Validité du brevet européen (non) - Activité inventive - État de la technique pertinent - Domaine technique voisin - Exécution par l’homme du métier - Problème à résoudre
Les revendications 1, 2, 3, 6 et 7 de la partie française du brevet européen invoqué, portant sur un dispositif de levage pour véhicules, sont dépourvues d’activité inventive et doivent donc être annulées.
Pour apprécier l'activité inventive d'un brevet, il convient de déterminer, d'une part, l'état de la technique le plus proche, d'autre part, le problème technique à résoudre et enfin d'examiner si l'invention revendiquée aurait été évidente pour l'homme du métier. Les éléments de l'art antérieur ne sont destructeurs d'activité inventive que si, pris isolément ou associés entre eux selon une combinaison raisonnablement accessible à l'homme du métier, ils permettaient à l'évidence à ce dernier d'apporter au problème résolu par l'invention la même solution que celle-ci.
L'homme du métier est celui du domaine technique où se pose le problème que l'invention, objet du brevet, se propose de résoudre [1]. Il est néanmoins admis que l’homme du métier, spécialiste d’un domaine technique particulier, suit également, dans le cadre de son activité professionnelle normale, le développement des appareils mis en œuvre dans un domaine technique voisin du sien. Aussi, on peut attendre de l’homme du métier qu’il consulte l’état de la technique dans ce domaine si des problèmes identiques s’y posent.
En l’espèce, le domaine des colonnes de levage doit être considéré comme voisin de celui des ascenseurs, s’agissant dans les deux cas d’automates de levage, rencontrant des problèmes identiques, en particulier celui de la constitution flexible de groupes d’appareils destinés à fonctionner ensemble. L’homme du métier est un ingénieur électromécanicien ayant une formation en automation et plusieurs années d’expérience dans le domaine des appareils de levage.
Aussi, cherchant à résoudre le problème de la constitution flexible d’un groupe d’appareils destinés à fonctionner ensemble - et plus particulièrement à adapter les moyens de commande radioélectriques mettant en œuvre les principes maître-esclaves des quatre colonnes d’un brevet de l’art antérieur, aux colonnes permettant de constituer un sous-groupe de manière flexible mais reliées par un fil, d’un second brevet de l’art antérieur - cet homme du métier était fortement incité à consulter un brevet américain issu du domaine voisin des cabines d’ascenseurs. Il serait ainsi parvenu à la sélection d’appareils de levage en vue de constituer un sous-groupe d’appareils sans faire preuve d’activité inventive, par la simple transposition de l’un des aspects de ce brevet, lequel enseigne la constitution flexible de sous-groupes d’ascenseurs mettant en œuvre les mêmes principes de communication maître-esclaves entre les cabines, principes qu’au demeurant il connaît dans le domaine des colonnes de levage et qu’il est incité à mettre en œuvre.
Tribunal judiciaire de Paris, 3e ch., 3e sect., 8 mars 2022, 17/14843 (B20220044)[2]
Stertil BV et Stertil Equip VI c. Sefac SA
[1] Voir Cass. com., 20 nov. 2012, Boegli-Gravures SA c. Darsail Ltd, 11-18.440 (B20120156 ; PIBD 2013, 975, III-857).
[2] À rapprocher de CA Paris, pôle 5, 1re ch., 19 janv. 2021, I-Tek SASU c. Heughebaert Danièle et al., 18/28089 (B20210005 ; PIBD 2022, 1158-III-3).