facilement accessibles au moyen de ses connaissances générales, de son savoir-faire et en procédant à de simples essais.
Cour d’appel de Paris, pôle 5, 1re ch., 21 septembre 2022, 20/01532 (B20220072)
Établissement Marius Fabre Jeune SAS c. Brunel Chimie Dérivés SAS et Laboratoires Provendi SASU
(Confirmation TGI Paris, 3e ch., 2e sect., 8 nov. 2019, 17/09503)