Jurisprudence
Marques

Nullité de la marque GANG BANG A PARIS pour contrariété à l’ordre public ou aux bonnes mœurs - Usage légalement interdit

PIBD 1150-III-6
Décision INPI, 10 novembre 2020

Validité de la marque (non) - Contrariété à l'ordre public ou aux bonnes mœurs - Usage légalement interdit - Tromperie sur la provenance géographique (non)

Texte
Marque GANG BANG A PARIS n° 3 859 576
Texte

La marque GANG BANG A PARIS est annulée pour contrariété à l’ordre public ou aux bonnes mœurs1, notamment en ce qu’elle est composée pour partie d’un signe dont l’utilisation est légalement interdite. En effet, les dispositions de l’article 227-24 du Code pénal en vigueur au jour du dépôt, interdisent la diffusion « d’un message à caractère violent ou pornographique ou de nature à porter gravement atteinte à la dignité humaine ou à inciter des mineurs à se livrer à des jeux les mettant physiquement en danger ».

L’expression « gang bang » relève du vocabulaire pornographique et renvoie à une pratique sexuelle susceptible de dégager une image violente et dégradante. Or, il est constant que les expressions grossières et vulgaires provenant du domaine sexuel, à plus forte raison lorsqu’il s’agit comme en l’espèce du domaine pornographique, constituent pour les consommateurs moyens des termes indécents, obscènes et répulsifs.  

Les produits d’habillement visés par la marque sont des produits de consommation courante à destination d’un très large public, notamment composé de mineurs susceptibles de chercher à comprendre le sens de ce signe. Il en va de même concernant les services couverts par la marque, s’agissant notamment de services de formation ou de divertissement. À l’égard de ce large public, le signe apparaît de nature à choquer toute personne ayant des seuils moyens de sensibilité et de tolérance, et son utilisation est susceptible de diffuser un message à caractère pornographique auprès du public et notamment des mineurs, en violation des dispositions pénales précitées.  

En revanche, le motif de nullité de la marque fondé sur son caractère trompeur est rejeté. L’expression « à Paris » ne peut être appréhendée par le public pertinent que comme une référence au lieu de réalisation de ce gang bang et non comme une indication quant à la provenance géographique des produits et services visés, et ce peu important la réputation et la notoriété de cette ville.

Décision INPI, 10 novembre 2020, NL20-00242
Y c. X

1Pour un panorama des décisions françaises relatives à une marque contraire à l’ordre public, voir la note de M. Bigoy parue sous l’arrêt du tribunal de l’Union européenne concernant la demande d’enregistrement de la marque figurative de l’UE CANNABIS STORE AMSTERDAM (TUE, 7e ch., 12 déc. 2019, Santa C c. EUIPO, T-683/18 ; M20190337 ; PIBD 2020, 1131, III-58 ; D, 8, 5 mars 2020, p. 453, note de J.-P. Clavier ; Propr. industr., mars 2020, p. 50, note d'A. Folliard-Monguiral). Voir également les décisions communautaires suivantes : TUE, 9e ch., 15 mars 2018, La Mafia Franchise SL c. EUIPO et al., T‑1/17 (M20180124 ; PIBD 2018, 1094, III-336 avec une note de S. Lepoutre ; D IP/IT, avr. 2018, p. 209, note de N. Maximin ; Propr. industr., mai 2018, p. 51, note d'A. Folliard-Monguiral ; Propr. intell., 67, avr. 2018, p. 74, note de Y. Basire ; L'Essentiel, mai 2018, p. 5, note de J.-P. Clavier) ; TUE, 4e ch., 11 oct. 2017, Osho Lotus Commune eV c. OHMI et al., T‑670/15 ; TUE, 3e ch., 5 oct. 2011, Paki Logistics GmbH c. OHMI et al., T‑526/09 ; TUE, 4e ch., 20 sept. 2011, Couture Tech Ltd c. OHMI, T‑232/10.

Concernant les rares décisions communautaires et françaises relatives à une marque contraire aux bonnes mœurs, voir la note de S. Lepoutre parue sous l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne relatif à la demande d’enregistrement de la marque de l’UE Fack Ju Göhte (CJUE, 5e ch., 27 févr . 2020, Constantin Film Produktion GmbH c. EUIPO, C-240/18 P ; M20200054 ; PIBD 2020, 1134, III-2 ; D. IP/IT, mars 2020, p. 143 ; Comm. com. électr., avr. 2020, repère 4, note de C. Caron ; Europe, avr. 2020, note de D. Simon ; Propr. industr., avr. 2020, comm. d’A. Folliard-Monguiral ; Comm. com. électr., juin 2020, comm. de P. Kamina ; RTD com, 2, avr.-juin 2020, p. 330, note de J. Passa ; L'Essentiel, mai 2020, note de S. Chatry).

2Il s’agit de la première décision du directeur général de l’INPI statuant sur une demande en nullité de marque fondée sur un motif absolu de refus depuis l’entrée en vigueur de cette nouvelle procédure résultant de l’Ordonnance n°2019-1169 du 13 novembre 2019. Cette décision n’a pas encore fait l’objet d’un recours, lequel est susceptible d’être porté ultérieurement à notre connaissance. Voir également dans le présent PIBD, l’une des premières décisions du directeur général de l’INPI statuant sur une demande en nullité de marque fondée sur un motif relatif de refus (III-5).