Recevabilité de l’action en contrefaçon (oui) - Qualité pour agir - Cessions successives - Inscription au RNB - Opposabilité de la cession du brevet
Validité du brevet européen (non) - Description suffisante
La société demanderesse a qualité à agir en contrefaçon de la partie française du brevet européen dont elle est cessionnaire. L'article L. 613-9 du CPI prévoit que tous les actes transmettant ou modifiant les droits attachés à un brevet doivent être inscrits au Registre national des brevets pour être opposables aux tiers. En l’espèce, le cédant a fait inscrire un acte de cession auquel était partie la société initialement détentrice des droits, et non les trois véritables actes de transmission successifs de la partie française du brevet litigieux (apport des droits, transfert du patrimoine par absorption, cession). Si la chaîne de transmission des droits n’a pas été inscrite, sa qualité de titulaire des droits sur la partie française du brevet était réelle et l’acte de cession inscrit ne révèle pas une appropriation frauduleuse de cette qualité au préjudice d'un tiers. Il a donc pu céder ses droits à la société demanderesse qui n’était pas impliquée dans cette inscription antérieure. L’acte de cession de ses droits régulièrement publié rend les droits dont la société demanderesse se prévaut à l'appui de sa demande en contrefaçon opposable aux tiers.
Le brevet européen relatif à une soupape d’injection est insuffisamment décrit et doit être annulé. Le brevet prévoit notamment des interstices entre différents éléments (aiguille d’injection, carter d’injecteur, pistons primaires et secondaires) afin de garantir un équilibre de température et la position de base de l’injecteur. Or, il existe des contradictions1 entre la revendication 1 et la partie descriptive du brevet quant au nombre et à l'emplacement de ces interstices, qui ne s'expliquent pas par un mode alternatif ou préférentiel. De même, alors qu'il est prévu dans la partie caractérisante de la revendication 1 qu'au travers de ces interstices puisse se produire une faible fuite ayant pour effet que la chambre de travail est toujours remplie de fluide, la partie descriptive du brevet ne l’évoque à aucun moment. La revendication principale ne précise pas davantage si chaque interstice doit permettre une faible fuite ou s'il suffit que l'ensemble des interstices produise cet effet, ce qui révèle aussi l’imprécision du brevet. Ainsi, l'homme du métier ne pourra pas, même en s'aidant de ses connaissances générales, réaliser l'invention dans l'intégralité du domaine revendiqué sans déployer des efforts excessifs, ni faire preuve d'esprit inventif, s'agissant notamment de la dimension à donner aux interstices du fait des imprécisions quant à leur fonction technique.
Cour d'appel de Paris, pôle 5, 1re ch., 4 février 2020, 2017/09829 (B20200006)
Papst Licensing GmbH & Co. KG c. Robert Bosch GmbH, Bosch Sanayi Ve Ticaret A.S., Peugeot Citroën Automobiles SA et al.
(Confirmation TGI Paris, 3e ch., 3e sect., 10 mars 2017, 2014/16022, B20170055)
1 Sur la contradiction entre la revendication principale et la description du brevet entraînant une insuffisance de description, voir TJ Paris, 3e ch., 3e sect., 10 janv. 2020, Northstone (NI) Limited c. S.E.M.A.P. SAS et al., 2016/04839, B20200004 ; PIBD 2020, 1135, III-1.