Recevabilité de l’action en contrefaçon et en atteinte à la marque de renommée de l’UE (oui) - Autorité de la chose jugée (non) - Décision antérieure sur la contrefaçon de la marque française - Identité d’objet et de cause - Principe de concentration des moyens
Recevabilité de l’action en contrefaçon de la marque de l’UE (oui) - Forclusion par tolérance (non)
Atteinte à la marque de renommée de l’UE (non) - Preuve de la renommée - Sondages - Intensité de l'usage - Investissements promotionnels - Parts de marché - Imitation - Identité des produits - Faible degré de similitude visuelle et phonétique - Différence intellectuelle - Lien entre les marques
Contrefaçon de la marque de l’UE (non) - Droit de l'UE - Imitation - Identité des produits - Syllabe d’attaque distinctive et dominante - Syllabe finale identique - Différence visuelle, phonétique et intellectuelle - Risque de confusion - Appréciation globale
Les demandes formées au titre de la contrefaçon et de l’atteinte à la marque de renommée sur la base de la marque de l’Union européenne FRONTLINE sont recevables. Aucune autorité de la chose jugée attachée aux décisions intervenues dans une procédure antérieure[1] ne peut être opposée à la société demanderesse, en l'absence d'identité de demande et de cause. En effet, la société demanderesse sollicite une mesure d'interdiction sur l’ensemble du territoire de l'Union européenne, alors que dans l'instance introduite devant le tribunal de grande instance de Lyon, qui concernait l’atteinte alléguée à sa marque française, la demande d'interdiction ne visait que le territoire français. Le principe de l'absence de concentration des moyens est inapplicable en l'espèce.
La société demanderesse n’est pas forclose à agir en contrefaçon de sa marque de l’Union européenne FRONTLINE. L'article L. 717-3 du CPI réserve la forclusion par tolérance aux seules marques enregistrées dans le territoire national sur lequel l'action est engagée, soit en l'espèce, le territoire français. Dès lors, les sociétés défenderesses ne peuvent invoquer le fait que la société demanderesse aurait toléré l’usage de leurs marques nationales postérieures Fiproline déposées en Allemagne, en Angleterre et au Benelux.
La renommée de la marque de l’Union européenne FRONTLINE est établie auprès du public visé de propriétaires d'animaux de compagnie, en raison du degré élevé de connaissance de la marque, de son usage intensif dans l’Union européenne, de la première position du titulaire sur le marché des antiparasitaires pour animaux de compagnie et des investissements qu’il a effectués.
Cette renommée n'est cependant pas exceptionnelle et il n'est pas davantage démontré la forte distinctivité de la marque. Les signes FRONTLINE et Fiproline se distinguent par leurs syllabes d’attaque dominantes, leur structure et leur prononciation. Conceptuellement, la marque FRONTLINE sera facilement traduisible par le consommateur européen comme signifiant une ligne de front, alors que le signe Fiproline n'a pas de signification particulière. Dès lors, et compte tenu du faible degré de similitude visuelle et phonétique entre les signes et de l'absence de toute similitude conceptuelle, il n'est pas prouvé que le public pertinent établira un lien entre les marques FRONTLINE et Fiproline, en dépit de l'identité des produits antiparasitaires à usage vétérinaire visés. L’atteinte à la renommée de la marque de l’Union européenne FRONTLINE n’est donc pas rapportée.
La contrefaçon de cette marque n’est pas plus constituée. Les signes se distinguent par leurs séquences d’attaque « Front » et « Fipro » qui sont distinctives et dominantes, tandis que l'élément final commun « line », qui évoque une ligne de produits, est peu distinctif. Il résulte de la comparaison globale des signes que les différences excluent tout risque de confusion. En conséquence, malgré l'identité des produits, le consommateur ne pourra se méprendre sur leur origine, et ne sera pas conduit, à penser que les signes proviennent d'une même entreprise ou d'entreprises liées économiquement.
Cour d’appel de Paris, pôle 5, 1re ch., 22 juin 2022, 20/09661 (M20220226)
Boehringer Ingelheim Animal Health France SAS (anciennement dénommée Merial) c. Virbac SA, Alfamed SAS et Francodex Santé Animale SAS
(Confirmation TJ Paris, 3e ch., 1re sect., 12 mars 2020, 17/00250, M20200158 ; PIBD 2020, 1145, III-7)
[1] La Cour de cassation (com., 27 mai 2021, 19/17676 ; M20210128, PIBD 2021, 1163, III-2) a dit que l’arrêt de la cour d’appel de Lyon rendu sur deuxième renvoi après cassation (12 mars 2019, 18/01394 ; M20190058, PIBD 2019, 1114, III-208) était légalement justifié en ce qu’il a jugé que l'usage de la marque FIPROLINE n'a pas pu porter atteinte à la renommée, à la supposer établie, de la marque française FRONTLINE. Elle a cassé l’arrêt en ce qu’il a rejeté la demande d’annulation de la marque Fiproline fondée sur les articles L. 711-3, b) ancien du CPI et R. 5141-1-1 du Code de la santé publique et renvoyé les parties devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence. Celles-ci n'ont pas saisi la cour de renvoi.