Par Stéphanie Leguay, coordinatrice du Comité national anti-contrefaçon
Le 14 septembre 2022 a eu lieu l’assemblée générale du CNAC présidée, pour la première fois, par le député Christophe Blanchet en compagnie de Pascal Faure, directeur général de l’INPI1.
Le nouveau président du CNAC, Christophe Blanchet, a ouvert la réunion en évoquant la proposition de loi de modernisation de la lutte contre la contrefaçon en attente de discussion au Sénat qui a été adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale, le 25 novembre 2021. Il s’agit d’une base de travail solide qui pourrait, soit être adoptée telle quelle par le Sénat, soit être amendée afin de l’améliorer. En effet, de nombreuses propositions n’ont pu être introduites dans le texte initial, notamment en ce qui concerne la coordination de cette lutte. Cela permettrait, par ailleurs, de tirer les conséquences de la présidence française de l’Union européenne ainsi que de l’adoption du Digital Services Act2. Christophe Blanchet a également évoqué la prochaine coupe du monde de Rugby (2023) et les futurs Jeux olympiques (2024) qui se dérouleront en France et constitueront des manifestations particulièrement exposées aux attaques contre les droits de PI. Plus globalement, la prolifération de magasins vendant de la contrefaçon aux portes de Paris, à ciel ouvert, nécessite de sensibiliser collectivement le gouvernement.
En conclusion, le président du CNAC a invité l’ensemble de ses membres à travailler collectivement pour obtenir le texte le plus efficace possible. Il les a remerciés de leur mobilisation constante et les a assurés de son soutien et de son engagement à leur côté.
Pascal Faure s’est ensuite exprimé en sa qualité de secrétaire général du CNAC. Après avoir félicité Christophe Blanchet pour cette nouvelle fonction, il a rappelé les chiffres clés de la contrefaçon :
- 5,8 % des importations dans l’Union européenne sont des produits de contrefaçon ;
- la France reste le premier pays en Europe et le deuxième dans le monde, après les États-Unis, le plus touché par la contrefaçon ;
- les douanes françaises ont saisi 9,1 millions de produits, soit une augmentation de 62,5 % par rapport à l’année précédente, ce qui illustre l’ampleur du phénomène et la capacité d’action des douanes.
À cet égard, le CNAC « est et doit rester un lieu utile pour favoriser l’échange d’informations, faciliter le partage de bonnes pratiques, coordonner des actions concrètes et formuler des propositions de réformes ». Pascal Faure considère que la « coordination au niveau national et international est une des clés de la réussite ». Il a aussi indiqué que l’INPI renforce actuellement son activité en matière de lutte anti-contrefaçon.
Pour le groupe de travail « Communication-sensibilisation », Jean-Christophe Rolland, président de la Compagnie nationale des Conseils en propriété industrielle, a présenté l’hackathon organisé en novembre 2021 qui mettait en concurrence plusieurs équipes dans l’idée de proposer une solution éducative facilement compréhensible pour la cible choisie : les enfants de neuf à douze ans. Le gagnant fut un jeu de cartes servant de support à un jeu de rôle avec différents personnages. En effet, si la répression de la contrefaçon est essentielle, la prévention l’est tout autant, et notamment auprès des plus jeunes.
Delphine Sarfati, directrice générale de l’Union des fabricants a, quant à elle, évoqué les différents temps forts en matière de communication :
- la campagne numérique au moment du Black Friday pour informer les consommateurs avant les achats de Noël qui a permis de sensibiliser un grand nombre de personnes ;
- le Forum européen des 10 et 11 février 2022 qui a réuni cent cinquante personnes en présentiel et cent cinquante personnes en ligne pour discuter du thème : « Économie, e-commerce, environnement, législation : la propriété intellectuelle est-elle vraiment considérée à sa juste valeur ? » ;
- ou encore la campagne estivale 2022 sur le thème « Soyez responsables, consommez authentique, stop à la contrefaçon qui nuit à la planète »3.
Valérie Hochet, directrice de la communication de l’INPI, est, pour sa part, revenue sur le succès du MOOC INPI qui contient un module dédié à la lutte anti-contrefaçon, ainsi que celui de la table ronde « La nouvelle lutte contre la contrefaçon » lors de la conférence internationale consacrée à la PI organisée par l'INPI le 3 février 2022 dans le cadre de la présidence du Conseil de l’Union européenne. Elle a également mentionné l’atelier animé par l’INPI lors du dernier salon VivaTech 2021, « Comment lutter contre les contrefaçons, notamment sur les plateformes de ventes en ligne : témoignage de Leboncoin et Videdressing ».
Pour le groupe « coopération internationale », Élodie Durbize, responsable du Pôle international de l’INPI, a estimé que l’on peut se réjouir du travail accompli en matière de propriété industrielle pendant la présidence française du Conseil de l’Union européenne. La France avait en effet dégagé deux priorités législatives annoncées cette année par la Commission. D’une part, la mise en place au niveau européen d’un système de protection des indications géographiques pour les produits industriels et artisanaux qui a donné lieu, à la fin de notre présidence, à un premier compromis partiel entre les États membres sur les premiers titres de la proposition de règlement. D’autre part, la réforme du droit des dessins et modèles dont les propositions de textes (directives et règlements) sont attendues pour mi-octobre.
Concernant les avancées des autres initiatives prévues par la Commission européenne dans son plan d’action du 25 novembre 2020, et les principaux sujets européens d’actualité, il est prévu que la Commission adopte et publie prochainement ses propositions concernant la boîte à outils européenne de lutte contre la contrefaçon, les CCP, les licences obligatoires et les brevets essentiels à une norme.
Enfin, nous attendons l’entrée en vigueur de la Juridiction unifiée du brevet début 2023.
Pour sa part, Stéphanie Leguay, coordinatrice du CNAC, a fait un point sur les actualités du réseau des comités anti-contrefaçon mis en place par l’INPI4, enrichi par l’arrivée de nouveaux partenaires tels que l’université Arabe Nayef des sciences de la sécurité (NAUSS) qui est une organisation arabe dotée d’une personnalité juridique et jouissant d’un statut diplomatique. L’INPI signera, à l’automne, une convention de partenariats dont la lutte anti-contrefaçon représentera un thème majeur. Nous avons déjà vécu les temps forts de ce partenariat avec l’organisation, en juin 2022, d’un séminaire de deux jours qui fut consacré en grande partie à la lutte anti-contrefaçon et à la défense des droits.
Pour le groupe de travail cyber contrefaçon, Elsa Verbrugghe, chargée de mission à la DGE, a rappelé le contenu du texte du Digital Services Act (DSA) récemment adopté, dont l’entrée en vigueur se fera dans l’ensemble de l’Union européenne dans un délai de quinze mois après sa publication et avant le 1er janvier 2024. Les très grandes plateformes devront se mettre en conformité avant avril 2023.
Si le texte ne satisfait pas totalement, la boîte à outils européenne de lutte contre la contrefaçon prévue d’ici la fin de l’année en cours ainsi que, au niveau français, la proposition du projet de loi « Modernisation de la lutte contre la contrefaçon » permettront peut-être de compléter les manques du DSA.
Christophe Blanchet a indiqué qu’il conviendra d’être collectivement vigilant sur la mise en application de ce texte.
Pour le groupe de travail Aspects normatifs et juridictionnels, Flore Colnet, experte propriété industrielle au ministère de la Justice, a présenté sa feuille de route.
Sur le plan civil :
- faire le point sur le fonctionnement de la JUB ;
- dresser un bilan de la mise en œuvre de la transposition du paquet marques. Cela permettra, en particulier, de faire un point de situation de la nouvelle procédure administrative en déchéance et en nullité des marques (entrée en vigueur en avril 2020) ;
- dresser un bilan de l’opposition brevets.
Sur le plan pénal :
- lutte contre le trafic de médicaments illicites avec une mise à jour des chiffres sur le trafic de médicaments illicites qui est une préoccupation de santé publique ;
- transposition de l’article 52 ter de la directive médicaments falsifiés.
Sur ce dernier point, Marion Barreau, juriste en droit de la santé et lutte contre la falsification du LEEM est intervenue : la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil, telle que modifiée par la directive 2011/62/UE, établit les règles concernant, entre autres, la fabrication, l’importation, la mise sur le marché et la distribution en gros de médicaments dans l’Union ainsi que les règles relatives aux substances actives. Elle contient, notamment, l’article 52 ter qui n’a jamais été transposé en droit français. Ce dernier impose aux États membres de l’Union européenne de mettre en place des mesures appropriées pour que les médicaments en transit externe, c’est-à-dire provenant d’un État tiers et à destination d’un autre État tiers (en passant par l’UE), soupçonnés d’être falsifiés, puissent être saisis. En l’absence de transposition de cet article, les autorités ne peuvent s’en prévaloir pour effectuer des saisies de médicaments suspectés d’être falsifiés en transit externe sur le territoire français. En effet, les autorités ne peuvent saisir des médicaments falsifiés en transit externe sur le territoire français que si la contrefaçon de marque peut être retenue. Les dispositions permettant la saisie des marchandises contrefaisantes en transit sont prévues dans le Code de la propriété intellectuelle. Le LEEM souhaite un dispositif similaire à ce qu’il est possible de faire en matière de marques aujourd’hui.
Cette transposition ne pourra se concrétiser en l’absence d’un véhicule législatif adapté. Le projet de loi Blanchet-Bournazel est une occasion de pouvoir enfin transposer cet article.
Christophe Blanchet a ensuite proposé de donner la parole à l’ensemble des participants.
- Thierry Sueur a indiqué que l’association l’Union pour la Juridiction unifiée du brevet, créée en 2013 et qui rassemble l’ensemble des parties prenantes, entreprises (MEDEF, CPME, AFEP) et la CNCPI, l’ASPI et le barreau de Paris, organise un mock trial (procès fictif) qui sera organisé avec le soutien du ministère de la Justice et rassemblera un panel de juges allemands, néerlandais et français. Cette manifestation se déroulera dans la future grande salle d’audience de la JUB au tribunal de commerce de Paris le 21 novembre 2022. Une retransmission dans le monde entier est prévue.
- Corinne Murcia Giudicelli, représentante du Comité national des conseillers du commerce extérieur de la France (CNCCEF), a indiqué que ces derniers aimeraient contribuer aux actions du CNAC à travers des actions de sensibilisation auprès des PME et des TPE.
Enfin, la dernière partie de la réunion a été dédiée à la présentation du nouveau dispositif de l’INPI, FRANCE ANTI CONTREFACON, et à la mise en place, par l’Institut et avec différents partenaires, de travaux ayant pour objectif de mieux comprendre le phénomène de la contrefaçon en France.
À l’issue de cette réunion, l’INPI a signé trois accords de partenariat avec des acteurs clés de la lutte anti-contrefaçon en France : le CEIPI, la CPME et l’Union des fabricants.
À ces trois partenariats s’ajoutent ceux que l’INPI a déjà signés récemment, l’un avec la Direction générale des douanes et des droits indirects qui prévoit notamment un partage de données, et l’autre avec la Fédération française des industries mécaniques (FIM) prévoyant la réalisation prochaine d’une étude sur la contrefaçon dans l’industrie mécanique.
Ce dispositif permettra d’améliorer la complétude et la qualité des données transmises à l’Observatoire de l’EUIPO et alimentera les activités du CNAC. La collaboration renforcée entre l’INPI et l’Observatoire des douanes, partenaire clé du dispositif, aura pour objectif de fournir, d’analyser et d’exploiter les informations utiles pour caractériser la nature et l’impact de la contrefaçon en France. Les résultats issus de ces travaux permettront d’éclairer les autorités publiques dans l’élaboration de politiques efficaces pour lutter contre la contrefaçon de façon concertée et ordonnée.
L’assemblée générale s’est conclue par la signature des conventions.
1 En France, la lutte anti-contrefaçon est organisée et mise en œuvre au sein du Comité national anti-contrefaçon (CNAC), partenariat public-privé qui vise à renforcer l’échange d’informations et de bonnes pratiques, à coordonner des actions concrètes et à formuler de nouvelles propositions. Créé en 1995, il réunit des fédérations industrielles et artistiques, des associations professionnelles, des entreprises et les administrations concernées par la lutte anti-contrefaçon.
2 Cf. Question écrite de C. Blanchet, PIBD 2022, 1191, I-3.
3 Cf. PIBD 2022, 1186, IV-4.
4 Cf. PIBD 2022, 1178, IV-2.