Jurisprudence
Marques

Absence de dépôt de mauvaise foi et de déceptivité des marques TREETS exploitées pour des confiseries - Renonciation aux marques TREETS antérieures suite à leur remplacement par la marque M&M'S

PIBD 1221-III-4
TJ Paris, 20 décembre 2023

Demande additionnelle en annulation des renonciations aux marques françaises - Compétence du tribunal judiciaire (oui) - Recevabilité (oui)

Demande reconventionnelle en déchéance des droits sur les marques françaises - Recevabilité (oui) - Lien suffisant avec la demande d’annulation des renonciations aux marques

Validité des marques internationales (oui) - 1) Dépôt de mauvaise foi (non) - Profit indûment tiré de la renommée d’une marque antérieure - Renonciation - 2) Caractère déceptif (non)

Validité des renonciations aux marques françaises (oui) - Vice du consentement - Connaissance de cause

Concurrence déloyale (non) - Dénigrement (non) - Parasitisme (non) - Investissements réalisés - Pratiques commerciales trompeuses (non)

Texte
Marque n° 1 368 068 de la société Piasten
Texte

En 1986, le groupe Mars a remplacé la marque TREETS par la marque M&M’s, pour désigner des cacahuètes enrobées de chocolat et de sucre. En 2017, à la demande de la société défenderesse, les sociétés demanderesses ont opéré le retrait de leurs marques françaises TREETS. Les renonciations totales à ces marques ont été inscrites au Registre national des marques. La société défenderesse a déposé des marques verbales et semi-figuratives internationales désignant la France et l’Union européenne TREETS, sous lesquelles elle a commercialisé divers produits, dont des cacahuètes enrobées de chocolat.

La demande en nullité pour dépôt de mauvaise foi de ces marques est rejetée. La circonstance que l'usage d'un signe dont l'enregistrement est demandé permettrait au déposant de tirer indûment profit de la renommée d'une marque antérieure est de nature à établir la mauvaise foi de celui-ci. Toutefois, un comportement de parasitisme à l'égard de la renommée d'une marque antérieure n'est, en principe, possible que si cette marque jouit effectivement et actuellement d'une certaine renommée. Par ailleurs, le public pertinent pour apprécier l'existence de cette renommée et du profit qui en est indûment tiré est celui visé par la marque contestée, à savoir le consommateur moyen des produits pour lesquels celle-ci a été enregistrée. En outre, il incombe au demandeur en nullité d'établir les circonstances qui permettent de conclure que le titulaire de la marque contestée était de mauvaise foi lors du dépôt de la demande d'enregistrement de cette dernière, la bonne foi étant présumée jusqu'à preuve du contraire.

En l’espèce, les pièces produites montrent des échanges entre les parties relativement à la volonté de la société poursuivie de négocier autour du signe « Treets » et, en particulier, des marques françaises TREETS. Ainsi, outre la demande de retrait des marques françaises TREETS, elle a engagé des actions en déchéance d’autres marques TREETS. Elle a également proposé le rachat des plus anciennes marques TREETS, notamment en France, ainsi qu’un engagement à « ne pas utiliser la marque “Treets” sur un emballage jaune », aucun accord n’ayant toutefois été conclu. Les sociétés demanderesses étaient donc informées de la volonté de la société poursuivie d’utiliser le signe « Treets » pour ses produits ou ceux d’éventuels licenciés, et la stratégie qu’elles dénoncent ne correspond, en réalité, qu’à des démarches usuelles dans la vie des affaires permettant à un concurrent de s’assurer sans déloyauté de la disponibilité d’un signe qu’il souhaite exploiter à titre de marque. Le dépôt des marques n’a, de ce fait, pas été effectué de mauvaise foi.

Les marques internationales n’encourent pas davantage la nullité du fait de leur caractère trompeur. Elles ne sont pas susceptibles de créer un risque de confusion dans l’esprit des consommateurs, dès lors qu’elles sont seules existantes sur le marché français pour les produits visés à leur enregistrement suite aux radiations des marques françaises antérieures. La renommée résiduelle éventuelle des marques françaises antérieures des sociétés demanderesses est insuffisante à établir le caractère déceptif allégué.

Par ailleurs, les demandes en concurrence déloyale sont rejetées. En l’absence de dépôt de mauvaise foi des marques litigieuses par la société poursuivie et de commercialisation en France, par les sociétés demanderesses, de produits sous le signe « Treets » depuis trente ans, et en raison de leur renonciation aux marques françaises antérieures et de l’exploitation, par les défenderesses, des marques internationales dont la demande en nullité pour mauvaise foi a été rejetée, aucune faute de la société poursuivie n’est caractérisée. Pour les mêmes raisons, la commercialisation par la société poursuivie distributrice en France de cacahuètes enrobées de chocolat, sous le signe « Treets », n’est pas de nature à induire en erreur le consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Les demandes pour pratiques commerciales trompeuses sont donc également rejetées.

S’agissant des demandes en dénigrement, il ne résulte d’aucun des articles de presse versés aux débats que les sociétés poursuivies ont divulgué une information de nature à jeter le discrédit sur un produit commercialisé par les sociétés demanderesses, que ce soit ses produits M&M’s ou ses produits Treets antérieurs. De même, la reprise dans plusieurs articles de l’information selon laquelle la distributrice aurait reproduit la recette originale des bonbons antérieurs ne prouve pas que celui-ci soit à l’origine de sa divulgation et, à supposer que tel soit le cas, cette divulgation est dépourvue de discrédit sur le produit en cause. Les sociétés demanderesses invoquent également la prétendue divulgation d’une fausse information relative à un accord entre parties portant sur le signe « Treets ». Toutefois cette information, à la supposer établie, ne concerne pas les produits commercialisés sous ce signe, mais les sociétés demanderesses, en sorte qu’elle ne relève pas du dénigrement.

Tribunal judiciaire de Paris, 3e ch., 3e sect., 20 décembre 2023, 18/14422 (M20230254)
Mars Wrigley Confectionery France SAS, Mars Inc. et Marques c. Piasten GmbH et Lutti SAS