Atteinte à la dénomination sociale, au nom commercial et au nom de domaine par l’exploitant (oui) - 1) Concurrence déloyale - Notoriété de la société - Secteur d’activité identique - Risque de confusion - Confusion avérée - Public pertinent - 2) Pratique commerciale déloyale - Altération substantielle du comportement économique du consommateur
Déchéance de la marque verbale (non) - Usage sérieux - Exploitation sous une forme modifiée - Exploitation d'une marque semi-figurative similaire - Altération du caractère distinctif (non)
Contrefaçon de la marque verbale par le déposant (non) - Dépôt d’une marque semi-figurative
Contrefaçon de la marque verbale par l’exploitant (oui) - Imitation - Différence visuelle - Expression commune - Adjonction d’un mot d'attaque - Mise en exergue - Logo - Typographie et couleurs - Différence phonétique - Similitude intellectuelle - Mot d'attaque non distinctif - Expression commune non dominante - Position distinctive autonome - Renommée du titulaire de la marque antérieure - Risque de confusion ou d’association
Validité de la marque semi-figurative (non) - Droits antérieurs - Marque verbale et dénomination sociale - Risque de confusion
Préjudice - 1) Au titre des actes de concurrence déloyale et de pratique commerciale déloyale - Absence de baisse du chiffre d’affaires - Captation de la renommée de la marque, du nom commercial et de la dénomination sociale - Perturbation du réseau - Atteinte à l’image - 2) Au titre des actes de contrefaçon - Préjudice moral
En adoptant le nom commercial Enterprise rent-a-car et un logo incluant ces termes pour exercer une activité de location de véhicules, la société défenderesse a porté atteinte à la dénomination sociale, au nom commercial et au nom de domaine de la société demanderesse, qui justifie avoir acquis une grande notoriété sous le nom Rent A Car dans le même secteur d’activité. La reprise de ces signes distinctifs, non couverts par un droit de propriété intellectuelle, a en effet entraîné un risque de confusion dans l'esprit du consommateur moyen des services proposés. Il ressort des éléments versés au débat par la société demanderesse que, depuis l’adoption par la société défenderesse du nom commercial litigieux, la confusion fréquente entre les deux réseaux de loueurs est avérée. Ainsi, de nombreux clients ayant loué des véhicules par l'intermédiaire de la société défenderesse se sont adressés à la société demanderesse pour formuler des réclamations, des demandes de remboursement, des demandes de prises en charge ou restitutions de véhicules. Cette confusion est, par ailleurs, confirmée par un sondage qui révèle que 65 % des personnes interrogées pensent que les marques RENT A CAR et enterprise rent-a-car sont les mêmes et 80 % qu'elles proviennent de la même entreprise. La société demanderesse produit également de nombreuses preuves de confusion par des fournisseurs, prestataires de services, compagnies d'assurances, services de police judiciaire, auxiliaires de justice et journalistes, qui ont fait preuve d’une attention plus importante que celle du consommateur moyen. La concurrence déloyale est ainsi constituée.
Ces atteintes constituent également une pratique commerciale déloyale au sens du Code de la consommation. Les nombreuses erreurs des consommateurs démontrent suffisamment que l’utilisation de la dénomination « rent a car » sur le territoire français a créé une confusion entre les sociétés en cause, et qu’elle a pu altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur moyen, qui pouvait être amené à se tourner vers la société défenderesse pour louer un véhicule, en pensant avoir affaire à la société demanderesse.
La demande en déchéance de la marque verbale RENT A CAR est rejetée. Son titulaire justifie d’un usage important de la marque semi-figurative RENT@CAR, pour désigner l’ensemble des produits et services visés par la marque verbale (véhicules et services de location de véhicules). L'élément figuratif ne vient qu'accentuer et mettre en valeur l’élément verbal, qui sera lu et entendu « rent a car », de sorte que le caractère distinctif de la marque verbale ne sera pas altéré. De plus, il est justifié par des publicités télévisuelles et des éléments relatifs au réseau de franchisés, d’un usage, au cours de la période de référence, de la marque verbale pour désigner des services de location de véhicules.
La demande en contrefaçon formée à l’encontre de la société étrangère qui a déposé en France la marque semi-figurative enterprise rent-a-car est rejetée. En effet, le simple dépôt d'une marque n'est pas constitutif de contrefaçon et il n'est pas allégué que cette société ait fait elle-même usage dans la vie des affaires de la marque sur ce territoire.
L’utilisation de cette marque semi-figurative et du nom commercial Enterprise rent-a-car par l’exploitant sur le territoire français constitue la contrefaçon de la marque verbale RENT A CAR. Nonobstant les différences visuelle et phonétique entre les signes, le public pertinent qui cherche à louer une voiture et qui connaît la société demanderesse, renommée en France dans ce secteur d’activité, retiendra essentiellement le signe « rent a car » et n'attribuera pas d'importance particulière au mot « enterprise », auquel il n'attachera aucune distinctivité. Ainsi, et bien que l’élément « rent a car » ne soit pas l'élément dominant du signe contesté, il conserve une position distinctive autonome prégnante et le public sera conduit à croire que les services en cause proviennent d'une même entreprise ou d'une entreprise économiquement liée.
CA Paris, pôle 5, 2e ch., 10 février 2023, 21/16169 (M20230018)[1]
Rent A Car SAS c. Enterprise Holdings France SAS (anciennement dénommée Citer) et Enterprise Holdings Inc.
(Infirmation TGI Paris, 3e ch., 2e sect., 22 nov. 2013, 13/08844, M20130760 ; sur 2e renvoi après cassation partielle sans renvoi : Cass. com., 7 juill. 2021, 19-16.028, M20210166, PIBD 2021, 1166, III-2, Contrats, conc. consom., oct. 2021, comm. 150, M. Malaurie-Vignal, L'Essentiel, 9, oct. 2021, p. 5, A. Favreau, Propr. industr., nov. 2021, étude 23, p. 14, E. Nicolet, RTD com., 4, oct.-déc. 2021, p. 792, J. Passa ; CA Paris, pôle 5, 1re ch., 15 janv. 2019, 17/16677, M20190010, PIBD 2019, 1111, III-118, L'Essentiel, mai 2019, p. 4, F. Herpe ; sur 1er renvoi après cassation : Cass. com., 8 juin 2017, 15-22.792, M20170307, PIBD 2017, 1077, III-569, Légipresse, 354, nov. 2017, p. 575, Y. Basire ; CA Paris, pôle 5, 2e ch., 22 mai 2015, 14/06298, M20150285, PIBD 2015, 1035, III-636)
[1]Dans sa décision du 7 juillet 2021, la Cour de cassation, statuant au fond, a rejeté définitivement la demande d’annulation de la marque verbale RENT A CAR. Elle a jugé que les termes qui la composent ne sont qu’évocateurs des véhicules visés à l’enregistrement et que la marque a acquis un caractère distinctif pour les services de location de ces produits du fait de l’usage intensif, tant de la marque semi-figurative RENT@CAR que de la dénomination sociale, du nom commercial et de l’enseigne Rent A Car, dont la renommée a été constatée par la cour d'appel.