Action en contrefaçon d’un brevet européen - Procédure abusive - Volonté de déstabiliser un concurrent - Connaissance de cause - Professionnel averti - Pourparlers antérieurs entre les parties - Action pendante en nullité du brevet
A légalement justifié sa décision, au regard de l’article 1240 du Code civil, la cour d’appel qui a condamné les sociétés poursuivies, co-titulaires d’un brevet européen issu d’une demande PCT, à des dommages-intérêts pour avoir agi abusivement en contrefaçon.
Elle a relevé que, suite à une action en nullité intentée auparavant par la société demanderesse dans une autre instance, le brevet a été annulé rétroactivement pour extension de l'objet de la revendication 1 au-delà de la demande initiale, cet ajout qui ne figurait pas dans la demande internationale n’ayant pu échapper aux sociétés défenderesses, professionnelles du secteur concerné. Elle a également retenu qu’antérieurement à cette procédure en nullité, des pourparlers avaient été engagés entre les parties, au cours desquels la société demanderesse avait exposé son argumentation relative à la nullité du brevet et prévenu les sociétés défenderesses qu'en cas d'engagement d'une procédure en contrefaçon à son encontre, elle demanderait l'annulation de leur brevet.
Il en ressort que l'action en contrefaçon formée par les sociétés poursuivies, après que la société demanderesse, qui avait été mise en demeure, a intenté l'action en nullité du brevet, alors même qu'elles avaient procédé à une extension de la revendication dans un but contestable et qu’elles connaissaient la fragilité de cette dernière - connaissance confortée par les pourparlers entre les parties -, ne s'expliquait que par la volonté de persister à perturber déloyalement un concurrent. La cour d'appel a pu, par ces seuls motifs, estimer que ces sociétés avaient fait dégénérer en abus leur droit d'agir en justice.
Cour de cassation, ch. com., 26 janvier 2022, 20-16.425 (B20220014)[1]
San-Ei Gen FFI Inc. et Glyn O. Phillips-San Ei Gen Hydrocolloids Research Ltd c. Nexira SASU
(Rejet pourvoi c. CA Rouen, ch. civ. et com., 12 mars 2020, 18/00137 ; B20200013)
[1] Voir également un arrêt récent de la cour d’appel de Paris ayant condamné le titulaire d’un brevet à verser des dommages-intérêts au titre de l’abus du droit d’agir en contrefaçon : CA Paris, pôle 5, 1re ch., 9 nov. 2021, Fiprofil SARL c. Jean-Christian C et al., 18/23261 (B20210081 ; PIBD 2022, 1178, III-2).