Jurisprudence
Brèves de jurisprudence

Panorama en matière de marques et de dessins et modèles

PIBD 1232-III-5
Titre
MARQUES
Texte


Opposition à enregistrement - Similarité des produits - Diversification - Similitude des signes - Risque de confusion

Marque n° 000 256 347 de la société Imperial
Marque n° 012 521 761 de la société Imperial
Marque n° 4 727 152 de M. [X] [T]

La société titulaire des marques antérieures verbale IMPERIAL et complexe IMP IMPERIAL FASHION, enregistrées pour des vêtements, a formé opposition à l’enregistrement de la marque verbale BY IMPERIAL, désignant les cosmétiques, la joaillerie et les vêtements. La décision de l'INPI est partiellement annulée. Contrairement à ce qu'il retenu pour rejeter l’opposition s’agissant des vêtements, les signes sont similaires. En effet, ils ont des ressemblances visuelle, phonétique et intellectuelle et si le terme « impérial » peut être évocateur de produits de qualité pour le consommateur, il n’en demeure pas moins distinctif à l’égard des articles vestimentaires et de nature à retenir l’attention du consommateur. En outre, rien n’établit que ce terme soit d’usage courant dans le domaine du vêtement. En revanche, la décision d’opposition est confirmée en ce qu’elle a considéré que les produits d’habillement désignés par les marques antérieures et les produits de cosmétiques ou de bijouterie visés par la demande d’enregistrement sont différents. En effet, ils diffèrent par leur nature, destination, lieux de fabrication et circuits de distribution. De même, la joaillerie et les coffrets à bijoux ne sont pas complémentaires des articles vestimentaires, quand bien même les bijoux peuvent permettre l'embellissement de la personne. La circonstance que certains fabricants de prêt-à-porter ont diversifié leur activité en commercialisant également des produits de parfumerie et des bijoux est indifférente, cette pratique n’étant pas répandue et le plus souvent adoptée par des entreprises exploitant des marques connues. Malgré la proximité des signes en présence, il n’y a donc pas pour ces produits de risque de confusion entre les marques dans l'esprit du public concerné, celui-ci ne pouvant les attribuer à une même origine.

CA Paris, pôle 5, 2e ch., 14 juin 2024, Imperial SpA c. INPI et al., 23/08676 (M20240160)1
(Annulation partielle décision INPI, 7 févr. 2023, OP21/1710 ; O20211710)

1 Sur la question de la diversification dans le domaine de la mode et  de la similarité entre les parfums et les cosmétiques d’une part, et les vêtements d’autre part, v. notamment : CA Paris, pôle 5, 1ere ch., 14 sept. 2022, Cartier International AG. SA et INPI c. Nahel M., 21/18068 (M20220251 ; PIBD 2022, 1191-III-5), TJ Paris, 3e ch., 3e sect., 5 avril 2022, Sun Consulting SARL et M. Y W c. H&M Hennes & Mauritz LP et al., 20/12763 (M20220165 ; PIBD 2022, 1187-III-5) et les décisions citées dans la note de M. Bigoy sous : CA Aix-en-Provence, ch. 3-1, 23 sept. 2021, Catherine S c. INPI et al., 20/06088 (M20210209 ; PIBD 2021, 1171-III-3).
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Mesures provisoires (oui) - Atteinte vraisemblable aux marques et aux propriétés olympiques - Parasitisme

 

Marque n° 002 970 366 du Comité International Olympique (CIO)
Marque n° 018 808 689 du Comité International Olympique (CIO)
Marque n° 4 693 482 du Comité d'organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques (COJO)

La société chinoise défenderesse, ancien partenaire officiel des JO de Pékin 2022, a lancé en juin 2024 une opération de marketing dans les rues de Paris, relayée sur ses réseaux sociaux, pour promouvoir notamment les produits laitiers. Dans ce cadre, la marque de l’UE appartenant au Comité International Olympique (CIO) constituée des anneaux olympiques en cinq couleurs a été reproduite sur des bus. La défenderesse a également utilisé sans autorisation deux signes figuratifs présentant des similitudes avec des marques appartenant au CIO et au Comité d’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques (COJO), constituées d’emblèmes des JO de Paris 2024, pour promouvoir des produits et services identiques à ceux couverts par ces marques. Il existe ainsi un risque de confusion entre les signes et la vraisemblance de la contrefaçon des marques olympiques est établie. La défenderesse a également diffusé sur ses réseaux sociaux des affiches imitant les codes visuels de l'affiche officielle des JO de Paris 2024, ainsi que des publications reprenant notamment l’emblème officiel des JO de Paris 2024 composé d'un dessin Marianne, des termes « Paris 2024 » et des anneaux olympiques, ce qui constitue des atteintes vraisemblables aux propriétés olympiques1. Enfin, le choix de faire défiler des bus reproduisant les anneaux olympiques à Paris pendant la période des JO de Paris 2024, en dehors de tout accord commercial avec le CIO ou le COJO, relève du parasitisme. La présentation de mascottes sur les réseaux sociaux de la défenderesse, avec comme fond la reprise des logos reproduisant les propriétés olympiques et l’exposition de ces mascottes devant des monuments historiques démontrent également sa volonté de se placer dans le sillage des JO de Paris 2024 et de bénéficier de leur notoriété sans bourse délier.

TJ Paris, ord. réf., 8 août 2024, Comité International Olympique (CIO) et al. c. Inner Mongolia Yili Industrial Group Co. Ltd, 24/55463 (M20240186)

1 Sur des atteintes aux propriétés olympiques et aux termes « Jeux Olympiques », voir également : TJ Paris, ord. réf., 7 août 2024, Comité d’Organisation des Jeux Olympiques et paralympiques (COJO) c. Eleven SAS, 24/55367 (commercialisation dans une collection intitulée « JO » ou « Jeux olympiques » de tee-shirts avec cinq cœurs entrelacés reprenant les couleurs des anneaux olympiques assortis pour l’un d’eux d’un slogan reprenant les mots « Jeux Olympiques » en anglais) ; TJ Paris, ord. réf., 19 août 2024, Comité d’Organisation des Jeux Olympiques et paralympiques (COJO) c. Lyca Mobile SARL, 24/55487 (usage sur un site internet des signes « promo olympiques » et « Olympic Deals » pour désigner des forfaits téléphoniques et reproduction des anneaux olympiques et d’emblèmes des JO de Paris 2024).
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Contrefaçon des marques de l’UE (oui) - Offre à la vente sur Internet - Épuisement des droits (non)

Marque n° 012 849 361 de la société Europe Watch Group II
Marque n° 015 833 858 de la société Europe Watch Group II

Une société spécialisée dans la fabrication et la commercialisation de montres, ainsi que sa licenciée, ont assigné les sociétés d’un même groupe en contrefaçon des marques de l’Union européenne CLUSE. Elle leur reproche d'avoir vendu des montres revêtues de ces marques sur les places de marché en ligne du groupe. Les procès-verbaux de constat invoqués à l’appui des demandes sont annulés en raison d’une atteinte au principe de loyauté dans l’administration de la preuve. En effet, l’huissier, assisté de tiers liés aux sociétés demanderesses, les a laissés exécuter eux-mêmes les opérations de constat portant sur l'ouverture d'un colis contenant une montre, dont la provenance ne peut, en outre, être prouvée. Il est cependant acquis que les marques CLUSE sont reproduites dans le titre d’annonces publiées sur les plateformes numériques du groupe, ainsi que sur les photographies des montres proposées à la vente. L’exception de l’épuisement des droits ne peut pas être retenue. Les sociétés défenderesses ne démontrent pas, en effet, que ces montres, qui proviennent de grossistes situés en Lituanie, en Espagne, en Croatie, en Belgique et au Royaume-Uni, ont été mises sur le marché de l’Espace économique européen par le titulaire des marques ou avec son consentement. La société défenderesse qui a elle-même mis en vente les produits litigieux sur les plateformes a commis des actes de contrefaçon. Il en est de même pour les sociétés qui ont distribué ces produits. En revanche, les autres sociétés défenderesses, dont le rôle ne dépassait pas celui d’assistant à des vendeurs tiers ou celui de support marketing, administratif, juridique, financier et technique, ne voient pas leur responsabilité engagée.

TJ Paris, 3e ch., 1re sect., 30 mai 2024, Europe Watch Group II BV et al. c. Amazon EU SARL et al., 21/06232 (M20240136)

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Déchéance de la marque pour dégénérescence (oui) - Marque devenue usuelle (oui) - Défense du titre insuffisante

Marque n° 637 036 de la société Volys Star NV

La société titulaire de la partie française de l’enregistrement international portant sur le signe LARDINETTES, qui désigne des « allumettes au dindonneau », est déchue de ses droits. En effet, la marque est devenue dans le commerce la désignation usuelle de ces produits sur le territoire français. La preuve est rapportée que le terme « Lardinettes » est fréquemment utilisé, depuis plusieurs années, sous une forme générique, au singulier comme au pluriel, pour désigner non pas une marque mais des allumettes de volaille, cette utilisation générique étant le fait tant du grand public que des professionnels (concurrents, distributeurs, restaurateurs…). À cet égard, les extraits de blog culinaire produits consistent bien en des usages dans le commerce, dès lors qu’ils comportent le plus souvent des liens publicitaires pour l’achat de produits. Par ailleurs, les actions défensives menées par la titulaire (envoi de trois lettres de mise en demeure, opposition à l’enregistrement d’une marque de l’UE), sur une période de quinze ans, sont très peu nombreuses et insuffisantes à démontrer qu’elle a lutté activement contre la dégénérescence de sa marque.

Décision INPI, 14 mai 2024, Amalric SASU c. Volys Star NV, DC 23-0098 (DC20230098)1

1 Voir également la décision publiée au présent PIBD qui fait droit à la demande en déchéance des droits sur la partie française de l’enregistrement international portant sur le signe verbal PIADINA au motif que la marque est devenue, du fait de son titulaire, usuelle pour désigner les « produits à base de céréales, en particulier galettes de pâte avec ou sans garniture » (Décision INPI, 15 mai 2024, Consorzio di Promozione e Tutela della Piadina Romagnola IGP c. Renzi AG, DC 23-0028 ; DC20230028).
 
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Titre
DESSINS ET MODELES
Texte

Protection par le droit d’auteur (non) - Validité du DMCNE (oui) - Contrefaçon (non)

Les cahiers invoqués, dont la couverture est parfaitement identique aux pages intérieures, ne constituent pas des œuvres originales protégeables au titre du droit d’auteur. Si l’unique caractéristique revendiquée n’est pas courante, il reste que l’apparence des pages d’un cahier est largement normalisée. Les couvertures des cahiers invoqués sont couvertes de lignes horizontales ou de petits carreaux, ce qui correspond à des repères traditionnellement utilisés en papeterie sur les pages intérieures. La représentation de tels motifs sur la couverture ne saurait donc révéler un effort créatif concrétisé par une apparence singulière qui viendrait révéler l’empreinte de la personnalité de son auteur, mais tout au plus une idée de présentation. En revanche, la validité du modèle communautaire non enregistré également invoqué, portant sur les mêmes cahiers comportant, sur toute leur surface, des lignes horizontales pâles espacées de 8 mm les unes des autres ou des petits carreaux pâles de 5 mm de côté est retenue. Les antériorités citées (cahier sans couverture avec pages unies, bloc-note sans couverture avec des lignes espacées de 8 mm, un en-tête vierge et un trait vertical matérialisant une marge), commercialisées par la société défenderesse avant la divulgation du modèle, ne sont pas destructrices de nouveauté. De plus, compte tenu de la liberté de création importante dans ce secteur, ces cahiers produisent sur l’utilisateur averti, à savoir le consommateur d’articles de papeterie soucieux des détails, une impression visuelle différente de celle du modèle invoqué, lequel présente donc un caractère individuel. La contrefaçon de ce modèle n’est toutefois pas caractérisée en l’absence de copie. 

TJ Paris, 3e ch., 2e sect., 5 juill. 2024, Soumkine SAS et al. c. Ryohin Keikaku France SAS et al., 21/06165 (D20240045)

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