Doctrine et analyses
Compte rendu

Responsabilité en matière de contrefaçon de brevets sur le vaccin anti-Covid : le combat que livre actuellement Moderna aura des répercussions importantes

PIBD 1206-II-1

d’après l’article d’Adam Houldsworth : Moderna's ongoing struggles over covid infringement liability have broader implications, in IAM, 2 mai 2023

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Accusé d’avoir contrefait des brevets pour mettre au point son vaccin contre le Covid-19, Moderna tente de faire porter la responsabilité de la contrefaçon sur le gouvernement américain.

Moderna a essuyé un nouveau revers judiciaire après qu’un tribunal du Delaware a jugé irrecevable sa motion de rejet1 déposée suite à l’action en contrefaçon engagée par Anlylam. Une décision similaire avait été rendue dans le cadre d’une procédure parallèle engagée par Arbutus et Genevant.

Pour se défendre, Moderna essaie de rendre le gouvernement responsable de la contrefaçon, et donc passible du paiement éventuel de dommages-intérêts, en invoquant l’article 1498 a) du titre 28 du Code des États-Unis.

En effet, les doses de vaccins ont été commandées par le gouvernement par un contrat autorisant la production et l’utilisation de ces doses en vertu de l’article 1498 a). Cet article permet au gouvernement de passer outre au droit des brevets, moyennant le versement d'une compensation raisonnable au breveté, afin d’utiliser la technologie brevetée. Pour réussir à faire valoir cet argument dans sa défense, un défendeur doit avoir obtenu « l’autorisation et le consentement » du gouvernement afin d’utiliser la technologie brevetée pour le gouvernement.

Cette stratégie de défense est inhabituelle. L’article 1498 a) est généralement utilisé par le gouvernement pour se procurer des produits qui n’auraient pas été disponibles sans cela. L’article est également régulièrement invoqué pour faciliter l’entrée sur le marché de médicaments génériques ou biosimilaires à des prix raisonnables. Cependant, pendant la pandémie, les cabinets d’avocats ont évoqué l’utilisation de cet article pour « immuniser » les produits fabriqués suite à la commande du gouvernement, même si les produits en question ne sont pas fournis directement au gouvernement. Les tribunaux ont tendance à faire une interprétation large de cet article.

Moderna a reçu le soutien du gouvernement qui a déclaré qu’il acceptait de porter la responsabilité de toute contrefaçon résultant de l’exécution du contrat contenant la référence à l’article 1498 a). La position du gouvernement peut sembler difficile à comprendre. L’auteur y voit la volonté du gouvernement d’utiliser de nouveau l’article 1498 a). Le gouvernement Biden a en effet adopté une attitude critique vis-à-vis des brevets sur les médicaments qu’il rend en partie responsables des prix élevés pratiqués aux États-Unis.

Quant à l’issue des litiges en cours, un des juges a laissé entendre qu’il penchait plutôt pour un rejet de la défense reposant sur l’article 1498 a). Selon lui, le contrat de Moderna stipulait que le vaccin serait utilisé pour « mieux soigner les patients » et atténuer l’effet du Covid sur les Américains. On pourrait donc en conclure que les vaccins ont été achetés pour les patients, et non pour le gouvernement.


 

1« 231 - Motions et exceptions. [...] Un défendeur pourrait faire valoir que, même si le plaignant parvenait à prouver tous les faits avancés, sa requête devrait néanmoins être rejetée sur le fond et de plein droit. L’on dit que le défendeur introduit une motion de demur par laquelle il demande au tribunal de repousser la prétention de son opposant sans qu’il soit nécessaire de produire de preuve. Dans certaines juridictions cette motion est connue sous le titre de motion to dismiss, ou motion de rejet par faute de faire valoir un droit à réparation, ou celui d’exception of no cause or right of action, équivalent à une exception pour défaut de base légale. Si la motion ou l’exception soulevée par le défendeur est jugée recevable, le demandeur pourra être autorisé à modifier ou amender sa plainte. Si le tribunal statuait contre le défendeur, ce dernier devrait alors répondre au fond dans un délai spécifique. » in Droit des États-Unis, 2e édition, Alain A. Levasseur, Précis Dalloz, p. 105-106.

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