Demande de CCP pour un médicament - Protection du produit par le brevet de base - Identification du principe actif - Définition fonctionnelle - Activité inventive autonome - Portée du brevet - Combinaison d’un élément fonctionnel et d’un élément structurel
La demande de certificat complémentaire de protection (CCP) pour le produit osimertinib, présentée sur la base d’un brevet européen couvrant un procédé de traitement d'un cancer résistant au gefitinib ou à l'erlotinib qui repose sur l’administration, au patient, d’une composition pharmaceutique comprenant un inhibiteur irréversible du récepteur du facteur de croissance épidermique (EGFR), a été rejetée. Cette demande faisait référence à une AMM octroyée à une société tierce pour la spécialité pharmaceutique « Tagrisso ». L’osimertinib a fait l’objet d’un brevet européen qui a été déposé par cette société six ans après le dépôt, par les requérantes, du brevet de base en cause.
Selon l’arrêt Royalty Pharma[1] de la Cour de justice, un produit est protégé par un brevet de base, au sens de l'article 3, a), du règlement (CE) n° 469/2009, lorsqu’il répond à une définition fonctionnelle générale employée par l’une des revendications et relève nécessairement de l’invention couverte par ce brevet, sans pour autant être individualisé en tant que mode concret de réalisation, dès lors qu’il est, à la lumière de l’ensemble des éléments divulgués par le brevet, spécifiquement identifiable par l’homme du métier sur la base de ses connaissances générales dans le domaine considéré et de l’état de la technique à la date de dépôt ou de priorité du brevet. Un produit n’est pas protégé par le brevet de base lorsque, bien que relevant de la définition fonctionnelle donnée dans les revendications, il a été développé après la date du dépôt, au terme d’une activité inventive autonome.
Le moyen du pourvoi reproche à la cour d’appel de ne pas avoir caractérisé en quoi l'osimertinib aurait été développé, après la date de dépôt du brevet de base, au terme d'une activité inventive autonome. Les requérantes rappellent que les juges du fond, tout en relevant que le brevet de base avait incontestablement alimenté l'état de la technique et permis de faire avancer la recherche en matière d'inhibiteurs de l'EGFR et qu'il était mentionné dans les brevets portant sur l'osimertinib déposés par la société bénéficiaire de l’AMM, ont retenu qu’il n’était pas établi que ce principe actif, ayant permis d'aboutir au médicament Tagrisso, ne serait pas le fruit d'une activité inventive autonome. Les juges ont en effet relevé que quinze autres brevets étaient également cités comme antériorités dans les brevets portant sur l'osimertinib et que de nombreuses références bibliographiques, autres que l'étude réalisée par l’un des inventeurs du brevet de base, apparaissaient dans la publication, invoquée par les requérants, servant de fondement aux travaux ayant abouti à ces brevets.
Cependant, la cour d'appel a légalement justifié sa décision. Après avoir retenu que l'osimertinib répondait à la définition fonctionnelle générale employée par la revendication 23 du brevet de base et relevait nécessairement de l'invention couverte par ce brevet, les juges du fond ont estimé que ce produit était inconnu pour l'homme du métier à la date du dépôt du brevet et qu’il ne pouvait le déduire directement et sans équivoque du brevet. La cour d’appel a ainsi fait ressortir que l'osimertinib n'était pas spécifiquement identifiable par l'homme du métier, sur la base de ses connaissances générales dans le domaine considéré et de l'état de la technique à la date de dépôt ou de priorité du brevet. Il se déduit de ces seuls motifs que l’osimertinib ne relève pas de l’objet de la protection du brevet de base.
Cour de cassation, ch. com., 1er février 2023, 21-17.773 (B20230008)[2]
Wyeth LLC et The General Hospital Corporation c. INPI
(Rejet pourvoi c. CA Paris, pôle 5, 1re ch., 9 févr. 2021, 19-19410 ; B20210011 ; PIBD 2021, 1158, III-2)
[1] CJUE, 4e ch., 30 avr. 2020, Royalty Pharma Collection Trust, C-650/17 (B20200016 ; PIBD 2020, 1140, III-1 ; Europe, juin 2020, comm. 211, L. Idot).
[2] La Cour de cassation a rendu, le même jour, un autre arrêt portant sur une affaire dans laquelle le principe actif en cause, défini également d’une manière fonctionnelle dans le brevet de base, avait fait l’objet, explicitement, quelques années plus tard, d’un autre brevet. Elle a considéré que la décision de la cour d'appel, qui avait estimé que le produit visé par la demande de CCP n’était pas protégé par le brevet de base, n'était pas suffisamment motivée (Cass. com., 1er févr. 2023, Ono Pharmaceutical Co. Ltd et al. c. INPI, 21-13.664 ; B20230010 ; publié au présent PIBD, III-1). Les juges du fond s’étaient notamment appuyés sur une pièce nouvelle produite pour la première fois en cause d’appel, laquelle devait être écartée.