Jurisprudence
Marques

Droit pour le titulaire d'une marque déchu de ses droits de se prévaloir d’une atteinte à ceux-ci du fait d’actes de contrefaçon antérieurs à la déchéance

PIBD 1150-III-3
Cass. com., 4 novembre 2020

Contrefaçon de marque - Droit de l'UE - Imitation - Déchéance des droits sur la marque invoquée - Faits antérieurs à la date d’effet de la déchéance

Texte
Marque n° 3 395 502 de Laurent B
Texte

En réponse à la question préjudicielle posée par la Cour de cassation, la CJUE, par un arrêt du 26 mars 20201, a dit pour droit que l'article 5, §1, b), l'article 10, §1, premier alinéa, et l'article 12, §1, premier alinéa, de la directive 2008/95/CE, lus conjointement avec le considérant 6 de celle-ci, doivent être interprétés en ce sens qu'ils laissent aux États membres la faculté de permettre que le titulaire d'une marque déchu de ses droits à l'expiration du délai de cinq ans à compter de son enregistrement pour ne pas avoir fait de cette marque un usage sérieux dans l'État membre concerné pour les produits ou les services pour lesquels elle avait été enregistrée conserve le droit de réclamer l'indemnisation du préjudice subi en raison de l'usage, par un tiers, antérieurement à la date d'effet de la déchéance, d'un signe similaire pour des produits ou des services identiques ou similaires prêtant à confusion avec sa marque.

À cet égard, la Cour de justice a précisé qu'il convenait d'apprécier, au cours de la période de cinq ans suivant l'enregistrement de la marque, l'étendue du droit exclusif conféré au titulaire, en se référant aux éléments résultant de l'enregistrement de la marque et non pas par rapport à l'usage que le titulaire a pu faire de cette marque pendant cette période.

Par conséquent, la déchéance d'une marque, prononcée en application de l'article L. 714-5 du CPI, ne produisant effet qu'à l'expiration d'une période ininterrompue de cinq ans sans usage sérieux, son titulaire est en droit de se prévaloir de l'atteinte portée à ses droits sur la marque qu'ont pu lui causer les actes de contrefaçon intervenus avant sa déchéance.

Pour rejeter la demande en contrefaçon de la marque invoquée pour la période antérieure à sa déchéance, la cour d’appel a retenu que le titulaire ne justifiait d'aucune exploitation de sa marque depuis son dépôt et en a déduit que, faute pour la marque d'avoir été mise en contact avec le consommateur, il ne pouvait arguer ni d'une atteinte à sa fonction de garantie d'origine, ni d'une atteinte portée au monopole d'exploitation conféré par ladite marque, ni encore d'une atteinte à sa fonction d'investissement. En statuant ainsi, elle a violé les articles L.713-3 b) et L. 714-5 du CPI.

Cour de cassation, ch. com., 4 novembre 2020, W/2016/28281 (M20200228)
Laurent B c. Cooper International Spirits, Établissements Gabriel Boudier SA et St Dalfour SAS
(Cassation CA Paris, pôle 5, 1re ch., 13 sept. 2016, 2015/04749 ; M20160425,
PIBD 2016, 1062, III-967 ;  Propr. intell., 63, avr. 2017, p. 66, note de J. Canlorbe)

1 CJUE, 5e ch., 26 mars 2020, AR c. Cooper International Spirits LLC, St Dalfour SAS et Établissements Gabriel Boudier SA, C-622/18 (M20200083, PIBD 2020, 1136, III-3 ; Propr. industr., 5, mai 2020, comm. 30, note de A. Folliard-Monguiral ; RTDCOM, 2, avr.-juin 2020, p. 341, note de J. Passa ; L'Essentiel, 6, juin 2020, note de F. Herpe). Cette décision fait suite à une question préjudicielle posée par la Cour de cassation dans le cadre de la présente affaire : Cass. com., 26 sept. 2018, W/2016/28287 (M20180336 ; PIBD 2018, 1103, III-657  ; L'Essentiel, 11, déc. 2018, p. 4, note de F. Herpe ; Propr. intell., 70, janv. 2019, p. 57, note de J. Canlorbe).