Jurisprudence
Marques

Déchéance partielle de la marque composée de douze termes - Usage sérieux sous une forme modifiée ne reprenant que l'expression « Poulet Braisé »

PIBD 1210-III-4
CA Paris, 14 juin 2023

Déchéance partielle de la marque verbale (oui) - Usage sérieux - Appréciation globale - Preuve - Période pertinente - 1) Exploitation sous une forme modifiée - Suppression de mots - Élément distinctif et dominant - Adjonction d’initiales et d’un graphisme - Altération du caractère distinctif - 2) Exploitation limitée - Exploitation pour une catégorie de produits - Sous-catégorie autonome (non)

Texte
Marque n° 3 640 084  de la société Poulet Braisé
Images issues de la décision INPI DC21-0062
Texte

La société titulaire de la marque verbale POULET BRAISÉ ; POULETS BRAISÉS ; LE POULET BRAISÉ ; LES POULET BRAISÉS, BRAISÉ POULET, déposée pour désigner des produits et services en classes 29, 30 et 43, est déchue de ses droits sauf pour les « sauces (condiments) ; pâtisserie ; gâteaux ; biscuits ; services de bar ».

L'usage sérieux d'une marque ne peut être démontré par des probabilités ou des présomptions, mais doit reposer sur des éléments concrets et objectifs qui prouvent un usage effectif et suffisant de la marque sur le marché concerné.

En l'espèce, la titulaire a fait valoir devant l’INPI l'utilisation des signes semi-figuratifs « PB » et « PB Poulet Braisé » pour les sauces, les tiramisus et les services de restauration et de bar.

Concernant l’exploitation pour les sauces, la pâtisserie, la confiserie, les biscuits, les gâteaux, les sucreries, le chocolat ainsi que les services de bar visés au dépôt, l’exploitation du signe « Poulet Braisé », distinctif pour ces produits et services, dans une typographie particulière, constitue un usage sous une forme modifiée du signe verbal litigieux n’en altérant pas le caractère distinctif.

En revanche, l’exploitation des signes « PB » ou « PB Poulet Braisé » ne peut valoir usage de la marque contestée pour les services de restauration. Comme pertinemment relevé par l’INPI, les termes « Poulet Braisé » désignent une préparation culinaire à base de poulet et renvoient donc à une caractéristique de ces services, à savoir une offre de poulet braisé, avec laquelle le signe litigieux présente un lien direct et concret, de sorte que ces termes ne sont pas distinctifs pour ces services. En outre, la distinctivité de la marque litigieuse au regard de ces services vient de ce qu'elle consiste en douze termes, étant ajouté qu'ils sont répétés et déclinés au singulier, au pluriel, avec et sans article. Il en résulte que les signes exploités modifient substantiellement la marque litigieuse.

Concernant les sauces, les desserts et les services de bar, l’INPI a estimé que les pièces produites lors de la procédure en déchéance ne comportaient aucun élément de détail, de sorte que celles-ci ne fournissaient pas d'indication suffisante concernant l'importance de l'usage effectif de la marque contestée.

Les nouveaux éléments versés à l’occasion du recours (relatifs à une commande et à des ventes, à des publications sur les réseaux sociaux et à des données chiffrées) attestent d’une exploitation pour ces produits et services pendant la période pertinente et d’une continuité d’exploitation postérieurement. Pris dans leur ensemble, ils permettent d'établir que l'usage du signe litigieux ne constitue pas un usage de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque mais répond bien à une réelle justification commerciale permettant de créer ou de conserver un débouché pour les produits et services en cause.

La titulaire justifie notamment de l’utilisation du signe « Poulet Braisé » relativement à des desserts de type tiramisus. Ceux-ci sont des pâtisseries et des gâteaux. Les éléments versés à l'occasion du recours permettent d’établir un usage sérieux pour ces produits, ainsi que pour les biscuits. En effet, ces derniers qui appartiennent à la catégorie générale des gâteaux ou des pâtisseries, ont les mêmes ingrédients et la même destination et ne constituent pas pour le consommateur visé une catégorie autonome. La preuve de l’exploitation sérieuse pour les pâtisseries, les gâteaux et les biscuits est donc rapportée.

En revanche, la titulaire ne justifie d'aucune exploitation de sa marque pour la confiserie, les sucreries et le  chocolat. En effet, les éléments de preuve rapportés relativement aux tiramisus ne permettent pas de démontrer l'usage sérieux de la marque à l'égard de ces produits qui n'appartiennent pas à la catégorie générale des pâtisseries, des gâteaux et des biscuits.

Cour d’appel de Paris, pôle 5, 1re ch., 14 juin 2023, 22/10269 (M20230083)[1]
Poulet Braisé SAS c. INPI et Tikjda
SARL
(Confirmation partielle décision INPI, 22 avr. 2022, DC21-0061 ; DC20210061
)

[1] La cour d’appel de Paris a rendu le même jour, entre les mêmes parties, un arrêt très similaire confirmant partiellement la décision de l’INPI ayant dit justifiée la demande en déchéance de la marque POULET BRAISE n° 3 991 700 (CA Paris, pôle 5, 1re ch., 14 juin 2023, 22/10269 ; M20230082).