Validité des marques - Caractère distinctif - Caractère descriptif - Caractère évocateur - Appréciation à la date du dépôt - Connaissance par le public concerné - Usage généralisé - Appréciation à l'égard des services désignés
Contrefaçon - Imitation - Préjudice - Transfert des noms de domaines - Existence d’un risque de confusion ou d’association - Interdiction - Portée générale - Services opposés au titre de la contrefaçon
Il résulte de l'article L. 711-2 du CPI, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019, que le caractère distinctif de la marque s'apprécie au jour du dépôt au regard de la connaissance du terme contesté auprès du public concerné.
Pour apprécier le caractère distinctif des marques MONKIOSQUE.FR MONKIOSQUE.NET et MONKIOSQUE, la cour d'appel a retenu qu'il n'était pas démontré qu'à la date des demandes d'enregistrement, le terme « kiosque », qui renvoie le public à l'abri édifié sur la voie publique dans lequel il peut acheter des journaux et magazines (définition du dictionnaire Larousse de 1955), permettait au public concerné d'établir un rapport immédiat et concret avec les services d'abonnement et de distribution de journaux et périodiques en ligne visés au dépôt des marques, même employé en association avec le pronom possessif « mon ». Elle a retenu, au contraire, que les articles de presse versés aux débats adjoignaient au terme « kiosque » les adjectifs « numérique » ou « électronique », ce qui montrait que le public ne pouvait faire un rapprochement immédiat entre l'expression « monkiosque », certes évocatrice, reprise dans les marques litigieuses, et ces services.
En l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a pu ne pas tenir compte de la généralisation actuelle alléguée de l'appellation « kiosque », dans le secteur de la distribution de la presse en ligne, laquelle était inopérante pour apprécier le caractère distinctif du signe « monkiosque » au moment du dépôt des marques attaquées, dès lors que la société qui en demandait l'annulation n'avait pas soutenu qu'à cette date, il était raisonnable d'envisager que le signe « monkiosque » constitue, à l'avenir, une description des services en cause.
Aux termes de l'article L. 711-2, alinéa 1, le caractère distinctif d'un signe de nature à constituer une marque s'apprécie à l'égard des produits ou services désignés.
Pour rejeter les demandes d'annulation des marques MONKIOSQUE.FR MONKIOSQUE.NET et MONKIOSQUE, la cour d'appel a également retenu que le public ne pouvait faire un rapprochement immédiat entre ces dénominations et les services de vente, d'abonnement ou de distribution de presse en ligne. En se déterminant ainsi, au regard des seuls services en ligne, sans examiner le caractère distinctif des marques pour désigner les services « d'abonnement à des journaux (pour des tiers) » et « distribution de journaux » désignés à l'enregistrement de la marque MONKIOSQUE.FR MONKIOSQUE.NET, ni ceux de « publication de livres » et « abonnement à des journaux pour les tiers » désignés à l'enregistrement de la marque MONKIOSQUE, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Ayant retenu que la société demanderesse à l'annulation des marques MONKIOSQUE.FR MONKIOSQUE.NET et MONKIOSQUE avait commis des actes de contrefaçon en utilisant le signe « lekiosk », la cour d'appel a pu lui ordonner de transférer ses noms de domaine « lekiosk.fr » et « lekiosk.net », qui comportent ce signe, à la société titulaire des marques.
La cour d'appel a également ordonné le transfert du nom de domaine « lekiosque.fr », après avoir constaté l'existence d'une contrefaçon par imitation du fait d'un risque de confusion ou d'association dans l'esprit du public entre la dénomination « LeKiosk » utilisée sur le site internet www.lekiosk.fr et les marques antérieures. En statuant ainsi, sans constater l'existence d'un risque de confusion entre le site internet « lekiosque.fr », correspondant à la dénomination sociale de la société poursuivie, et les marques, elle a violé l'article L. 713-2 du CPI, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2019-1169.
Après avoir constaté que l'usage du signe « lekiosk » dans la vie des affaires pour offrir des services permettant de lire sur un support numérique ses revues, magazines et journaux, entraînait un risque de confusion avec les marques, la cour d'appel a fait interdiction à la société poursuivie de faire usage, à quelque titre que ce soit, des signes verbaux et semi-figuratif « le kiosk ». En statuant ainsi, sans justifier de la nécessité de faire interdiction à cette société de faire usage du signe « lekiosk » pour d'autres services que ceux permettant de lire sur un support numérique les revues, magazines et journaux, elle n'a pas donné de base légale à sa décision.
Cass. com., 6 décembre 2023, 22-16.078 (M20230247)
Lekiosque.fr SAS c. Toutabo SA
(Cassation partielle CA Paris, pôle 5, 2e ch., 28 janv. 2022, 20/09046 ; M20220034 ; PIBD 2022, 1185-III-5)