Déchéance de la partie française des marques semi-figuratives internationales - Usage sérieux sur le territoire français - Preuve - Usage à titre de marque
Dépôt frauduleux de la marque française - Mauvaise foi - Exploitation de la marque à l'étranger - Dépôts successifs - Volonté d’exploiter la marque en France - Fonctions de la marque
La cour d’appel a jugé que le titulaire des marques internationales semi-figuratives GIORDANO était déchu de ses droits sur la partie française de celles-ci. Elle a relevé que les pièces produites, issues de son site internet, sa boutique sur un site étranger de commerce en ligne ou sur les réseaux sociaux ne démontraient pas l’usage sérieux des marques en France sur la période de référence car elles étaient postérieures, non suffisamment datées, ou non disponibles en langue française. Elle a également estimé qu'il n'était pas justifié d’un usage du signe verbal GIORDANO à titre de marque pour désigner les produits en cause, et non seulement pour désigner le groupe de société auquel le titulaire appartient. Enfin, elle a retenu qu'il n'était pas démontré que le montant revendiqué de ventes réalisées en France concerne des produits de marque GIORDANO. En l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a pu juger que l'usage sérieux exigé par l'article L. 714-5 du CPI n'était pas démontré.
La cour d’appel a également rejeté la demande reconventionnelle en annulation de la marque française GIORDANO, pour dépôt frauduleux. Elle a retenu que son titulaire avait un intérêt à vouloir protéger, par le dépôt d'une marque valide en France, le signe « Giordano », qu'il utilisait dans les autres pays européens et que le seul fait qu'il ait laissé déchoir la partie française de l’une de ses marques internationales ne lui interdisait pas, vingt-cinq ans plus tard, de protéger ce signe en France, pour pénétrer ce territoire. Elle a également estimé que le titulaire était en droit de privilégier le dépôt d'une marque française et d'abandonner, une fois celle-ci obtenue, la partie française d’une autre marque internationale. En l'état de ces appréciations, faisant ressortir que l'intention du titulaire était d'exploiter sa marque en France conformément aux fonctions d'une marque, la cour d'appel a légalement justifié sa décision.
Cour de cassation, ch. com., 19 octobre 2022, 20-12.574 (M20220271) [1]
Giordano (Hong Kong) Germany GmbH (anciennement dénommée Bluestar Exchange Germany GmbH, Allemagne) c. Verweij Fashion BV
(Rejet pourvoi c. CA Paris, pôle 5, 2e ch., 14 juin 2019, 17/21171 ; M20190169, PIBD 2019, 1123, III-427 (brève))
[1] La société Verweij Fashion B.V. et le groupe Giordano, opérant tous deux dans le secteur des vêtements, de l’habillement et de la chapellerie, se sont affrontés à plusieurs reprises devant les tribunaux français au sujet de la déchéance de marques GIORDANO dont ils sont respectivement titulaires. Dans une première affaire, le tribunal de grande instance de Paris a estimé que la société de droit néerlandais Verweij Fashion B.V. était dépourvue d'intérêt à agir en déchéance de la marque française GIORDANO n° 3 766 391 de la société de droit malaisien Giordano Enterprises Limited, car elle ne justifiait, à la date de l'assignation, d'aucun projet de développement de son implantation en France (TGI Paris, 3e ch., 3e sect., 7 sept. 2018, 16/02427). La cour d’appel de Paris a partiellement confirmé ce jugement. Elle a considéré qu’il ne saurait être exigé de la société Verweij Fashion B.V. qu’elle rapporte la preuve de ce qu’elle était déjà présente sur le marché français ou de ce qu’elle était concrètement engagée dans des actes préparatoires à une introduction dans ce marché. Elle a en revanche jugé que l’action en déchéance était irrecevable car intentée prématurément, la marque française issue d’une demande d’enregistrement de marque de l'Union européenne ayant été publiée au BOPI moins de cinq ans avant la date de l’assignation (CA Paris, pôle 5, 2e ch., 29 oct. 2021, 19/03575 ; M20210249 ; PIBD 2021, 1172, III-4). Dans une autre affaire opposant les mêmes parties et concernant la même marque, le tribunal de grande instance de Paris a jugé que la société Verweij Fashion B.V. justifiait d’un intérêt à agir et a prononcé la déchéance de la marque française GIORDANO, faute pour la société Giordano Enterprises Limited de rapporter la preuve d’un usage sérieux de celle-ci (TGI Paris, 3e ch., 4e sect., 9 mai 2019, 16/15245, confirmé par CA Paris, pôle 5, 2e ch., 29 oct. 2021, 19/19648 ; M20210247).