Validité de la marque - 1) Droit antérieur - Marque de renommée - Lien entre la marque renommée et le signe litigieux - Comparaison des produits et services - Public pertinent - Nullité partielle - 2) Dépôt frauduleux (non) - Intention de nuire
La marque contestée RICHARD MILLE, déposée pour désigner de nombreux produits et services en classes 7, 12, 38 et 42, porte atteinte, concernant certains produits et services, aux droits antérieurs sur la marque de renommée éponyme invoquée. En revanche, pour d’autres produits et services de la marque contestée, les publics respectifs ne pourront opérer un lien entre celle-ci et la marque de renommée. Par conséquent, l’atteinte à la renommée de la marque première n’est pas justifiée concernant ces produits et services.
Le moyen nouveau invoqué devant la cour d’appel, tiré de la nullité de la marque contestée pour l'intégralité des produits et services qu'elle désigne en raison de son dépôt frauduleux, n’est pas fondé. En l'espèce, l'intention de nuire du déposant de la marque seconde n'est pas démontrée. Si cette marque est à juste titre contestée pour les produits et services pour lesquels elle a été annulée, elle est en revanche valable pour les autres produits et services qu'elle désigne et pour lesquels il n'est pas justifié d'une atteinte aux droits antérieurs.
Cour d’appel de Paris, pôle 5, 2e ch., 11 février 2022, 21/05616 (M20220063)[1]
Turlen Holding c. INPI et M. H
(Rejet recours c. décision INPI, 22 déc. 2020, NL 20-0009 ; NL20200009 ; PIBD 2021, 1153, III-8)
[1]L’arrêt ci-dessus publié est le premier concernant une décision en nullité de l’INPI pour atteinte à une marque de renommée. Il est également une illustration de la réforme des recours contre les décisions rendues par l’INPI. À la suite d’une décision statuant sur une demande en nullité de marque, le recours prévu par l’article R. 411-19 al. 2 du CPI, est un recours en réformation et a un effet dévolutif : le requérant peut produire devant la cour d’appel de nouvelles pièces, proposer de nouvelles preuves ou invoquer de nouveaux moyens comme c’est le cas dans l’arrêt RICHARD MILLE, même si ceux-ci n’ont pas permis de réformer la décision. Le recours en réformation coexiste désormais avec le recours en annulation, ouvert contre les décisions de l’INPI notamment en matière d’opposition à l'enregistrement de marques ou de rejet de demandes d’enregistrement de marque, à l’occasion duquel le requérant ne peut invoquer devant la cour d’appel des moyens ou produire des pièces, qui n’auraient pas été soumis à l’INPI.
Hormis l’arrêt RICHARD MILLE, la cour d’appel s’est prononcée à deux autres reprises au fond sur des recours en réformation. Un arrêt a « infirmé partiellement » la décision de l’INPI de rejet de la demande en nullité de la marque AUTHENTIK IMMO pour atteinte à une dénomination sociale et un nom de domaine antérieurs. Il a annulé la marque contestée pour les services de publicité en ligne sur un réseau électronique et pour l'ensemble des services de la classe 36 (CA Nancy, 1re ch. civ., 13 déc. 2021, Authentik Immo SAS c. Authentik Immo SAS, 21/00757 ; M20210297). Un autre arrêt a rejeté le recours contre la décision de déchéance partielle de la marque GABRIELLE pour des produits autres que les produits de parfumerie (CA Aix-en-Provence, ch. 3-1, 18 nov. 2021, Catherine S c. INPI et al., 21/05511 ; M20210273 ; PIBD 2022, 1173, III-4). Dans ces deux affaires, de nouvelles pièces ou preuves ont été versées devant le juge.