Revendication d’une quote-part de la propriété d’un brevet et de demandes de brevets - Dépôt frauduleux (non) - Relations d'affaires - Violation de l’accord de confidentialité - Soustraction de l'invention - Qualité d'inventeur - Preuve
L’action en revendication d’une quote-part d’un tiers de la propriété d’un brevet français, qui porte sur un procédé pour favoriser l’exsudation de la résine d’un conifère et sur la composition permettant de mettre en œuvre ce procédé, est rejetée.
Antérieurement au dépôt du brevet, la société défenderesse, spécialisée dans le domaine de l’aromathérapie, avait collaboré avec le demandeur en vue d’un éventuel partenariat, auquel participaient également les deux associés du demandeur. Ce dernier avait déposé des enveloppes Soleau comportant la formule d’une pâte de gemmage, mentionnant comme principal composant le citrate de sodium. Le demandeur et ses associés avaient ensuite déposé une nouvelle enveloppe Soleau indiquant que la pâte de gemmage était composée d'acide citrique.
Dans le cadre d’un accord de confidentialité conclu entre les trois associés et la société défenderesse, le demandeur avait communiqué à cette dernière des informations confidentielles portant sur la composition d’une pâte neutre de gemmage à base de citrate de sodium. Des essais menés par la société sur différentes pâtes de gemmage avaient fait ressortir de meilleurs résultats concernant la pâte composée d’acide citrique.
L’invention brevetée porte sur une composition d'acide citrique ou un de ses dérivés, d'eau et d'argile. Le demandeur ne peut être suivi lorsqu’il dit que le citrate de sodium est un sel d’acide citrique et donc l’un de ses dérivés.
En effet, il résulte d’une attestation d’un des associés, ancien professeur d’université, établie antérieurement à sa mise en cause dans le présent litige, que l'acide citrique et le citrate de sodium ne se confondent pas et que le second n'est pas un dérivé du premier, contrairement à ce qui ressort du contenu du site Wikipédia auquel se réfère le demandeur. Toutefois ce site, posté par les utilisateurs, n'est pas suffisant à lui seul à emporter la conviction de la cour.
La différence entre ces deux compositions résulte d'ailleurs de la fiche qu'aurait rédigée le demandeur, au demeurant jamais divulguée, qui fait état d'une première expérimentation de gemmage avec du citrate de sodium et d'une seconde expérience avec de l'acide citrique.
Par conséquent, le demandeur n'établit pas qu'il est à l'origine de l'invention qui a fait l'objet du brevet tel que délivré, ni que la société défenderesse s'est frauduleusement appropriée cette invention à ses dépens. Il n’est donc pas fait droit à sa demande de transfert de la quote-part de propriété.
Cour d’appel de Paris, pôle 5, 2e ch., 17 février 2023, 21/08764 (B20230017) [1]
Claude C c. Holiste Laboratoires et Développement SAS, Luc L, José A et al.
(Confirmation TJ Paris, 3e ch., 1re sect., 11 mars 2021, 19/08961 ; B20210104)
[1] Antérieurement à la présente action, le demandeur avait déjà assigné la société défenderesse en dépôt frauduleux de brevet. Un jugement avait fait droit à son action en revendication de propriété (TGI Paris, 3e ch., 3e sect., 13 mai 2016, Claude C c. Holiste Laboratoires et Développement SARL, 14/09297 ; B20160087). Il avait notamment retenu que « La société Holiste qui s'est vue confier par le demandeur, dans le cadre d'études communes des informations confidentielles qui portaient sur ces éléments, du fait de sa collaboration avec Claude C, alors qu'il lui était par ailleurs interdit de les divulguer, les a pourtant employés pour déposer le brevet dont elle est titulaire et a ainsi porté atteinte aux clauses de l'accord liant les parties et s'est ainsi appropriée suivant des procédés déloyaux, les éléments techniques qui lui ont permis de déposer le brevet litigieux, en fraude des droits de Claude C ». Ce jugement a été infirmé par la cour d’appel (CA Paris, pôle 5, 2e ch., 2 juin 2017, 16/11297 ; B20170103) qui a déclaré l’action en revendication de brevet irrecevable, faute pour le demandeur d’avoir mis en cause ses associés, également détenteurs de la formule de la pâte de gemmage. Elle a retenu qu’il « résulte de ces éléments et de l'aveu même de Monsieur C que l'utilisation de l'acide citrique, de carbonate de calcium et d'eau pour fabriquer la pâte neutre de gemmage était connue de Monsieur A et de Monsieur V au moins depuis le 2 juillet 2010 et que la formule divulguée dans le cadre de l'accord intervenu entre les parties était détenue en copropriété avec ces derniers ». Saisie d’un pourvoi, la Cour de cassation a rendu un arrêt de rejet non spécialement motivé (Cass. com., 10 avr. 2019, 17-22.367).