Jurisprudence
Brevets

Absence de compétence du juge français pour statuer sur des actes de contrefaçon de brevet et de droits d’auteur qui auraient été commis par des sociétés domiciliées en Italie

PIBD 1198-III-2
TJ Paris, 13 mai 2022

Action en contrefaçon de brevet et de droits d’auteur - Compétence de la juridiction française (non) - Compétence internationale - 1) Lieu du domicile du défendeur - Pluralité de défendeurs - Sociétés domiciliées à l’étranger - Intervenant volontaire domicilié en France - 2) Lieu du fait dommageable - Lieu du dommage subi - Actes incriminés commis à l’étranger - Absence de preuve d’un rattachement avec la France

Texte

L’action en contrefaçon d'un brevet français et de droits d’auteur a été intentée à l’encontre de défendeurs domiciliés en Italie. En application de l'article 4, 1), du règlement (UE) n° 1215/2012, dit Bruxelles I bis, les tribunaux de ce pays sont donc, par principe, compétents. L'article 8, 1), du règlement permet au demandeur, sous réserve d'un étroit lien de connexité, d'attraire, devant le for du défendeur d'ancrage, un ou plusieurs co-défendeurs domiciliés hors de ce pays. Cependant, en l'espèce, bien qu’une société défenderesse soit domiciliée en France, elle n’est qu'intervenante volontaire et aucune demande n'a été formée à son encontre. Elle ne peut donc être considérée comme défendeur d'ancrage susceptible de justifier la compétence du tribunal judiciaire de Paris vis-à-vis de l'ensemble des co-défendeurs.

Les demandeurs ne peuvent davantage arguer de la compétence du juge français en application de l’article 7, 2), du règlement Bruxelles I bis. En effet, ils ne rapportent pas la preuve de la réalisation en France d’un acte dommageable ou d’un dommage subi dans ce pays. Ainsi, les pages Facebook produites aux débats ont manifestement été publiées en italien et n'apparaissent en français que suite à une traduction automatique en raison d'une consultation depuis le territoire français. De même, la photographie du produit qui y figure a été prise lors de sa présentation à l'occasion d'un congrès italien à Rome, sans que ces documents n'établissent une offre à la vente sur le territoire français. Par ailleurs, une autre pièce produite fait état d'un appel d'offres publié par un acheteur public italien pour un lieu d'exécution du marché situé en Italie - appel d'offres auquel il n'est du reste possible de soumissionner qu'en italien - donc sans aucun rattachement avec la France. Enfin aucune autre pièce ne témoigne d'actes de commercialisation ou même promotionnels en France, ni à destination du public français.

Tribunal judiciaire de Paris, 3e ch., 2e sect., ordonnance du juge de la mise en état, 13 mai 2022, 21/07899 (B20220089)[1]
Pascal F et O3P SAS c. Pierc Srl, Gabriele G, Becton Dickinson and Co et al.

[1] Sur la question de la compétence du juge national pour statuer sur des actes de contrefaçon d’un brevet - en l’occurrence, un brevet européen - qui auraient été commis hors de France par des sociétés étrangères, voir notamment un arrêt récent de la Cour de cassation : Cass. com., 1re ch. civ., 29 juin 2022, Hutchinson SA c. Dal SAS et al., 21-11.085 (B20220060 ; PIBD 2022, 1189, III-1 ; RJDA, oct. 2022, 591 ; Propr. industr., déc. 2022, p. 9, étude d’A.-C. Chiariny).