Jurisprudence
Marques

Absence de contrefaçon de la marque IN CONCRETO par la dénomination sociale IN CONCRETO dont la seule immatriculation ne constitue pas un usage pour distinguer des produits et services

PIBD 1213-III-5
TJ Paris, 30 mars 2023, avec une note

Contrefaçon des marques française et de l’UE (non) - Droit de l'UE - Usage du signe à titre de dénomination sociale - Usage dans la vie des affaires - Fonction d'indication d'origine

Concurrence déloyale (non) - Atteinte à la dénomination sociale et au nom de domaine - Exploitation commerciale du signe litigieux - Risque de confusion

Texte
Marque n° 009 643 511 de la SARL In Concreto
Texte

La demande en contrefaçon des marques verbales française et de l’Union européenne IN CONCRETO par la dénomination sociale In Concreto est rejetée.

Selon l’article 10, § 3, d), de la directive (UE) 2015/2436 et l’article 9, § 3, d), du règlement (UE) 2017/1001, le droit exclusif du titulaire d’une marque lui permet d’interdire à un tiers de « faire usage du signe comme [...] dénomination sociale ». Selon l'article L. 713-3-1 du CPI issu de la transposition de la directive, les droits conférés par la marque française comprennent l’interdiction de l'usage du signe comme dénomination sociale.

En l'espèce, la demande en contrefaçon, qui porte sur l'emploi d'un signe comme dénomination sociale et sur aucun autre fait, suppose que ce seul fait s'analyse en un usage du signe au sens du paragraphe 3, d), et plus généralement, en un « usage dans la vie des affaires » au sens du paragraphe 2 des articles 9 et 10 précités.

À cet égard, le considérant 19 de la directive et le considérant 13 du règlement précisent que l'usage d’un signe comme dénomination sociale devrait relever de la contrefaçon d'une marque « dès lors que cet usage a pour but de distinguer des produits ou services ».

La Cour de justice de l’Union européenne[1] a dit pour droit que l'exercice du droit exclusif du titulaire de la marque doit être réservé aux cas dans lesquels l'usage du signe par un tiers porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque et notamment à la fonction essentielle de garantie de la provenance du produit ou du service. Il en résulte que l'expression « faire usage d'un signe » doit être entendue comme désignant l'emploi du signe dans le but de distinguer des produits ou des services.

Or, de la même manière que le seul dépôt d'une marque ne caractérise pas un usage dans la vie des affaires[2], le fait d'immatriculer une société sous une certaine dénomination n'est pas, en soi, un usage de cette dénomination dans le but de distinguer des produits ou services. Il n'est donc pas, à lui seul, susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque. Il s'agit d'un acte dont l'effet est strictement juridique et qui ne caractérise pas, en soi, l'existence d'une activité. Il ne peut en effet être présumé qu'une société est exploitée du seul fait qu'elle existe.

Il appartient donc au titulaire de la marque de prouver que le tiers, dont il critique la dénomination, exerce effectivement une activité économique en lien avec des produits ou services déterminés, ce qui n'est pas une charge excessive dès lors que la protection du droit de marque est spéciale et concrète, et non abstraite et absolue.

Or, la société demanderesse, qui reconnaissait dans sa lettre de mise en demeure que la société défenderesse semblait ne pas avoir commencé à faire usage de la dénomination querellée, ne verse aux débats qu'un extrait K bis de cette société et ne produit aucun élément de nature à établir qu’elle exerce effectivement des activités de conseil de gestion aux entreprises et services associés. En conséquence, à défaut de preuve d'usage du signe litigieux dans la vie des affaires, la contrefaçon de la marque IN CONCRETO n'est pas caractérisée.

Tribunal judiciaire de Paris, 3e ch., 1re sect., 30 mars 2023, 22/03050 (M20230167)
In Concreto SARL c. In Concreto SASU

Titre
NOTE :
Texte

Dans la présente affaire, le demandeur en contrefaçon invoquait l’emploi par la société poursuivie d’une dénomination sociale identique à sa marque, sans rapporter la preuve d’un quelconque usage de cette dénomination. La question qui se posait, spécifique à l’espèce, était celle de savoir si ce fait, à lui seul, pouvait s’analyser en un « usage du signe comme dénomination sociale » au sens de l’article 10, § 3, d), de la directive (UE) 2015/2436 et l’article 9, § 3, d), du règlement (UE) 2017/1001, susceptible de porter atteinte à la fonction essentielle de la marque de garantie de la provenance du produit ou du service. Les motifs adoptés par le tribunal, pour conclure à l’absence d’usage de la dénomination sociale dans la vie des affaires, ne sont pas nouveaux. En effet, la jurisprudence française s’était déjà prononcée à plusieurs reprises sur la question de la contrefaçon d’une marque par l’usage d’une dénomination sociale, d’un nom commercial, d’une enseigne ou d’un nom de domaine. Voir notamment :

- TGI Paris, 3e ch., 1re sect., 15 juin 2017, Otto GmbH c. Roxane L, 15/18639 (M20170429) :

« Dans l'arrêt dit "Céline" du 11 septembre 2007 (C-17/06), la Cour de Justice de l'Union européenne a dit pour droit, que l'usage par un tiers qui n'y a pas été autorisé d'une dénomination sociale, d'un nom commercial ou d'une enseigne identique à une marque antérieure dans le cadre d'une activité de commercialisation de produits identiques à ceux pour lesquels cette marque a été autorisée, constitue un usage que le titulaire de ladite marque est habilité à interdire conformément à l'article 5, paragraphe 1, sous a), de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques, s'il s'agit d'un usage pour des produits qui porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque. À ce sujet, la Cour, relevant que "une dénomination sociale, un nom commercial ou une enseigne n'a pas, en soi, pour finalité de distinguer des produits ou des services" en déduit que "lorsque l'usage d'une dénomination sociale, d'un nom commercial ou d'une enseigne se limite à identifier une société ou à signaler un fonds de commerce, il ne saurait être considéré comme étant fait 'pour des produits ou des services', au sens de l'article 5(1) de la directive". Il y a en revanche, selon la Cour, usage "pour des produits" au sens de l'article 5, paragraphe 1 de la directive "lorsqu'un tiers appose le signe constituant sa dénomination sociale, son nom commercial ou son enseigne sur les produits qu'il commercialise (...)" ou "même en l'absence d'apposition, lorsque le tiers utilise ledit signe de telle façon qu'il s'établit un lien entre le signe constituant la dénomination sociale, le nom commercial ou l'enseigne du tiers et les produits commercialisés ou les services fournis par le tiers (...)".

En l'espèce, comme le nom commercial qui a pour objet d'identifier le fonds de commerce de Madame Roxane L, le nom de domaine a pour objet d'identifier son site internet et d'en permettre l'accès. Il exerce ainsi dans le monde numérique une fonction analogue à celle exercée par l'enseigne dans le monde physique qui est de signaler un lieu d'exploitation commerciale et ne sert pas, en soi, à signaler l'origine commerciale des produits qui y sont commercialisés.

Il est constant que le signe LSMODE litigieux n'est pas apposé sur les vêtements commercialisés par Madame Roxane L qui sont revêtus de marques tierces, l'activité de son site internet étant, au vu du constat d'huissier, entièrement dédié au déstockage de produits de grandes marques (GUESS, VERSACE, DIESEL...). Le signe "LSMODE", dont aucune notoriété pour des vêtements n'est alléguée, ne peut donc être perçu par le consommateur d'attention moyenne, qui achète les vêtements en considération de leur propre marque et non de leur mode de distribution, comme un élément d'identification de l'origine commerciale des produits mais comme un simple élément identifiant le fonds de commerce et le site internet qui les vend. Dès lors, la seule utilisation du signe LSMODE comme nom commercial et nom de domaine ne constitue pas un usage à titre de marque et n'est par nature pas constitutif d'une contrefaçon, […]. » ;

- CA Bordeaux, 1re ch. civ., sect. A, 5 mai 2015, Château Cheval Blanc c. Jean-Jacques C et al., 14/00275 (M20150167 ; PIBD 2015, 1030, III-455:

« Il est vrai, qu'en principe, lorsque la reprise du signe protégé comme marque n'a pas pour but de désigner un produit mais la dénomination sociale du producteur, la contrefaçon n'est pas réalisée.

Toutefois, il en va différemment si la reprise du signe protégé porte pas [sic] atteinte à la fonction essentielle de la marque, qui est de permettre au public de reconnaître sans confusion possible un produit et de le rattacher à l'entreprise responsable de sa qualité.

Ainsi, la contrefaçon peut être réalisée si la dénomination sociale qui reprend le signe protégé est apposée sur des produits identiques ou similaires à ceux du titulaire de la marque ou est utilisée de façon à ce qu'il s'établisse un lien avec eux et qu'un risque de confusion dans l'esprit du consommateur d'attention moyenne soit généré.

En l'espèce, la société civile Château Cheval Blanc et l'Earl Chaussié de Cheval Blanc ont une activité identique, à savoir la production de "vins de Bordeaux" dont les terroirs sont voisins. Dès lors, en utilisant le vocable "Cheval Blanc" dans sa dénomination sociale, l'Earl Chaussié de Cheval Blanc établit incontestablement un lien entre les vins qu'elle produit et ceux que produit la société civile Château Cheval Blanc et elle porte atteinte à la fonction essentielle de la marque "Cheval Blanc" qui est de permettre au consommateur d'identifier le vin qu'il achète et de le rattacher au producteur responsable de sa qualité dont l'identité figure sur l'étiquetage.

La très grande notoriété attachée à la marque "Cheval Blanc" induit un risque de confusion pour le consommateur moyennement attentif et compétent, lequel sera amené à penser, en achetant un vin portant la dénomination sociale "Earl Chaussié de Cheval Blanc" qu'il s'agit d'un vin ayant une relation directe avec la production prestigieuse de la société civile Château Cheval Blanc, de nature à lui assurer une garantie de qualité, de provenance et de réputation. » ;

- TGI Paris, 3e ch., 4e sect., 4 déc. 2014, First Service SAS c. Grande Literie SARL, 13/08103 (M20140744) :

« Il sera rappelé qu'un nom de domaine n'ayant pas en soi pour finalité de distinguer des produits ou des services mais ayant pour fonction d'identifier un site internet, il ne peut être considéré qu'il porte atteinte à la fonction d'origine de la marque, sauf s'il est utilisé par le tiers de telle façon qu'il s'établit un lien entre le signe constituant le nom de domaine du tiers et les produits ou les services qu'il fournit, de telle sorte qu'il en devient un indicateur d'origine.

Il est établi par le procès-verbal de constat de la SCP Albou & Yana en date du 27 juillet 2012 que sur le site www.grande-literie.fr société défenderesse offre à la vente "ensembles literie ; matelas ; sommiers ; accessoires" ; ces produits sont similaires aux produits couverts par la marque "GRAND LITIER" dont la société FIRST SERVICE est titulaire.

La reprise de ce signe, ou d'un signe très proche, dans le nom de domaine www.grande-literie.fr pour des produits similaires est constitutif de contrefaçon de la marque GRAND LITIER de la société FIRST SERVICE. » ;

- TGI Paris, 3e ch., 3e sect., 4 avr. 2014, Paris Scooter Accessoires SAS et al. c. PSE Voltaire SARL, 13/00252 (M20140313) :

« N'est sanctionné que l'usage du signe destiné à distinguer des produits et des services aux yeux du public. Une enseigne n'ayant pas en soi pour finalité de distinguer des produits ou des services mais ayant pour fonction d'identifier un fonds de commerce, il ne peut être considéré qu'elle porte atteinte à la fonction d'origine de la marque, sauf si elle est utilisée par le tiers de telle façon qu'il s'établit un lien entre le signe constituant l'enseigne du tiers et les produits commercialisés ou les services qu'il fournit, de telle sorte qu'elle en devient un indicateur d'origine. […]

[L]’utilisation [du signe "MONDIAL CITY"] à titre d'enseigne sur des sites internet permet uniquement l'identification du fonds de commerce de la défenderesse, et non la détermination de l'origine des produits ou services que celle-ci propose. » ;

- TGI Paris, 3e ch., 1re sect., 31 oct. 2013, Com 1 SARL c. Stock Auto SARL et al., 12/08098 (M20130703 ; PIBD 2014, 999, III-120 ; Propr. industr., mars 2014, p. 37, note de P. Tréfigny ; RTD Com., 4, oct.-déc. 2014, p. 796, note de J. Azéma) :

« L'usage, par un tiers qui n'y a pas été autorisé, d'une dénomination sociale, d'un nom commercial ou d'une enseigne identique à une marque antérieure, dans le cadre d'une activité de commercialisation de produits identiques à ceux pour lesquels cette marque a été enregistrée, constitue un usage que le titulaire de ladite marque est habilité à interdire s'il s'agit d'un usage pour des produits qui porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque.

Or, en l'espèce, si la société STOCK AUTO a fait l'usage de sa dénomination sociale STOCK AUTO, cet usage s'est limité à identifier sa société en indiquant son nom suivi de son adresse soit sur les autocollants du véhicule de la société (pièce 8), soit sur les annonces internet (pièces 17,20 et 21). La société STOCK AUTO ne s'en n'est pas servi "pour des produits ou des services", mais fait expressément référence aux marques des véhicules à vendre comme par exemple BMW ou Volkswagen.

L'usage de son nom par le défendeur a donc été fait conformément aux usages honnêtes en matière industrielle ou commerciale. » ;

- CA Paris, pôle 5, 2e ch., 26 oct. 2012, GES Logistics SAS et al. c. AAC Globe Express SARL, 12/04504 (M20120519 – Cassation :  Cass. com., 24 juin 2014, 13-15.565, M20140409, PIBD 2014, 1013, III-738, Propr. intell., 54, janv. 2015, p. 90, note d'A. Bouvel) :

« Une dénomination sociale, un nom commercial, une enseigne ou un nom de domaine n'a pas, en soi, pour finalité de distinguer des produits ou des services mais d'identifier une société ou un fonds de commerce.

Il incombe, dès lors, à celui qui agit en contrefaçon de rapporter la preuve qu'un tel signe, utilisé à titre de marque dans les relations avec la clientèle, désigne directement ou indirectement des produits ou des services identiques aux siens et que cet usage peut porter atteinte à sa marque. […]

Dès lors, et plus généralement, preuve n'est pas rapportée par la société AAC Globe Express que l'usage de la dénomination sociale ou d'une partie de celle-ci par la société Globe Express Services Ltd désigne directement des produits ou des services identiques aux siens ou puisse indirectement porter atteinte aux services spécifiques couverts par la marque semi-figurative déposée Globe Express» ;

- CA Angers, ch. com., 21 juin 2011, NP Créations SAS c. Puissance 3 SAS, 10/00214 (M20110370 ; PIBD 2011, 947, III-580) :

« L'appelante […] se fonde sur un arrêt de la CJCE du 11 septembre 2007 pour soutenir que l'usage d'un nom commercial ou d'une enseigne n'est pas susceptible de caractériser la contrefaçon. Cependant, c'est à juste titre que les intimées rétorquent que l'appelante fait une lecture tronquée de cette décision, laquelle, si elle précise qu'une dénomination sociale, un nom commercial ou une enseigne n'a pas, en soi, pour finalité de distinguer des produits ou services mais une société ou un fonds de commerce, et que dès lors, cet usage ne saurait être considéré comme étant fait "pour des produits ou des services" au sens de l'article 5.1 de la directive du 21 décembre 1988, ajoute qu'il en va différemment "si le tiers utilise ce signe de telle façon qu'il s'établit un lien entre le signe constituant la dénomination sociale, le nom commercial ou l'enseigne et les produits commercialisés ou les services fournis par ce tiers". Le risque de confusion dans l'esprit du public est indéniable en l'espèce dans la mesure où l'appelante a commercialisé ses produits sous la marque Neyrat Peyronnie dans le cadre du contrat de licence et, avant elle, la société Neyrat Peyronnie SAS. Elle ne peut donc sérieusement nier que le maintien de l'enseigne laissait subsister le lien avec les produits commercialisés par elle à compter du 1er janvier 2009, même si la marque Neyrat Peyronnie n'était plus apposée sur ceux‑ci. » ;

- TGI Paris, 3e ch., 3e sect., 28 janv. 2011, Acofarma Distribucion SA c. Laboratoire Acofarma SARL, 10/07975 (M20110120 ; PIBD 2011, 938, III-285) :

« Il est constant qu'une dénomination sociale a pour objet d'identifier une société. Dès lors, lorsque l'usage d'une dénomination sociale se limite à identifier une société, il ne saurait être considéré comme étant fait pour des produits au sens de l'article 5 paragraphe 1 de la directive du 89/104/CEE du Conseil du 21 décembre 1988. En revanche, il y a usage pour des produits au sens de l'article 5 susvisé lorsqu'un tiers appose le signe constituant sa dénomination sociale sur les produits qu'il commercialise, ou encore, même en l'absence d'apposition, il y a usage pour des produits, au sens de ladite disposition, lorsque le tiers utilise ledit signe de telle façon qu'il s'établit un lien entre le signe constituant la dénomination sociale du tiers et les produits commercialisés par ce tiers.

En l'espèce, la société demanderesse reproche à la société défenderesse d'avoir pour dénomination sociale le signe LABORATOIRE ARCOFARMA. Elle ne lui reproche aucun autre usage, et l'extrait de site internet qu'elle reproduit dans ses conclusions à l'adresse http://argana.fr, porte la mention "argana" et indique "contact LABORATOIRE ARCOFAMA" suivi de l'adresse, qui ne saurait constituer un usage à titre de marque mais uniquement à titre de dénomination sociale de ce signe. L'utilisation du signe LABORATOIRE ARCOFARMA, comme dénomination sociale, ne suffit pas à établir un lien entre ce signe et les produits vendus. » ;

- TGI Paris, 3e ch., 4e sect., 28 oct. 2010, Parquets Briatte SAS c. Dinabazar SARL, 09/10842 (M20100674) :

« La société défenderesse fait néanmoins valoir qu'elle utilise le signe DINASOL comme enseigne et nom commercial et qu'elle n'en fait pas un usage à titre de marque puisqu'elle ne l'appose pas sur les produits qu'elle commercialise.

Néanmoins, l'usage à titre de marque ne se limite pas à l'apposition du signe sur le produit mais résulte de toute exploitation qui porte atteinte à la fonction d'identification d'origine de celle-ci.

Or l'association des mots DINASOL et parquet telle qu'elle apparaît sur le site Internet de la défenderesse conduit nécessairement le consommateur à considérer ces termes comme une indication d'origine des revêtements de sol en cause.

Par ailleurs la confusion que l'usage du signe DINASOL engendre avec les produits commercialisés par la société parquets Briatte ne permet pas de retenir que cet usage est conforme aux usages honnêtes en matière industrielle et commerciale.

Ainsi, il résulte de ces éléments que l'identité ou la similarité des produits concernés, allié à la très forte similitude des signes en cause pris dans leur ensemble, entraîne un risque de confusion, susceptible de conduire le consommateur à attribuer aux produits proposés une origine commune, qu'en conséquence, l'adoption de DINASOL à titre de nom commercial et d'enseigne puis de marque, sans le consentement de la société Parquets Briatte, pour commercialiser des produits identiques ou similaires pour lesquels la marque revendiquée est enregistrée, outre qu'elle s'inscrit dans la vie des affaires, porte atteinte à la fonction essentielle de la marque "DYNASOL", qui est de garantir au consommateur l'origine des produits en cause. » ;

- CA Nancy, 1re ch. civ., 6 avr. 2010, Céline SARL c. Céline SA, 05/01983 (M20100148 ; PIBD 2010, 918, III-315 ; Gaz Pal, 169-170, 18-19 juin 2010, p. 39, note d'E. Hoffman – Rejet du pourvoi : Cass. com., 7 juin 2011, 10-20.655, M20110353) :

« Dans le cas d'espèce, il est avéré qu'en exploitant et en identifiant le fonds de commerce sous le nom commercial "Céline", et en adoptant ce même prénom comme dénomination sociale, la SARL Céline en fait usage dans la vie des affaires, c'est-à-dire dans le cadre d'une activité économique. Aucun consentement, lequel doit être sans équivoque, n'est démontré à l'encontre du titulaire de la marque. […]

A l'examen de ces pièces, il apparaît que pour annoncer le prix des produits offerts à la vente, la SARL Céline, pour chaque article en vitrine, appose une étiquette sur laquelle est mentionné le signe "Céline" avec les mêmes caractères que ceux de l'enseigne identifiant les locaux dans lequel la boutique est exploitée. En second lieu, les sacs dans lesquels les achats sont remis aux clients sont revêtus du même signe, auquel est accolée l'adresse de la boutique. Et en troisième lieu, par la production d'une facture du 25 octobre 2007, relative à l'achat d'une jupe, il est établi que le même signe est apposé sur les papiers commerciaux.

Il est ainsi avéré, même si le signe "Céline" n'est, dans aucun de ces cas directement apposé sur les produits commercialisés par la SARL Céline, que celle‑ci fait usage de ce signe, non seulement pour identifier la personne morale exploitante du fonds de commerce, et pour faire connaître la localisation de ce fonds, mais aussi pour distinguer et individualiser des produits qu'elle commercialise. Un tel usage porte incontestablement atteinte à la fonction essentielle de la marque, qui est de garantir, sans aucune confusion possible, l'origine du produit. Est à cet égard sans emport le simple fait que la SA Céline et la SARL Céline soient actuellement positionnés sur des marchés différents, à savoir le commerce de luxe pour la première et le prêt‑à‑porter courant pour la seconde, dès lors que toutes deux commercialisent des produits identiques par leur destination, c'est-à-dire l'habillement, et que le consommateur d'attention moyenne, compte tenu de la notoriété de la marque 'Céline', est ainsi susceptible d'être induit en erreur en imaginant qu'il existe entre elles des liens tels que les produits proposés par elles à la vente ont une origine commune. ».

[1] Cf. point 34 (concernant les atteintes aux fonctions de la marque, avec les références des arrêts antérieurs de la Cour de justice) de la CJUE, 2e ch., 25 juill. 2018, Mitsubishi Shoji Kaisha Ltd, C-129/17 (M20180285 ; PIBD 2018, 1101, III-585).

[2] Cf. Cass. com., 13 oct. 2021, Wolfberger - Cave Coopérative Vinicole d' Eguisheim SCA c. Cécile A et al., 19-20.504 (M20210238 ; PIBD 2021, 1172, III-2 ; D IP/IT, nov. 2021, p. 537, note de N. Maximin ; RJDA, août-sept. 2022, p. 727, note ; RTD Com, 2, avr.-juin 2022, p. 249, note de J. Passa). Voir également : Cass. com., 13 oct. 2021, Compagnie Méditerranéenne des Cafés SA c. Cafés Richard SA et al., 19-20.959 (B20210070 ; PIBD 2021, 1170, III-2 avec une note de S. Lepoutre ; Propr. industr., févr. 2022, comm. 10, p. 60, P. Tréfigny ; Légipresse, 399, janv. 2022, p. 42, note de Y. Basire et V. Mauriac ; D IP/IT, mars 2022, p. 148, note d’I. Hegedus).