Validité de la marque (non) - Absence de caractère distinctif
La marque verbale LA METHODE DES COULEURS est annulée, à titre reconventionnel, pour l’ensemble des produits et services qu’elle désigne (notamment, matériel d’instruction ou d’enseignement, logiciels, éducation - formation professionnelle) pour absence de caractère distinctif. Le titulaire de la marque ne conteste pas que ce signe désigne directement une méthode pédagogique et de développement personnel destinée aux entreprises. À la date du dépôt, le mot « méthode » était étroitement associé à l’enseignement et à la formation, et donc au matériel pédagogique et à l’enseignement. De même, les couleurs étaient très généralement utilisées à des fins pédagogiques et pour aider à la mémorisation des concepts. Ainsi, à la date de son dépôt, le signe « La méthode des couleurs » était une désignation générique susceptible de qualifier de nombreux matériels d’instruction et d’enseignement ainsi que les services associés d’éducation et de formation professionnelle, sur des supports traditionnels ou numériques. Ces mots combinés ne peuvent donc pas faire l’objet d’une appropriation par voie de dépôt de marque sans priver les tiers de mots nécessaires à la description de leur activité, et sont inaptes à garantir l’identité d’origine des produits et services.
TJ Paris, 3e ch., 2e sect., 8 nov. 2024, Arc en Ciel RH SARL et al. c. Advance Conseil SAS et al., 21/05614 (M20240256)
Recevabilité des demandes reconventionnelles en nullité et déchéance de la marque de l’UE (oui) - Validité de la marque (oui) - Déchéance de la marque (oui)
La société titulaire de la marque européenne LA GARÇONNE, qui vise les produits de « joaillerie, bijouterie, pierres précieuses, horlogerie et instruments chronométriques », a reproché à deux sociétés d’avoir contrefait sa marque en procédant à la commercialisation d’une collection de bijoux sous le signe « garçonne ». Celles-ci sont jugées recevables à solliciter reconventionnellement la nullité de la marque pour tous les produits pour lesquels elle a été enregistrée, et non uniquement pour ceux concernés par l’action principale, conformément à la jurisprudence de la CJUE1. Elles ont également intérêt à agir en déchéance à titre reconventionnel pour les produits relevant du même secteur d’activité que la bijouterie et la joaillerie. Le terme « garçonne », qui faisait initialement référence à la période des années 1920, est associé à un mode de vie et à une époque. Bien que les défenderesses citent des exemples de marques ou de collections employant ce terme, celui-ci est plus susceptible de décrire la clientèle à laquelle ces bijoux sont destinés que les bijoux eux-mêmes. Il s’agit donc d’une expression arbitraire qui n’est pas descriptive, et apparaît dès lors suffisamment distinctive, de sorte que l’action reconventionnelle en nullité est rejetée. En revanche, la demanderesse est déchue de ses droits sur sa marque figurative pour défaut d’usage sérieux. En effet, les seuls usages établis ont été réalisés principalement sous la forme « la Garçonne Diamant », déclinée graphiquement de différentes manières, altérant substantiellement le caractère distinctif du signe.
TJ Paris, 3e ch., 2e sect., 25 oct. 2024, Gemstar Brands SAS c. APM France SARL et al., 22/04818 (M20240252)
1 Une demande reconventionnelle en nullité d’une marque de l’UE peut concerner l’ensemble des droits que le titulaire de cette marque tire de son enregistrement, sans qu’elle soit restreinte, dans son objet, par le cadre contentieux défini par l’action en contrefaçon (CJUE, 10e ch., 8 juin 2023, LM, C-654/21, point 35). Sur une application, par analogie, de cette décision à une demande reconventionnelle en déchéance d’une marque de l’UE, voir aussi : TJ Paris, 3e ch., 1re sect., 11 juill. 2024, Maison des Grands Crus SAS c. Le Soufflot SARL et al., 22/01053 (M20240173 ; PIBD 2024, 1233-III-3).
Recevabilité de la demande en déchéance devant l’INPI (non) - Abus du droit d'agir (oui) - Intention de nuire
La demande en déchéance pour défaut d’usage sérieux de la marque Lady Concept, formée par un ancien franchisé, est jugée irrecevable en ce qu’elle est constitutive d’un abus de droit1. Si l’intérêt à agir n’est pas requis dans le cadre d’une demande en déchéance formée devant l’INPI, la notion d’abus de droit ou de procédure abusive est indépendante des règles relatives à la personne habilitée à introduire une demande en déchéance. Le droit de présenter une telle demande peut dégénérer en abus s’il relève en réalité d’une intention de nuire de la part du demandeur. En l’espèce, les parties avaient conclu un contrat de franchise, le franchisé ayant lui-même exploité la marque litigieuse pendant la période de cinq ans précédant sa demande en déchéance. Il a introduit cette demande quelques jours après la signification d’une décision du tribunal de commerce ayant résilié le contrat de franchise à ses torts pour défaut de paiement des redevances, et après un constat d’huissier ayant établi la dégradation d’éléments relatifs à la marque Lady Concept qu'il avait restitués au franchiseur. Il résulte ainsi de l’ensemble de ces éléments que le demandeur a tenté de tirer un avantage indu de la demande en déchéance, à savoir nuire au titulaire de la marque contestée après sa condamnation par le tribunal de commerce venant reconnaître ses manquements au contrat de franchise.
Décision INPI, 21 oct. 2024, Sima 7 SARL c. XS Comm SARL, DC 23-0181 (DC20230181)
1 Voir également dans le même sens : décision INPI, 10 sept. 2021, LMBF SASU c. Shiva Groupe SAS, DC 20-0123 (DC20200123 ; PIBD 2022, 1178, III-6)
Mesures provisoires - Caractère vraisemblable de l’atteinte aux droits (oui) - Contrefaçon de dessins ou modèles
La société défenderesse a confié au demandeur la réfection de la décoration intérieure et extérieure de son commerce. Celui-ci a déposé à l’INPI, à titre de dessins ou modèles, deux logos qu'il a conçus comportant la dénomination sociale de la défenderesse. Après l'avoir mise en demeure de payer la facture pour la réalisation des travaux prévus, il l'a fait assigner, en référé, en exécution de son obligation contractuelle de paiement et aux fins de voir interdire l’utilisation des logos comme enseigne sans son autorisation, cet usage constituant, selon lui, la contrefaçon de ses dessins ou modèles. Les moyens de défense relatifs au défaut de validité des dessins ou modèles sont écartés. En effet, la nouveauté est vraisemblable. Il n'est pas rapporté la preuve d’une divulgation des logos par leur créateur plus de douze mois avant le dépôt, la présence de l’enseigne litigieuse sur le bâtiment de la défenderesse n’étant établie que par un constat réalisé postérieurement. De plus, le dépôt ne peut pas être qualifié de frauduleux car il n’est pas de nature à léser les droits de cette société qui était autorisée, contractuellement, à utiliser une enseigne reproduisant les logos moyennant le versement du prix convenu. La contrefaçon des dessins ou modèles est vraisemblable, la défenderesse ayant manqué partiellement à son obligation de paiement. Toutefois, la suppression de l’enseigne litigieuse de la façade de son commerce n’est pas ordonnée, dès lors qu'elle est condamnée à verser une provision en exécution de cette obligation.
TJ Lyon, 1er oct. 2024, M. [P] [V] c. Antep Sofrasi SAS, 24/00753 (D20240056)