Plusieurs questions écrites posées ces dernières semaines à l’Assemblée nationale et au Sénat ont interrogé le gouvernement sur la protection internationale des indications géographiques de produits non agricoles1.
Sur le plan économique, les auteurs de ces questions soulignent unanimement le caractère essentiel de cette protection pour garantir l’origine des produits, lutter contre la contrefaçon, défendre et transmettre le patrimoine local et le savoir-faire, contribuer au développement rural et valoriser l’ancrage territorial des entreprises. Leur argumentation s’appuie sur le fait que douze indications géographiques de produits industriels et artisanaux ont été enregistrées à ce jour en France, représentant plus de cent cinquante entreprises et plus de trois mille emplois, pour un chiffre d’affaires de 250 millions d’euros2.
Sur le plan juridique, les parlementaires font référence à l'article 73 de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation (dite « loi Hamon »), élargissant les indications géographiques aux produits manufacturés, ainsi qu’au dépôt par la France, le 21 janvier 2021, de son instrument de ratification de l’acte de Genève de l’arrangement de Lisbonne sur les appellations d’origine et les indications géographiques3.
C'est à ce propos que les parlementaires interrogent le gouvernement : pourquoi, malgré cette ratification, la protection internationale des indications géographiques artisanales françaises n'est-elle pas possible et, d'une manière générale, comment le gouvernement entend-il les protéger au niveau mondial ?
Le 6 avril 2021, dans une réponse commune à plusieurs de ces questions écrites, le ministre de l'Économie rappelle que les indications géographiques pour les produits non agricoles ne disposent pas d’un cadre juridique européen et, qu’ « au regard de la compétence exclusive de l’Union européenne en la matière, la voie internationale de protection via le système de Lisbonne de l’OMPI n’est pas ouverte aux IG non agricoles ». Concernant cette compétence exclusive, il s'appuie sur l’arrêt de la CJUE du 25 octobre 2017 (aff. C-389/15, Parlement européen c. Conseil de l’Union européenne)4.
Par conséquent, il considère que l'adhésion de la France à l'acte de Genève ne permet pas d'enregistrer les indications industrielles et artisanales françaises auprès de l’OMPI par le biais du système de Lisbonne, « tant qu'une législation européenne en matière d'indications géographiques non agricoles n'aura pas été adoptée ». Il ajoute que c'est la raison pour laquelle « les autorités françaises soutiennent activement la généralisation du dispositif français de protection des indications géographiques au niveau européen. Cela permettrait en effet une protection au niveau international, en ouvrant également aux indications géographiques industrielles et artisanales le bénéfice de l'acte de Genève ».
1 Cf. Questions écrites :
- Assemblée nationale, n° 36088 (en attente de réponse), n° 36090, n° 36242, 9 février 2021 ; n° 36441, 16 février 2021 (en attente de réponse) ; n° 36690, 23 février 2021 ; n° 37087, 9 mars 2021 ;
- Sénat, n° 09024, 21 février 2021 (en attente de réponse) ; n° 21092, 25 février 2021 (en attente de réponse).
2 Cf. INPI, base indications géographiques ; PIBD 2020, 1148, I-1.
3 Cf. PIBD 2021, 1153, I-5.
4 Cf. Protection au niveau européen des indications géographiques pour les produits non agricoles, PIBD 2020, 1137, I-2 ; Conclusions du Conseil sur la propriété intellectuelle, PIBD 2020, 1148, IV-5 ; Plan d'action en faveur de la propriété intellectuelle, PIBD 2020, 1149, IV-6 ; André Lucas, Compétence exclusive de l'Union pour conclure des engagements internationaux en matière de propriété intellectuelle, L'Essentiel, 1, janv. 2018, p. 1.