Jurisprudence
Marques

Exploitation limitée de la marque RUNGIS valant usage sérieux pour les services d'hébergement de serveurs

PIBD 1202-III-4
CA Paris, 1er février 2023

Déchéance partielle de la marque (oui) - Usage sérieux - Appréciation globale - Preuve - Pertinence des pièces - Exploitation pour une catégorie de services - Sous-catégorie autonome (non) - Exploitation limitée - Secteur d'activité - Exploitation sur le territoire français

Texte
Marque n° 4 031 285 de Pedro L
Texte

Est confirmée la décision rendue par le directeur général de l’INPI ayant prononcé la déchéance, pour défaut d’exploitation, de la marque verbale Rungis pour l’ensemble des produits et services visés à l’enregistrement, à l’exception des services « d’hébergement de serveurs ».

La demande tendant à voir écarter certaines pièces des débats est rejetée. L’INPI a relevé que 44 factures produites pour justifier de l’usage sérieux de la marque se situaient dans la période pertinente, tout comme une fiche produit et des captures d’écran d’un site internet. Il a dit que certaines pièces n'étaient pas datées et que quelques factures se situaient en dehors de cette période, mais que l'ensemble des pièces devait être pris en considération dans le cadre d'une appréciation globale, en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce, pour apprécier le caractère sérieux de l'usage de la marque pendant la période pertinente.

Le titulaire a établi un usage sérieux de sa marque pour les services « d’hébergement de serveurs », qui consistent en la mise à disposition à distance de matériel informatique aux fins d’héberger des applications ou des sites web et de stocker et sauvegarder des données. Les pièces produites font état d'une offre de services d'hébergement de données de santé ainsi que de sites de pharmacies et de services accessoires, et les factures évoquent un abonnement à des services d'hébergement pour du « stockage » et de la « sauvegarde ». Ces pièces attestent dès lors d'une activité de services d'hébergement de sites et de données, et donc des services dont l’usage sérieux est contesté. Il importe peu que ces données soient des données de santé susceptibles d'être soumises à une réglementation particulière, les services d'hébergement de sites de santé et de données de santé n'étant pas une sous-catégorie autonome des services d'hébergement de serveurs. En effet, leur finalité et leur destination sont communes – héberger des sites comprenant des données –, sans que doivent être prises en compte les caractéristiques spécifiques des différentes données hébergées. Cela reviendrait à multiplier artificiellement des sous-catégories de services et aurait pour conséquence de limiter excessivement les droits du titulaire de la marque[1].

L’usage de la marque Rungis pour ces services est suffisamment important pour être qualifié de sérieux. L'usage d’une marque peut être minime, à condition qu'il ne soit ni sporadique ni symbolique car destiné au seul maintien des droits sur la marque, et le caractère sérieux doit être apprécié au regard du secteur économique en cause. En l’espèce, la plupart des pièces produites justifient d’un usage en France (ex. : factures en français avec une adresse dans ce pays, extraits d’un site internet comportant une extension en « .fr »). Par ailleurs, si les 76 factures concernent principalement deux clients, elles attestent d'une prestation d'hébergement sur une plateforme dans le secteur pharmaceutique pour de longues périodes de plus de 3 ans, dont 23 mois dans la période pertinente pour l'un, et 21 mois pour l'autre, pour des montants mensuels modestes mais réguliers allant de 358,80 à 543,47 euros. Cette régularité démontre un usage du signe contesté qui n'est pas de nature symbolique, mais répond bien à une réelle justification commerciale permettant de créer ou de conserver un débouché sur le marché des services d'hébergement de serveurs, étant rajouté que ce marché important et en pleine croissance comprend cependant de très nombreux intervenants dont certains peuvent être de taille et d'activité modestes.

Cour d’appel de Paris, pôle 5, 1re ch., 1er février 2023, 21/21420 (M20230013)[2]
Société d'Économie Mixte d'Aménagement et de Gestion du Marché d'Intérêt National de la Région Parisienne (SEMMARIS) SAEM c. INPI et Pedro L
(Confirmation décision INPI, 3 nov. 2021, DC20-0143 ; DC20200143)

[1] Cf. CJUE, 2e ch.,16 juill. 2020, ACTC, C-714/18 P (M20200164 ; Propr. industr., oct. 2020, comm. 55, A. Folliard-Monguiral ; L'Essentiel, 9, oct. 2020, n° 113, S. Chatry ; RTD com, 4, oct.-déc. 2020, p. 832, J. Passa). Voir également : CJUE, 4e ch., 22 oct. 2020, Ferrari SpA, C-720/18 et C-721/18 (M20200235 ; PIBD 2020, 1149, III-3 ; Propr. industr., déc. 2020, comm. 68, A. Folliard-Monguiral ; RTD com, 4, oct.-déc. 2020, p. 834, J. Passa ; Légipresse, 397, nov. 2021, p. 567, M. Sengel). Pour une application récente de l’arrêt Ferrari par une juridiction française, voir : TJ Paris, 3e ch., 1re sect., 26 janv. 2023, Punch Powertrain NV c. Punch Powerglide Strasbourg SAS, 18/11424 (M20230006 ; PIBD 2023, 1200, III-6). Le jugement a dit que les « véhicules » et les « appareils de locomotion par terre, par air ou par eau » ne pouvaient être regardés comme la catégorie plus large à l’intérieur de laquelle serait associée celle des transmissions et des parties de véhicules et que ces dernières constituaient une sous-catégorie autonome de la catégorie plus large des véhicules.

[2] Les arrêts ayant statué sur un recours contre une décision rendue en matière de déchéance de marque par l’INPI sont peu nombreux. Voir notamment : CA Paris, pôle 5, 2e ch., 28 oct. 2022, Veronese SAS c. INPI et al. (21/14713, M20220291, PIBD 2023, 1196, III-6 ; 21/14704, M20220293 ; 21/14712, M20220292) ; CA Paris, pôle 5, 1re ch., 15 avr. 2022, Braida By Brayda c. INPI et al., 21/09777 (M20220096 ; PIBD 2022, 1181, III-2) ; CA Aix-en-Provence, ch. 3-1, 18 nov. 2021, Catherine S c. INPI et al., 21/05511 (M20210273 ; PIBD 2022, 1173, III-4 ; D IP/IT, juin 2022, p. 332, I. Hegedus).