Jurisprudence
Marques

Dépôt frauduleux de la marque semi-figurative H ROYAL CAYX - Intention de créer une confusion avec les signes d’autrui en créant l’illusion d’une appartenance commune

PIBD 1175-III-7
Décision INPI, 28 juillet 2021

Validité de la marque semi-figurative (non) - 1) Signe de nature à tromper le public - Preuve (non) - 2) Droit antérieur sur une marque verbale - Similarité des produits - Risque de confusion (non) - 3) Dépôt frauduleux (oui) - Mauvaise foi - Droit de l'UE - Connaissance de l’usage antérieur du signe - Contrat de licence - Lien de parenté avec le licencié - Volonté de contourner le contrat de licence - Volonté de créer une confusion avec le signe d’autrui

Texte
Marque n° 4 248 713 de X
Marque n° 3 619 446 de la société BOUTIQUE DU CHATEAU DE CAYX
Marque n° 3 662 506 de la société BOUTIQUE DU CHATEAU DE CAYX
Texte

Il n’est pas démontré que la marque semi-figurative H ROYAL CAYX enregistrée en classes 3 et 5 serait de nature à tromper le public sur la nature, la qualité et la provenance géographique des produits qu’elle désigne. Par ailleurs, il n’existe pas de risque de confusion avec la marque verbale antérieure CHATEAU DE CAYX, en l’absence de toute similarité établie entre les produits en présence.

Le dépôt réalisé à des fins autres que celles relevant des fonctions d’une marque est de nature à qualifier la mauvaise foi [1] du demandeur et ainsi, à vicier l’intégralité du dépôt de la marque contestée. Le contexte contractuel préexistant au dépôt de la marque contestée peut être pris en compte afin d’apprécier l’intention du titulaire au moment du dépôt.

En l’espèce, le demandeur justifie de l’existence d’un contrat de licence de marques et de relations d’affaires entre lui et une société tierce, dont le père du titulaire de la marque semi-figurative H ROYAL CAYX en est le représentant. Cet élément est de nature à établir la connaissance du titulaire de la marque contestée de l’usage antérieur, par le demandeur, de signes composés d’une couronne, de la lettre « H » en gros caractère, des termes « Royal » et « Cayx », à titre de marque ou apposés sur des étiquettes de bouteilles de vins qu’il commercialise. Cette circonstance contribue également à caractériser l’intention du défendeur de contourner les dispositions du contrat de licence, manifestant ainsi un comportement déloyal envers le demandeur.

Aussi, la reprise et la combinaison au sein de la marque contestée de ces divers éléments largement utilisés par le demandeur dans le cadre de son activité, traduit l’intention du titulaire de la marque contestée de créer une confusion avec les marques du demandeur en créant l’illusion d’une appartenance commune. La concomitance du dépôt de la marque contestée avec la conclusion d’un nouveau contrat de licence entre le demandeur et une autre société conduit également à considérer que la marque contestée a été déposée pour des fins manifestement non légitimes.

En conséquence, le titulaire de la marque contestée avait nécessairement conscience de causer un préjudice au demandeur et la marque contestée doit être déclarée nulle pour l’ensemble des produits visés dans son enregistrement en ce qu’elle a été déposée de mauvaise foi.

Décision INPI, 28 juillet 2021, NL 21-0021 (NL20210021)[2]
Boutique du Château de Cayx 
c. X.

[1] Conformément à l’adage « fraus omnia corrumpit » ainsi qu’à la jurisprudence, peut être déclaré nul l’enregistrement d’une marque déposée de mauvaise foi. À cet égard, la Cour de cassation, a pu préciser que, toute marque déposée en fraude des droits d'autrui étant nécessairement déposée de mauvaise foi, la jurisprudence française selon laquelle l'annulation d'une marque déposée en fraude des droits d'autrui peut être demandée, sur le fondement du principe « fraus omnia corrumpit » combiné avec l'article L. 712-6 du CPI, satisfait aux exigences qui découlent de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne en matière de transposition des directives sur ce motif d’annulation (Cass.com., 17 mars 2021, Technopharma Ltd c. Unilever NV et Unilever PLC, 18-19.774 ; M20210077 ; PIBD 2021, 1167, III-3 ; Légipresse, 394, juill.-août 2021, pp. 327 et 339, C. Piedoie ; RTDCom., 2, avril-juin 2021, p. 341, J. Passa). Sur la question plus large de la fraude et de la mauvaise foi, voir également l’étude de Cécile Martin, publiée dans le présent PIBD : « De la fraude à la mauvaise foi : un passage de relais ou une continuité en matière de nullité du dépôt d’une marque française », PIBD 2022, 1175, II-1.

[2] Sur le dépôt de mauvaise foi dans le cadre d’une procédure en nullité devant l’INPI, voir également : Décision INPI, 12 mars 2021, Groupe Ficade EURL c. X, NL 20-0021 (NL20200021 ; PIBD 2021,1159, III-4).